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Sommaire
I. MOTIVATIONS ET BUTS DE GUERRE DES BELLIGÉRANTS : AUX ORIGINES DU CONFLIT
A. Des conflits d’intérêt aux crises
B. Le déclenchement de la guerre
II. L'ÉCHEC DE LA GUERRE DE MOUVEMENT ET LA MONDIALISATION DU CONFLIT
A. L'illusion de la guerre courte
B. La guerre des tranchées à l'ouest
C. La mondialisation du conflit
III. LA FIN DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE
A. Les révolutions russes (février et octobre 1917)
B. Les derniers assauts allemands et la victoire de l’entente
Manuel p.248-275
Introduction
Repères p.250-251- En 1914, l'attentat de Sarajevo produit une onde de choc qui embrase le continent européen. L'illusion d'une guerre courte et localisée se dissipe rapidement : la guerre s'enlise, implique de nouveaux acteurs, essaime sur les différents continents, mobilise des armes nouvelles, sur terre, sur mer et dans les airs.
Quelles sont les grandes étapes de la Première Guerre mondiale et comment ce conflit se décline-t-il aux différentes échelles ?
I. Motivations et buts de guerre des belligérants : aux origines du conflit
A. Des conflits d’intérêt aux crises
Guillaume II, empereur d’Allemagne (1888-1918), lance son pays dans une Weltpolitik visant à assurer à l'Allemagne, devenue derrière les États-Unis la seconde puissance industrielle du monde, des positions stratégiques, des matières premières, des débouchés commerciaux et financiers. Les progrès industriels et l’essor de la flotte de guerre allemands, constitue un sujet de préoccupation pour Londres. Les intérêts allemands se heurtent également à ceux de la France. Ainsi, la question marocaine oppose à deux reprises la France et l'Allemagne. En mars 1905, Guillaume II se présente comme le défenseur de la liberté marocaine contre les ambitions françaises, et provoque une vive tension entre les deux pays. La conférence internationale d’Algésiras (1906) tranche en faveur de la France, soutenue par l’Angleterre et la Russie, ce qui conduit les Allemands à envoyer un navire de guerre mouiller dans le port d'Agadir en 1911, au moment où les Français interviennent militairement au Maroc, manquant de déclencher la guerre[1].
Par ailleurs, les rivalités sont particulièrement vives dans les Balkans où l’effacement de l'Empire ottoman face aux peuples serbe, roumain, bulgare, etc. laisse le champ libre aux autres grandes puissances régionales : la Russie renoue avec sa politique traditionnelle de protection des Slaves des Balkans (et surtout des Serbes aux volontés expansionnistes affirmées), dont elle espère qu'elle lui ouvrira un jour l'accès aux « mers chaudes » et se heurte de plus en plus vivement aux visées expansionnistes en direction de la mer Égée de l’Autriche-Hongrie. Celle-ci surveille étroitement la poussée nationaliste des Slaves du Sud (Croates, Slovènes, Bosniaques, etc.) qui voient dans la petite Serbie indépendante du roi Pierre Ier le noyau d'un futur État « yougoslave ». Enfin, à partir des premières années du XXe siècle, le jeune impérialisme italien manifeste des revendications irrédentistes dans la région, concernant des territoires sous domination autrichienne (Trentin, Trieste).
Une série de crises secoue également les Balkans :
- En 1908-1909, l’Autriche-Hongrie annexe la province ottomane de Bosnie-Herzégovine, et se heurte à la Serbie, qui finit par s’incliner.
- En 1912, la guerre éclate entre l'Empire ottoman et les petits États du Sud des Balkans -Bulgarie, Grèce, Monténégro, Serbie- groupés en une « ligue balkanique ». Victorieuse des Ottomans qui abandonnent leurs dernières possessions européennes, celle-ci doit accepter l'arbitrage des puissances, soucieuses de maintenir un semblant d'équilibre dans la région[2].
- En 1913, une nouvelle guerre oppose la Bulgarie aux autres vainqueurs de la Turquie, rejoints par la Roumanie. Le traité de Bucarest (août 1913) ne laisse à la Bulgarie qu'une étroite façade sur la mer Égée et partage la Macédoine entre Grèce et Serbie, tandis que la Roumanie s’agrandit vers le Sud.
