2023 07 21 06 30 38 250

pdf ppt 

Sommaire

INTRODUCTION : LA DÉMOCRATIE, LES DÉMOCRATIES, QUELLES CARACTÉRISTIQUES AUJOURD’HUI ?
I. PENSER LA DÉMOCRATIE : DÉMOCRATIE DIRECTE ET DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE (AXE 1)
A. UNE DÉMOCRATIE DIRECTE MAIS LIMITÉE : ÊTRE CITOYEN À ATHÈNES AU VE SIÈCLE
1. L’invention de la démocratie athénienne
2. Être ou ne pas être citoyen
3. La citoyenneté comme participation
B. PARTICIPER OU ÊTRE REPRÉSENTÉ : BENJAMIN CONSTANT, « LIBERTÉ DES ANCIENS, LIBERTÉ DES MODERNES »
1. Restauration, Deuxième République, Second Empire (1815-1870) : les contours du corps civique et les pratiques électorales en question
2. La représentation politique sous la IIIème République


II. AVANCÉES ET RECULS DES DÉMOCRATIES (AXE 2)
A. L’INQUIÉTUDE DE TOCQUEVILLE : DE LA DÉMOCRATIE À LA TYRANNIE ? UNE ANALYSE POLITIQUE
1. Aux États-Unis, un modèle démocratique original
2. De la démocratie en Amérique, d’Alexis de Tocqueville : la démocratie en question
B. CRISES ET FIN DE LA DÉMOCRATIE : LE CHILI DE 1970 À 1973
1. Une Amérique latine dominée par les dictatures
2. Chili, 1970-1973 : de la démocratie à la dictature
C. D’UN RÉGIME AUTORITAIRE À LA DÉMOCRATIE : LE PORTUGAL ET L’ESPAGNE DE 1974 À 1982
1. Au Portugal, la fin de « l’État nouveau » et la transition démocratique
2. En Espagne, le pays sort de la longue dictature de Franco


III. L’UNION EUROPÉENNE ET LA DÉMOCRATIE (OBJET DE TRAVAIL CONCLUSIF)
A. LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE : DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE ET DÉMOCRATIE DÉLÉGUÉE
1. Les institutions d’une démocratie représentative
2. L’Union européenne, une démocratie représentative « inachevée »
B. LES REMISES EN QUESTION DEPUIS 1992
1. De Maastricht (1992) au Brexit (2016)
2. Les ressorts des « relances » européennes : deux approches
3. Quelles perspectives ?

Manuel p.28-107

spe-1

Introduction : la démocratie, les démocraties, quelles caractéristiques aujourd’hui ?

Régimes démocratiques et non démocratiques

Introduction p.32-33. Quels éléments distinguent un régime autoritaire d’une démocratie ? Dictature et démocratie se définissent par opposition l’une à l’autre. La confrontation entre ces deux formes de gouvernement est un des moteurs les plus puissants de l’histoire -Cf. F. Fukuyama et sa fameuse « fin de l’histoire » (1989), et alimente de manière continue l’actualité comme à Hong Kong actuellement, par exemple -Doc. 2 p.30. Les régimes démocratiques dans le monde en 2016.

Qu’est-ce qui caractérise les démocraties aujourd’hui ?

Introduction p.30-31. Quelles sont les caractéristiques communes de la vie politique dans les démocraties ? Proposer une définition normative ou achevée de la démocratie est illusoire. Il est plus pertinent d'explorer la multiplicité de ses significations, pour aborder le concept rigoureusement.

La démocratie est tout à la fois une forme de gouvernement, ce qu’exprime l’étymologie (demos, peuple, et kratein, gouverner), et un ensemble de valeurs devant inspirer les comportements individuels et collectifs. L'idée démocratique s’enracine dans l'histoire de la Grèce classique. Cependant, une distance considérable sépare l'acception antique du terme et sa signification contemporaine construite sur un passé de luttes et de pratiques politiques et institutionnelles elles-mêmes référées à quelques grands textes considérés comme fondateurs[1].

La charte de Paris, adoptée lors de la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe, en 1990, caractérisait la démocratie comme étant fondée « sur le respect de la personne humaine et de l’État de droit » -Doc.1 p.30. Des droits et des libertés, et comme un régime supposant tout à la fois la « subordination du pouvoir à la volonté du peuple, exprimée à intervalles réguliers par des élections libres et loyales » -Vocabulaire p.30. Alternance. Pluralisme + doc.3 p.31. L’universalité du suffrage + doc.6 p.31. L’aternance politique au Royaume-Uni. Si un tel énoncé correspond au sens commun qui s’est finalement imposé à la fin des années 1980, il ne rend compte que partiellement des significations de cet objet à facettes multiples dont le contenu varie suivant les périodes, les pays et les acteurs de la vie politique.

Si les partisans de la démocratie se rassemblent sur quelques valeurs essentielles, celles-ci ont été interprétées selon des modalités différentes, et les déclinaisons du principe démocratique ont engendré la formation de plusieurs familles politiques :

  • Ainsi, les démocrates de sensibilité libérale privilégient avant tout la défense des libertés individuelles et des droits politiques dont la conquête a représenté, en général, une première étape dans l'histoire des régimes démocratiques.
  • Plus tardivement, s’est imposée la notion de « droits sociaux » relevant d'une conception plus large de la démocratie. Considérant que les inégalités sociales à la naissance fragilisaient par avance l'un des principes essentiels de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le courant social-démocrate s'est efforcé de concilier droits politiques et droits sociaux[2]
  • Tradition idéologique antérieure à l'avènement de l'idée démocratique moderne, le christianisme y a finalement adhéré, non sans hésitation. À partir du début du XXe siècle, les catholiques tentèrent d'élaborer, en conformité avec leurs convictions religieuses, leur propre conception de la démocratie.

Suivant les périodes, et les pays, l'une ou l'autre de ces conceptions s’imposa avec plus ou moins de force[3].

Ce thème a un double objectif : analyser le régime politique dans lequel nous vivons et développer nos connaissances sur la diversité des démocraties et sur leurs évolutions, en orientant notre étude selon deux axes et un objet d’étude conclusif, pour saisir :

  • les différences entre démocratie directe et démocratie représentative ;
  • les forces et les fragilités de la démocratie au travers de ses avancées et de ses reculs dans l’histoire.

I. Penser la démocratie : démocratie directe et démocratie représentative (Axe 1)

Manuel p.34-55- « Démocratie » est le nom de l'organisation politique fondée sur le gouvernement direct par le peuple (demos en grec) née à Athènes au Ve siècle av. J.-C. Au XIXe siècle, lorsque se pose à nouveau la question de la place du peuple dans le gouvernement, la démocratie directe n'est plus possible. Il faut alors penser aux conditions et aux formes de la représentation, ce qui suscite de nombreux débats, notamment en France. L’axe 1 nous invite à mettre en évidence des problèmes qui ont un écho au présent : la question de l’ouverture ou de la fermeture du groupe des citoyens, la place des riches et des pauvres.

A. Une démocratie directe mais limitée : être citoyen à Athènes au Ve siècle

Cours p.36-39- La cité grecque (polis) est une communauté de citoyens indépendante, souveraine sur les citoyens qui la composent, cimentée par des cultes et régie par des lois (nomoi) ». Cette définition vaut pour l'époque classique (Ve-IVe siècle av. J.-C.), mais le phénomène des cités grecques est évolutif, du VIIIe siècle avant J.-C. à la fin de l'Empire romain unifié (392), dans un vaste champ géographique s’étendant depuis l’Afghanistan (Kandahar) jusqu'à l’Espagne (Emporion-Ampurias), depuis la Haute-Égypte (Ptolémaïs) jusqu’aux bouches du Dniepr (Olbia). Dans la pensée grecque antique, la cité représente avant tout une structure humaine et sociale, et non une organisation administrative[4].