Au cours de ces trois crises, la France et l'Allemagne n'ont donc que faiblement soutenu leurs alliées respectives, ce qui a permis d'éviter le déclenchement d'une guerre générale. Toutefois, la zone balkanique reste en 1914 une poudrière, prête à exploser à tout moment.
B. Le déclenchement de la guerre
La répétition et l'aggravation des crises internationales créent en Europe une psychose de guerre[3] qui concourt au renforcement des blocs -Info p.252. En effet, pour la seule année 1912 :
- La Triple Alliance -Vocabulaire p.252 ou Triplice (Autriche-Hongrie, Italie, Allemagne[4]) est renouvelée.
- Il est décidé la France soutiendrait la Russie[5] dans l'éventualité d'une attaque allemande, même si la guerre a pour origine un conflit dans les Balkans.
- Dans la foulée de l’Entente cordiale entre la France et le Royaume-Uni[6], un plan de coopération militaire et navale franco-britannique est élaboré. Il débouchera sur ce qu’on appellera la Triple Entente -Vocabulaire p.252
Le 28 juin 1914, en visite à Sarajevo (Bosnie), l'archiduc héritier d'Autriche François-Ferdinand est assassiné par un étudiant bosniaque, Gavrilo Princip, membre d'une société secrète (la « Main noire ») liée au mouvement nationaliste « yougoslave ». Le gouvernement de Belgrade n'a probablement aucune responsabilité dans l'affaire, mais le gouvernement et l'état-major de Vienne estiment le prétexte bienvenu pour régler définitivement son compte à l’ambitieuse Serbie, alors considérée comme le leader de la cause panslave dans les Balkans -Panslavisme. Vocabulaire p.252.
Fort de l'appui de Guillaume II, le gouvernement austro-hongrois adresse le 23 juillet un ultimatum à la Serbie. Celle-ci en repousse l’article 6, qui exigeait la participation de fonctionnaires autrichiens à l'enquête menée en Serbie pour déterminer les responsabilités de l'attentat, provoquant la déclaration de guerre par l'Autriche à la Serbie, le 28 juillet. La Russie ne peut laisser écraser sans réaction son allié et décide la mobilisation générale le 30 juillet.
Face à cette montée des périls, le mouvement pacifiste se trouve paralysé :
- En France, l’assassinat de Jean Jaurès -Biographie + citation p.253 le 31 juillet par le nationaliste Raoul Villain jette le trouble dans le camp des pacifistes et laisse le champ libre aux partisans de l’« Union sacrée ».
- En Allemagne, la social-démocratie fait passer son attachement à la paix après sa haine de l'autocratie tsariste et assure le chancelier Bethmann-Hollweg qu'elle ne fera rien pour gêner son action.
Partout, la stupeur et la résignation des peuples ne tardent pas à se transformer en détermination -sinon en enthousiasme véritable comme tendront à en accréditer l'idée des écrits nationalistes rédigés après coup- devant l'inéluctabilité d'une guerre dont on est persuadé qu'elle sera courte.
Le 31 juillet, l'Allemagne somme la Russie d'arrêter sa mobilisation et adresse un ultimatum à la France. N'ayant pas obtenu de réponse, elle décrète le 1er août la mobilisation générale et le même jour, tandis que la France mobilise à son tour, elle déclare la guerre à la Russie. Le 2, elle exige de la Belgique le libre passage pour ses troupes et le 3, elle engage les hostilités contre la France. Du côté de la Triplice, l'Italie juge que les conditions dans lesquelles la guerre s'engage ne les obligent pas à intervenir. Quant au gouvernement britannique, c’est l’invasion de la Belgique par les troupes allemandes qui lève les dernières oppositions au sein du cabinet. Le 4 août, le Royaume-Uni déclare la guerre à l'Allemagne.
En moins de deux semaines, la crise balkanique s'est transformée en un conflit généralisé, prélude à la Première Guerre « mondiale » de l'histoire.
II. L'échec de la guerre de mouvement et la mondialisation du conflit
A. L'illusion de la guerre courte
En 1914, l'ensemble des belligérants croit que la guerre sera brève. Le plan allemand (plan Schlieffen), prévoit, pour éviter une bataille sur deux fronts, d'écraser la France en six semaines en envahissant la Belgique neutre pour attaquer la France par le Nord, avant de se retourner contre la Russie. Le plan français (plan XVII, confié au général Joffre -Biographie p.254) envisage une offensive en Alsace-Moselle pour couper en deux l'armée allemande. Dès août 1914, les offensives françaises en Alsace et en Lorraine échouent devant la puissance de feu allemande. Le plan Schlieffen semble, lui, devoir réussir : les Allemands entrent en Belgique, envahissent le Nord de la France et se dirigent vers Paris.
À l’Est, les Russes ont lancé en août une offensive en Prusse orientale. Celle-ci, d'abord victorieuse, est arrêtée par les généraux allemands Hindenburg et Ludendorff aux deux grandes batailles de Tannenberg -PDP#24 p.258-259. Août-septembre 1914, Tannenberg et la Marne et des lacs Mazures (septembre 1914). Les Russes commencent alors un recul qui ne va guère cesser jusqu'en 1917, même s’il est partiellement compensé par des victoires remportées contre les Autrichiens en Galicie. Là aussi, la guerre promet d'être longue.
PDP#24 p.258-259. Août-septembre 1914, Tannenberg et la Marne- À l’Ouest, une contre-offensive française arrête l'avance allemande : le général Galliéni lance les troupes de Paris sur les flancs des colonnes allemandes en marche vers le sud. C'est la bataille de la Marne, qui dure du 6 au 13 septembre, et à l’issue de laquelle les Allemands sont contraints de reculer. À la mi-novembre 1914, les deux adversaires, incapables de l'emporter l’un sur l'autre, se stabilisent face à face, sur un front de 800 km de la mer du Nord à la frontière suisse. Tout espoir de guerre courte s’évanouit à l’Ouest.
B. La guerre des tranchées à l'ouest
Désormais, les troupes s'enterrent dans des tranchées creusées à même le sol et reliées entre elles par des boyaux, vivant dans des casemates protégées par des sacs de sable. C’est la fin de la guerre de mouvement, et le début de la guerre de position -Vocabulaire p.254 C'est une expérience pénible, dans la boue, sans hygiène, marquée par l’omniprésence de la mort, qui peut survenir à tout moment du fait des armes de jet (grenades et torpilles), de l’action de l'artillerie à longue portée qui retourne les tranchées, de l'utilisation des gaz asphyxiants. Si le patriotisme, l’esprit de camaraderie et la haine de l’ennemi[7], ainsi qu’une très forte coercition, permettent aux troupes de « tenir »[8], la Grande Guerre est aussi marquée des contestations pacifistes et des mutineries, qui font partie intégrante de sa mémoire toujours sensible un siècle après -Passé/Présent p.266-267. Mutins de 1917, fusillés de la Grande Guerre : quelle place dans la mémoire nationale pour la désobéissance et les refus de guerre ?
Un tel système de fortifications voue à l'échec toute tentative de percée. Mais pour répondre à l'impatience de l'opinion et tenter d'en finir, quelques grandes offensives sont tentées.
PDP#25 p.262-263. 1916, Bataille de la Somme- Précédées par de puissantes préparations d'artillerie, ce sont de sanglantes et vaines boucheries : les soldats doivent se hisser hors du parapet sous le feu de l'ennemi, cisailler les barbelés installés pour ralentir leur progression, « nettoyer » à la grenade les tranchées adverses. Toutes les offensives échouent : celles des Français et des Anglais en Artois et en Champagne en 1915, celle des Allemands sur Verdun, de février à juin 1916, qui fait un million de morts dans les deux camps, la contre-offensive française sur la Somme la même année, l’offensive « napoléonienne » (selon ses propres termes) du généralissime français Nivelle entre l'Oise et Reims en avril 1917 qui échoue en deux jours après avoir fait 30 000 morts et 80 000 blessés.