Comme le formulait Aristote, la cité est une communauté (koinônia) dont les membres sont réunis par un choix de vie commune (Politique, 1252-1254). Cette vie commune est assurée et consolidée par la référence à un même passé mythique, à des héros communs, à des rites et des lois intégrées et partagées.

Les cités ont un territoire souvent modeste, formé de villes, de villages et de campagne[5]. La ville en est le centre, mais elle n'en est que le centre, entouré de campagnes et d’autres localités de taille, d’importance et de statut variables. D’une manière générale, toute cité s'inscrit dans un espace qui prend une valeur sacrée. La notion de frontière joue un rôle capital dans les conflits entre cités ou avec les autochtones dans la « Grèce coloniale ».

Comment la démocratie directe fonctionne-t-elle à Athènes ?

1.      L’invention de la démocratie athénienne

a.      Les réformes de Solon et de Clisthène : l'égalité politique

Solon est l’archonte d’Athènes au début du Vie siècle av. J.-C., dans un contexte de tensions très fortes entre riches et pauvres (accaparement des terres par une minorité). Selon Hérodote, Solon établit l’isonomie -Vocabulaire p.36 mais refuse un partage égalitaire de la terre. Il est l’auteur de plusieurs réformes majeures, qui renforcent la distinction entre non-citoyens et citoyens, et hiérarchise les citoyens entre eux :

  • abolition de l’esclavage pour dette : protège le corps civique
  • instauration de « classes censitaires » qui modulent l’accès des citoyens aux institutions en fonction de leur richesse foncière : les hippeis (cavaliers) seuls peuvent prétendre aux magistratures.

Fin VIe siècle, la cité d'Athènes connaît une crise politique et de fortes tensions sociales. En réponse au refus des Athéniens à la fois de la tyrannie -Vocabulaire p.36 et de l’oligarchie -Vocabulaire p.36, Clisthène provoqua en 508-507 avant J.-C. un bouleversement majeur dans la vie politique athénienne.

Il commença par répartir l'ensemble de la population au sein d'une centaine de dèmes -Vocabulaire p.36 qui devinrent le lieu d'enregistrement des citoyens à l'âge de 18 ans. Clisthène regroupa ensuite les différents dèmes en trois grandes zones géographiques : la Ville (astu), comprenant le noyau urbain et le port du Pirée, la Côte (paralia) et l'Intérieur (mesogeia). Chacune de ces trois régions fut elle-même divisée en dix circonscriptions, appelées trittyes, qu’il rattacha aux dix nouvelles tribus -Vocabulaire p.36 (à la place des quatre tribus ioniennes préexistantes[6]), pour en faire l'élément central du système politique athénien. Chaque tribu était composée de trois trittyes, venant de chacune des grandes zones géographiques et, en général, éloignées les unes des autres. En même temps qu’elle limitait l’influence des grandes familles athéniennes en répartissant leurs clients au sein de différentes tribus, elle brassait la population en associant des citoyens aux activités diverses -cultivateurs, pêcheurs et marins, artisans, commerçants, etc.

Ces réformes donnèrent le coup d'envoi de la démocratisation de la cité, qui devint un espace politique égalitaire dans lequel chaque citoyen obéit aux lois qu'il a conçues et respecte les institutions au sein desquelles il peut exercer une fonction. Les dix nouvelles tribus devinrent la base de la participation civique, structurant l'organisation de l'armée comme les principales institutions athéniennes. L'innovation majeure consista, à cet égard, en la création d'un Conseil (boulè) -Vocabulaire p.36 de 500 membres, composé de 50 membres par tribu, tirés au sort pour un an, parmi les volontaires âgés de plus de trente ans[7]. Destiné à préparer le travail de l'Assemblée, ce nouveau Conseil illustre les principes isonomiques du nouveau régime, c'est-à-dire la « distribution égale » des pouvoirs entre tous les citoyens, et non pas la simple égalité passive devant la loi.