C. La mondialisation du conflit
Devant l'échec des offensives, chacun des deux camps tente de rompre à son profit l'équilibre des forces en se trouvant de nouveaux alliés et en puisant dans les ressources de l’Empire :
- Les Empires centraux reçoivent ainsi l'aide de l'Empire ottoman en 1914 et celle de la Bulgarie (1915), dont l’entrée en guerre provoque l'effondrement des Serbes pris entre deux feux.
- L’Entente reçoit l’appui de l'Italie en mai 1915. Celle-ci, membre de la Triple Alliance, s'était déclarée neutre en 1914. Elle ouvre ensuite une négociation avec les deux camps pour rejoindre celui qui lui promet les plus grands avantages territoriaux à la paix. De même, la Roumanie en 1916, la Grèce en 1917, les États-Unis la même année -Paragraphe C p.257, le Japon dès 1914, la Chine en 1917 rejoignent le camp de l’Entente.
- Si on ajoute la présence parmi les belligérants du Commonwealth et de l’empire français, c'est la plus grande partie du monde qui est en guerre -Chiffres-clés p.257 :
- En France, le colonel Mangin fait l'apologie de la « force noire » alors que le général Pennequin soutient l'idée de la « force jaune », avec la perspective d’attribuer des droits politiques aux mobilisés[9]. La participation des tirailleurs sénégalais à la guerre alimente tous les stéréotypes : courage, fidélité et bonhomie côté français ; cruauté barbare côté allemand. Les Indochinois sont davantage mobilisés dans les usines d'armement.
- En tant que dominions, le Canada et Terre-Neuve, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, ou l’Afrique du Sud sont engagés par la politique extérieure du Royaume-Uni, et doivent lever des troupes, qui sont engagées massivement dans les offensives lancées sur le front balkanique (bataille des Dardanelles) puis sur le front occidental. Les colonies sont également fortement mises à contribution (Indes britanniques)
II en résulte une extension des théâtres d’opération :
- En Extrême Orient, le Japon, allié des Britanniques, attaque les possessions allemandes du Pacifique (Îles Marshall, Carolines, Mariannes).
- En Afrique, les Franco-Anglais s'emparent des colonies allemandes (Togo, Cameroun, Sud-Ouest africain allemand) –« Le saviez-vous ? » + Pour aller plus loin p.257.
- Au Moyen-Orient, les Anglais lancent des offensives contre les possessions ottomanes de Basse-Mésopotamie et de Palestine[10], et sur le détroit des Dardanelles PDP#26 p.260-261. 1915, offensive des Dardanelles
III. La fin de la Première Guerre mondiale
A. Les révolutions russes (février et octobre 1917)
En août 1914, la Russie apparaît aux yeux du monde comme une puissance de premier plan : peuplée de 170 millions d'habitants, elle peut en principe aligner 8 millions de soldats (c'est le « rouleau compresseur » dont se félicitent les Français) ; cinquième puissance économique du monde, elle s'industrialise à pas de géant ; après la secousse de 1905, son régime semble consolidé et la réalisation de l'Union sacrée en 1914 met une sourdine aux tensions politiques et sociales. La guerre fait voler en éclats cette façade et révèle que la Russie est un « colosse aux pieds d'argile ». Après avoir dû accorder une Constitution pendant la révolution de 1905, le tsar Nicolas II est revenu à l'autocratie[11].
La Première Guerre mondiale aggrave les fragilités de la Russie, et les défaites précipitent la désagrégation du régime impérial : l’économie n’a pas supporté le choc de la guerre. Elle ne peut fournir à l'armée armes, munitions, vivres, vêtements, et le dénuement des soldats, affamés, mal équipés, sacrifiés dans des offensives vaines est tel que, début 1917, on compte plus d'un million de déserteurs. Par ailleurs, les paysans ne veulent plus livrer leur grain, les villes sont mal approvisionnées, les usines, privées de fournitures, mettent leurs ouvriers au chômage... La classe dirigeante qui constate l'incapacité du tsar souhaite un changement, et des complots se trament[12]; les libéraux en viennent à l'idée qu'il faut un autre monarque. Ils vont être pris de vitesse par les troubles sociaux.
Du 8 au 12 mars 1917[13], se produisent dans la capitale Petrograd des troubles spontanés provoqués par la faim et par la misère[14]. Discrédité, le tsar abdique le 15 mars en faveur de son frère, le grand duc Michel. Celui-ci renonçant au trône le 16, c'est la fin de la dynastie des Romanov, au profit d’un « double pouvoir ».