Attention néanmoins, ce sont les plus riches citoyens qui exercent les magistratures -Vocabulaire p.36. Magistrats. Stratège les plus importantes. Ce sont eux aussi qui financent de nombreuses réalisations. En effet, la démocratie athénienne avait d'importants besoins de financement… et pas de système d'imposition régulier avant la fin du Ve siècle avant J.-C. D’où le système des liturgies -Vocabulaire p.38 : les Athéniens et les métèques les plus aisés avaient l'obligation d'acquitter, à leurs frais, des dépenses d'intérêt public. Parmi ces contributions obligatoires, deux catégories peuvent être distinguées par commodité :

  • les liturgies à vocation militaire, telle la triérarchie, destinée à assurer l'équipement et l'entretien d'une trière pendant un an ;
  • ensuite, les liturgies à vocation cultuelle, liées à la célébration des fêtes et des concours, parmi lesquelles on compte la gymnasiarchie, c'est-à-dire la gestion et le financement du gymnase, et la chorégie, consistant à recruter, entretenir et faire répéter un chœur destiné à se produire lors des concours en l'honneur de Dionysos.
  1. Les auteurs hostiles à la démocratie s'accordent tous pour souligner la dimension coercitive des liturgies[8], auxquelles s’ajoutent des contributions extraordinaires telle l'eisphora, impôt direct institué en 428 avant J.-C. pour faire face aux dépenses militaires croissantes de la guerre du Péloponnèse[9]. En réalité, les liturges, loin d'être des victimes passives, étaient les acteurs d'un système dont ils pouvaient tirer profit[10].

Néanmoins, les citoyens les plus modestes participent activement à la vie politique : ils votent à l'ecclésia -Vocabulaire p.36, exercent les magistratures tirées au sort et contrôlent les élites. En effet, à la suite des

réformes de Clisthène[11], les Athéniens adoptèrent un dispositif visant à empêcher le retour de la tyrannie : l’ostracisme -Vocabulaire p.36 ; chaque année, le peuple pouvait décider d'exiler une personnalité jugée trop influente pour dix ans[12]. Voté chaque année, l'ostracisme se déroulait en deux temps. Au sixième mois de l'année, un premier vote à main levée au sein de l'Assemblée décidait de l'opportunité de lancer une telle procédure. Si le principe était accepté, un second vote, secret cette fois, se tenait deux mois plus tard pour désigner le condamné. Le vote s'effectuait sur des tessons de céramique (ostraka), où les citoyens écrivaient le nom de celui qu'ils voulaient ostraciser. L'individu qui recueillait le plus de suffrages était alors exilé, à condition qu'un quorum d'au moins 6000 votants ait été atteint. N'ayant pas besoin d'être motivée, la décision pouvait se révéler arbitraire, d'autant plus que le vote pouvait être manipulé par des orateurs sans scrupule[13]. L’ostracisme représentait une menace perpétuelle planant au-dessus des Athéniens influents, les incitant à se conformer aux attentes populaires. C'est ce que révèle la lecture des ostraka qui ne se limitent pas à indiquer le nom du citoyen visé, mais précisent parfois le motif qui justifie son expulsion[14]. L’ostracisme apparaît bien comme une façon, pour le peuple, de définir et d'imposer les normes de comportement attendues de l'élite -doc.2 p.40. Le contrôle des magistrats.

b.      Les guerres et la consolidation de la démocratie

Les victoires d'Athènes suscitent la confiance dans le régime démocratique. La Cité, défendue par les citoyens-soldats riches comme pauvres, s'enorgueillit d'avoir vaincu les Perses à Marathon (en 490) et à Salamine (en 480). Le pouvoir de l'ecclésia se renforce lors des guerres médiques (490-479 avant J.-C.), qui opposent début Ve siècle les Grecs aux Perses. Réunie désormais régulièrement, elle contrôle, par vote à main levée, les choix politiques et militaires (élection des stratèges, construction d'un port ou d'une flotte de guerre).