Le gouvernement provisoire, issu de la douma, est dominé par les « partis bourgeois » regroupés autour des constitutionnels-démocrates (initiales russes KD, d'où leur surnom de « Cadets »). Ce courant modéré, libéral et réformateur rêve de conduire la Russie vers un régime parlementaire à l'occidentale. Son principal chef est Pavel Milioukov. Face à lui, le Soviet (« Conseil ») de Petrograd réunit les partis révolutionnaires qui se divisent en trois tendances : les socialistes-révolutionnaires (SR)[15] et les deux branches de la social-démocratie, mencheviks[16] et bolcheviks[17]. Au Soviet de Petrograd, SR et mencheviks détiennent la majorité alors que les bolcheviks sont très minoritaires.
Le gouvernement provisoire prend un certain nombre de mesures libérales (liberté d’opinion, de presse, de réunion) et sociales (égalité devant la loi, droits syndicaux, journée de 8 heures), mais reste sourd aux exigences principales des masses, le partage des terres et la conclusion d'une paix immédiate. Dans ce climat politique délétère, plusieurs gouvernements provisoires se succèdent et le peuple est de plus en plus réceptif aux idées des bolcheviks.
Lénine estime que la phase de la révolution bourgeoise est déjà dépassée puisque le peuple suit le Soviet et non le gouvernement. Pour lui, c’est le moment de faire triompher sa conception de la révolution. Il revient en Russie en avril 1917[18] et publie les « Thèses d'avril » : refus de la guerre, lutte contre le gouvernement provisoire, remise de la totalité du pouvoir aux soviets, confiscation des terres des grands domaines, nationalisation des banques et des usines. Le slogan bolchevik « Pain », « Paix », « Terre » domine lors de l'insurrection de juillet, et la violence de la répression conduit Lénine à se réfugier en Finlande. C’est donc Trotsky qui prépare soigneusement l'insurrection : dans la nuit du 6 au 7 novembre 1917 (24 au 25 octobre pour le calendrier russe), les milices conduites par les commissaires bolcheviks s'emparent des points stratégiques de la capitale, sans faire une seule victime[19]. Au matin, Kerensky, le chef du gouvernement provisoire, s'enfuit. Les bolcheviks ont conquis le pouvoir.
Le 8 novembre 1917, le Congrès des soviets approuve la constitution d’un nouveau gouvernement présidé par Lénine, avec Trotsky aux Affaires étrangères et Staline aux Nationalités. Il vote également deux décrets rédigés par Lénine : le « décret sur la paix » qui offre à tous les belligérants une paix sans annexion ni indemnité et le « décret sur la terre » qui abolit la grande propriété foncière et remet les terres aux soviets paysans[20].
Confrontés à l’hostilité de l’opposition[21] et à la désorganisation économique[22], les bolcheviks précipitent la sortie de la Russie de la guerre. Pour sauver la révolution, Lénine impose à son parti la signature de la paix de Brest-Litovsk (mars 1918), par lequel la Russie obtient la paix avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie… et perd 800 000 km² de territoires (Finlande, Pays baltes, Russie blanche, Ukraine, Pologne...).
B. Les derniers assauts allemands et la victoire de l’Entente
Depuis la fin de 1917, une véritable course de vitesse est engagée entre l'Entente et les puissances centrales. Alors que l'Allemagne est au bord de la famine et de l’asphyxie économique, l’aide en matériel et en hommes des Américains commence à se faire sentir en 1918, de même qu'arrivent les armes nouvelles sur lesquelles compte l’Entente, en particulier les premiers chars.
Le temps est compté pour les Allemands qui doivent l'emporter rapidement sous peine de perdre la guerre. La révolution russe d’octobre 1917 et l'arrivée au pouvoir des bolcheviks, qui ont comme mot d'ordre « la paix immédiate », débouche le mois suivant sur l'armistice de Brest-Litovsk, puis sur la paix signée dans cette même ville en mars 1918[23]. Victorieuse à l'est, où elle doit cependant maintenir un million d'hommes de troupes d'occupation, l'Allemagne peut reporter tout son effort sur le front occidental pour tenter d'en finir.