Après les guerres médiques, les Athéniens prirent la tête d'une ligue, regroupant plus de deux cents cités grecques, et dont le but était de prévenir le retour des Perses : la ligue de Délos. Rapidement, cette alliance se transforma en empire au service des intérêts athéniens (« thalassocratie athénienne »), ce qui profita particulièrement aux citoyens les plus pauvres de la communauté :

  • Chaque année, la cité armait des dizaines de trières[15] pour patrouiller en mer Égée. Athènes entretenait ainsi plus de 10.000 citoyens pauvres et métèques, pendant les huit mois de navigation annuels[16]!
  • L’argent du trésor fédéral n’était pas toujours utilisé pour lutter contre les Perses et servait aussi à financer d’autres dépenses d’Athènes. Cf. concomitance du transfert à Athènes du trésor de la ligue de Délos (env. 454 avant J.-C.), avec la création des premières indemnités de participation civique[17].
  • De la même façon, les Athéniens financèrent sur les fonds communs de l'alliance de grands chantiers, comme celui du Parthénon ! On doit voir dans le Parthénon un symbole de l’impérialisme athénien. En 448 Périclès convoque les cités alliées pour discuter de la paix et des temples détruits par les Perses. De grands chantiers sont lancés : construit en marbre du Pentélique entre 447 et 432, le Parthénon est le plus grand temple dorique du monde grec (plus de 70m de long sur 31 m de large), pour la réalisation duquel l’architecte Ictinos réalise des prouesses architecturales, et qui renferme le trésor de la ligue de Délos.
  • Les Athéniens bénéficiaient même des révoltes qui secouaient parfois la ligue de Délos. Après avoir mis au pas les alliés récalcitrants (Cf. les Eubéens, 447-446 avant J.-C.), les Athéniens imposaient en effet dans les cités conquises des régimes démocratiques et des clérouquies -c'est-à-dire des garnisons de soldats athéniens installées sur une partie du territoire des cités révoltées. Ces clérouques résidaient en armes sur les terres confisquées aux alliés qui les cultivaient pour eux !

Le peuple avait donc un intérêt tout particulier au maintien de l'empire, dont il tirait d'importants avantages. Encore faut-il préciser que la démocratie ne dépendait pas, pour sa survie, de son hégémonie impériale. L'issue de la guerre du Péloponnèse le prouve a contrario : alors qu'Athènes n'avait désormais plus d'alliés tributaires pour financer sa vie politique intérieure, non seulement la démocratie ne disparut pas, mais elle s'approfondit. C'est en effet peu après 403 avant J.-C. que les Athéniens instaurèrent l'indemnité de participation à l'Assemblée -pourtant fort coûteuse- de façon à permettre à tous les citoyens d'assister régulièrement à ces séances…

2.      Être ou ne pas être citoyen

a.      Définir la citoyenneté : les contours flous du corps civique

Comment définir la citoyenneté ? « La nature du citoyen ressort ainsi clairement de ces considérations : quiconque a la possibilité de participer au pouvoir délibératif et judiciaire, nous disons dès lors qu'il est citoyen (politès) de cette cité. » Signée par Aristote dans la Politique, cette définition de la citoyenneté a longtemps constitué l'alpha et l'oméga de la réflexion sur le sujet. Elle a en effet l'avantage de la simplicité : la citoyenneté se réduit à la seule participation aux institutions. On tient là une définition « indigène », formulée par l'un des plus grands philosophes de l'histoire, nul besoin d'aller chercher plus loin ! C’est ainsi que, pendant des décennies, les historiens ont défini la citoyenneté en Grèce ancienne. Les citoyens ainsi désignés ne forment que 10 à 15% de la population athénienne, soit 30.000 à 40.000 personnes -doc. p.38. La population athénienne vers -430. Les femmes, les métèques -Vocabulaire p.38 et les esclaves semblent confinés aux marges de la communauté. En effet :