PDP#27 p.268-269. Mars 1918, dernières offensives allemandes- Entre mars et juillet 1918, elle lance quatre grandes offensives sur la Somme, en Flandre, au Chemin des Dames, en Champagne. À chaque fois, les troupes allemandes remportent des victoires en perçant le front allié, mais elles ne peuvent les exploiter de façon décisive, faute d'effectifs suffisamment nombreux.
Dans les premiers mois de 1918, l'Entente, tout en contenant les assauts allemands, prépare l'offensive décisive. Clemenceau a obtenu que le général français Foch soit chargé de coordonner les armées alliées, avec le titre de général en chef. C’est lui qui en juillet 1918, après avoir stoppé l’offensive allemande en Champagne, répond aussitôt par une contre-offensive. À partir de cette date, l'Allemagne a perdu tout espoir de victoire.
Ayant reconquis l'initiative alors que l'Allemagne est au bord de l'effondrement économique et militaire, en proie à une vive agitation sociale provoquée par la misère, l'Entente pousse son avantage sur tous les autres fronts en Europe et dans le reste du monde.
Militairement vaincue, privée d'alliés, l'Allemagne demande la paix début octobre. Mais le président des États-Unis exige que le Kaiser constitue d’abord un gouvernement parlementaire. Devant cette injonction, Guillaume II charge le prince Max de Bade de former un ministère comprenant des représentants des divers partis du Reichstag, parmi lesquels les socialistes, jusque-là exclus du gouvernement.
Mais le 9 novembre 1918, la révolution éclate à Berlin, des conseils ouvriers se forment, la République est proclamée. Le prince Max de Bade donne sa démission et transmet le pouvoir au chef du parti socialiste, Ebert. Le 11 novembre 1918, alors que le Kaiser s'est enfui aux Pays-Bas, c'est le gouvernement de la nouvelle République allemande qui signe l'armistice de Rethondes...
Conclusion
Révisions p.270-271
Sujets bac p.272-275
[1] Aux termes d'âpres tractations, l'Allemagne renonce à être présente au Maroc, en échange de l’abandon par Paris de 272 000 km² de territoires d'Afrique équatoriale, au Gabon, au Moyen-Congo et en Oubangui-Chari, au profit du Cameroun allemand. Après que les deux pays sont parvenus le 11 octobre à un accord, un traité officiel franco-allemand est signé le 4 novembre 1911 à Berlin et laisse les mains libres à la France au Maroc. Ce n'est qu'à ce moment-là que les bâtiments allemands quittent définitivement la baie d'Agadir, le 28 novembre 1911.
[2] Par exemple, la Serbie doit renoncer, sous la pression de Vienne, à annexer l’Albanie, érigée en principauté indépendante.
[3] Dans les deux camps, la course aux armements et le renforcement des effectifs disponibles prennent une allure inquiétante. L'Allemagne augmente son budget militaire dès 1911-1912, décide l'année suivante de faire passer son effectif du temps de paix de 600 000 à 800 000 hommes et accélère son programme d'armement naval. L’Autriche-Hongrie adopte, coup sur coup, deux lois militaires (1912 et 1913) visant également à renforcer son dispositif de défense, et le parlement français vote en 1913 la « loi des trois ans » qui permet de placer 750 000 hommes sur le pied de guerre. Enfin, tandis que chacun des futurs belligérants accroît et modernise son matériel de guerre (notamment l'artillerie lourde), la Russie établit un grand programme de réorganisation de son armée.
[4] La Triplice existe depuis 1882, date à laquelle l’Italie rejoint la Duplice, formée depuis 1879 par l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne.
[5] La Russie et la France sont déjà alliées depuis le 27 décembre 1893.
[6] Scellé en 1904, il règle les derniers différends coloniaux entre les deux puissances.