  • Les femmes athéniennes conservent toute leur vie un statut de mineures. Elles sont soumises à la tutelle d'un homme de leur famille (père, époux, oncle), sans droit politique, exclues du droit d'intenter une action en justice ou du droit de propriété. Une fois mariées, leur rôle est avant tout domestique : elles doivent s'occuper de la bonne marche de la maison, du travail des esclaves, etc.[18]
  • Les métèques, étrangers résidant à Athènes, originaires généralement d'autres cités grecques, sont souvent artisans ou commerçants. Avec leurs familles, ils sont environ 40 000. Exclus des droits politiques, ils ont cependant accès à la justice et peuvent participer aux processions lors des fêtes religieuses. Ils ont le droit de posséder des biens mobiliers et des esclaves, mais il leur est interdit de posséder de la terre, privilège réservé aux citoyens.
  • Cité esclavagiste comme toutes les sociétés antiques, Athènes compte plus de 110 000 esclaves. Hommes, femmes et enfants, ils forment près de la moitié de la population de l'Attique. Juridiquement, les esclaves n'ont aucun droit, ni famille, ni possessions. Leur vie dépend de leur maître qui peut les vendre, les louer, les laisser en héritage, et théoriquement dispose sur eux du droit de vie et de mort.

Encore faut-il prendre la peine de remettre cette définition de la citoyenneté en contexte. Aristote lui-même, dans la Politique, estime que la citoyenneté pose de redoutables problèmes de définition. En effet, le citoyen partage des droits essentiels avec d'autres catégories statutaires (métèques, affranchis, esclaves). Aristote veut cerner le citoyen « au sens strict », d’où une conception volontairement restrictive, qui ne recouvre qu'une fraction de ce qu'est concrètement un citoyen et de ses moyens d'action dans la communauté.

Si l’on s'intéresse à ce que fait concrètement un citoyen, c'est un tableau bien différent qui se dessine. Dans les plaidoyers et les inscriptions, rien n'est dit des institutions qui apparaissent comme secondaires dans la construction de l'appartenance à la communauté civique, mais une formule revient de façon récurrente pour désigner l'activité citoyenne : « participer aux choses sacrées et à ce qui est prescrit en accord avec les dieux ». Cette définition pragmatique de la citoyenneté aboutit à définir différemment ses contours et, en particulier, l'identité de ses membres. Alors que dans la perspective aristotélicienne les femmes, tout comme les métèques, semblent radicalement exclues du corps civique, ces supposés « marginaux » retrouvent leur place dans cette conception élargie de la communauté :

  • Dans la pratique, les femmes athéniennes étaient loin de compter pour rien, surtout depuis la réforme de Périclès en 451, qui stipule qu’il faut être né de deux parents athéniens pour pouvoir être citoyen[19]. Le lexique y invite : Cf. politis (πολίτίς), féminin de politès (πολίτης). Pour les Athéniens, les femmes participaient bel et bien à la communauté[20]. L’historienne Claude Mossé invite à distinguer différents plans de la vie commune des Athéniens : le religieux, le militaire, le politique proprement dit, et à considérer le rôle crucial joué par les femmes dans le pacte qui reliait la communauté athénienne aux dieux. Par les fêtes religieuses, les femmes et les filles de citoyens sont intégrées de façon active à la vie de la cité, en jouant par exemple un rôle central lors des Panathénées en l'honneur d'Athéna[21] ou par certaines célébrations réservées aux seules femmes[22] -doc.5 p.41. Les femmes dans la cité.
  • Les métèques sont soumis à des obligations qui les font participer à la vie et à la défense de la cité. Certaines sont financières (impôt, liturgies pour les plus riches), d'autres militaires : les riches métèques servent comme hoplites, les pauvres comme rameurs. Les métèques les plus fortunés peuvent devenir des personnalités en vue[23].
  • Les esclaves ont une place importante dans la vie de la cité. Ils assurent en effet l'essentiel du travail dans l'agriculture, les mines, les chantiers, l'artisanat et le commerce, et laissent ainsi aux citoyens le temps de s'occuper des affaires politiques. 1 000 à 2 000 « esclaves publics » gèrent les administrations : tirage au sort des juges, tenue des archives, comptabilité de certaines magistratures, fonction de police... Par de telles missions et bien que sans pouvoir y participer, les esclaves contribuent au fonctionnement de la démocratie athénienne.