[7] Cf. notion de « culture de guerre » : Audoin-Rouzeau Stéphane, Becker Annette. Vers une histoire culturelle de la première guerre mondiale. In: Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°41, janvier-mars 1994. La guerre de 1914-1918. Essais d'histoire culturelle: https://doi.org/10.3406/xxs.1994.3260 ; www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1994_num_41_1_3260. Cf. également https://youtu.be/g5yt7N0hHd4
[8] Cf. Élise Julien, « À propos de l’historiographie française de la première guerre mondiale », Labyrinthe [Online], 18 | 2004 (2), URL : http://journals.openedition.org/labyrinthe/217 ; DOI : https://doi.org/10.4000/labyrinthe.217
[9] L’expérience métropolitaine et la « dette de sang » contribuent à la maturation et à l'intensification de revendications politiques, voire nationales, par les colonisés.
[10] Cf. les fameux accords Sykes-Picot (1916) prévoyant un partage des dépouilles de l’Empire ottoman entre Français et Anglais.
[11] « Une ère de contre-révolution est ouverte ; et elle durera quelque 20 ans, à moins que le tsarisme ne soit dans l'intervalle ébranlé par une guerre importante », déclare alors Lénine.
[12] Cf. assassinat de Raspoutine en décembre 1916.
[13] NB : du 23 au 27 février pour le calendrier russe qui retarde de 13 jours sur celui utilisé par les Occidentaux.
[14] Dans son livre, Histoire de la révolution russe, Léon Trotsky relate ainsi les événements de février : « Le 23 février, c'était la Journée internationale des femmes (...). Pas une organisation ne préconisa la grève pour ce jour-là (...). En fait, il est établi que la révolution de Février fut déclenchée par des éléments de la base (...). Le nombre des grévistes, femmes et hommes, fut ce jour-là d'environ 90.000 (...). Le lendemain, (...) environ la moitié des ouvriers industriels de Petrograd font grève (...). Le mot d'ordre Du pain ! est écarté ou couvert par d'autres formules : À bas l'autocratie ! et À bas la guerre ! (...). Les soldats ont reçu l'ordre rigoureux de tirer (...). Le 27 février (...), l'un après l'autre, dès le matin, avant de sortir des casernes, les bataillons de réserve de la Garde se mutinèrent (...) »
[15] Jouissant d'une très grande audience dans le monde paysan, les SR préconisent la suppression de la grande propriété et le partage des terres.
[16] Considérant que la révolution socialiste n'est possible, comme l'a dit Marx, que dans un pays hautement industrialisé, les mencheviks estiment qu'il faut d'abord passer par une phase bourgeoise d'industrialisation de la Russie, durant laquelle le parti socialiste devrait aider la bourgeoisie, avant de l’abattre au nom de la lutte des classes.
[17] Sous la direction de Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, exilé en Suisse, les bolcheviks estiment au contraire qu'il ne faut pas attendre la consolidation de la démocratie bourgeoise mais déclencher la révolution socialiste dans ce pays qui constitue le maillon le plus faible de la chaîne du capitalisme.
[18] Quand éclate la révolution de février 1917, Lénine est encore en exil en Suisse.
[19] Contrairement à la version officielle magistralement filmée par S. Eisenstein dans son chef d’œuvre Octobre (1927), le Palais d’hiver n’est pas pris d’assaut par des milliers d’ouvriers et de soldats russes…
[20] Dans les semaines suivantes, le nouveau gouvernement adopte toute une série de réformes : « décret sur les nationalités » qui reconnaît l’égalité et la souveraineté des peuples de Russie jusqu'à la reconnaissance du droit de séparation ; égalité des citoyens ; mariage civil ; séparation de l'Église et de l'État ; contrôle ouvrier sur les entreprises ; nationalisation d’usines...
[21] Cf. offensive de Kerensky contre la capitale, stoppée par Trotsky grâce à la Garde rouge et aux marins de Cronstadt.
[22] Les paysans stockent leur grain qu'ils vendent au marché noir, la disette règne en ville et les rares convois de ravitaillement sont menacés par les pillards
[23] La Russie renonce à sa souveraineté sur la Finlande, la Pologne, les Pays baltes, dont le sort est remis entre les mains des puissances centrales. Elle reconnaît l'indépendance de l'Ukraine, grenier à blé et cœur industriel de la Russie qui est aussitôt occupée par l'armée allemande, laquelle y trouve les céréales et les matières premières qui manquent cruellement à un pays en état de blocus.