b.      La citoyenneté s’acquiert… et se perd

Comment devient-on citoyen ?

Dans l'Athènes du Ve siècle avant J.-C., il ne suffisait pas de naître de deux parents athéniens pour devenir citoyen. Il fallait que toute une série de gestes rituels soient réalisés sur une longue période de temps pour être reconnu comme tel.

À la naissance, si le père décide de ne pas exposer son enfant, il le prend dans ses bras et court autour du foyer de la maisonnée. La fête des Amphidromies (« courir autour ») marque la reconnaissance paternelle de l'enfant[24]. À son dixième jour, l'enfant reçoit un nom lors d'une nouvelle fête[25].

À l'âge de trois ou quatre ans, l’enfant est présenté à la phratrie[26] de son père. Ponctuée par un sacrifice, cette étape est cruciale dans la reconnaissance sociale de l'enfant qui intègre alors le groupe des Athéniens « par les ancêtres ».

Au moment de la puberté, les filles et les garçons ne sont plus traités de la même façon. Les garçons sont présentés à nouveau dans la phratrie de leur père, à l'occasion de la grande fête des Apatouries. Le rituel comportait en particulier l'offrande d'une mèche de cheveux et le partage d'un banquet, sanctionnant l'entrée du jeune homme dans la « communauté des frères » athéniens. Rien de tel n'avait lieu pour les filles qui, à peu près au même âge, étaient souvent données en mariage, mais les noces valaient reconnaissance de la naissance légitime de la jeune fille, présentée à la phratrie de l'époux.

Pour finir, les garçons, et uniquement eux, franchissaient une dernière étape à l'âge de 18 ans, puisqu'ils devaient à nouveau attester la légitimité de leur naissance devant l'assemblée des démotes, les pairs politiques et territoriaux du même village. C’est à ce moment que se déroule l’éphébie -Vocabulaire p.36. Elle rassemble les jeunes citoyens de 18 à 20 ans, astreints au service militaire[27]. D'abord, le jeune homme prête serment[28]. Puis les éphèbes sont rassemblés par des sophronistes, élus par chaque tribu d'Athènes pour encadrer les jeunes et pourvoir à leur nourriture et à leur logement. La première année est consacrée à l'instruction des armes. Les éphèbes sont formés au combat comme hoplites -Vocabulaire p.38. La seconde année se déroule dans les garnisons de l'Attique, où les jeunes recrues participent aux travaux importants comme la construction de ponts, de retranchements ou de fortifications. L'éphébie s'achève à la fin de cette deuxième année avec la docimasie, une vérification finale d'aptitude qui déterminera l'obtention ou non de la citoyenneté athénienne par l'éphèbe. Quasi citoyen, semi-hoplite, le statut de l’éphèbe se situe dans un délicat entre-deux. Au terme de l'examen, ils étaient inscrits sur le registre du dème et pouvaient désormais participer aux délibérations communes et prétendre à l'exercice des magistratures.

Loin d'être immédiate, l'acquisition de la citoyenneté s'effectuait donc par étapes, en partie communes pour les filles et les garçons. Elle passait d'abord par l'intégration dans des cercles de parenté (la maisonnée, la phratrie) et s'achevait, uniquement pour les mâles, par une forme de reconnaissance légale (au niveau du dème) : là encore, rituels et institutions se trouvaient étroitement imbriqués dans la fabrique du citoyen. Ce processus complexe visait en définitive à discriminer les enfants légitimes de ceux qui ne l'étaient pas. De fait, les jeunes filles devenaient bien des citoyennes, même si elles n'exerçaient pas toutes les fonctions civiques. La citoyenneté, loin d'être toute d'une pièce, s'apparentait plutôt à un faisceau de droits, de devoirs et de privilèges, dont seuls les hommes possédaient la plénitude.

Comment perd-on sa citoyenneté ?

L’atimie -Vocabulaire p.36 désigne une forme permanente de dégradation civique. Pour autant, cette sanction d'indignité n'impliquait pas la dégradation du citoyen au sein d'un statut hiérarchiquement inférieur, celui de métèque ou d'esclave. L'atimie était bien un statut à part entière, clairement distinct de celui des exilés, et restait étroitement reliée au statut de citoyen : elle était en effet réversible et pouvait être levée à tout moment par une amnistie.

L'atimie sanctionnait un ensemble disparate de crimes ou délits par lesquels un citoyen avait manqué à ses devoirs civiques[29]. Les peines étaient modulées en fonction du délit commis : des dégradés étaient touchés seulement par certaines restrictions tout à fait spécifiques, comme l'interdiction de parler devant le peuple, de faire partie du Conseil, de se rendre sur l'Agora, ou bien encore d'entrer dans les sanctuaires ou de prendre la mer vers les détroits menant à la mer Noire ou vers l'Ionie.

Il en résulte, en creux, une citoyenneté composite... incluant les femmes : aborder la citoyenneté par la déchéance permet de préciser la nature de cet agrégat hétéroclite. En premier lieu, elle confirme l'erreur qu'il y aurait à considérer la citoyenneté de façon purement institutionnelle : la citoyenneté ne se limitait pas à l'exercice de droits politiques au sens étroit (participation à l'Assemblée, au Conseil et au tribunal), comme le montrent les restrictions touchant la participation aux fêtes civiques et aux sacrifices publics. En second lieu, la question de la déchéance permet de vérifier la thèse selon laquelle les femmes étaient bien des citoyennes, car elles pouvaient, au même titre que les hommes, subir des peines d'indignité[30].

3.      La citoyenneté comme participation

a.      Participer aux institutions

Doc. 1 p.40. La participation aux institutions- L’Assemblée (ekklesia) formait le cœur battant de La démocratie athénienne : les citoyens s’y réunissaient pour délibérer et voter les lois, participant ainsi activement au choix de leur propre destin. Les Athéniens décidèrent, en 462 avant J.-C., d'aménager à cette fin la colline de la Pnyx, à 400 mètres de l'Agora et en face de l'Acropole -doc.3 p.42. La Pnyx. C’est là que, quarante fois dans l'année, les assemblées se déroulaient selon un rituel immuable. L’ordre du jour était fixé quatre jours à l'avance et affiché sur l’agora, de chaque côté du long piédestal aux héros éponymes. La séance commençait tôt, avant le lever du jour, et les citoyens s'asseyaient en demi-cercle, à même la pierre, faisant face aux orateurs juchés sur la tribune. On procédait alors à un sacrifice et à la purification de l'enceinte, avant que le héraut n’ouvre la séance en demandant : « Qui veut prendre la parole ? » N'importe pouvait dès lors intervenir, en vertu d’un principe fondamental de la démocratie athénienne : l'accès égal à la parole publique. Couronnés de myrte, les orateurs soumettaient leur proposition tour à tour, la décision finale étant prise à la suite d'un vote à main levée, sous le contrôle des prytanes —la direction tournante du Conseil (boulè), qui préparait le travail de l'Assemblée.

Attention néanmoins : dans son fonctionnement concret, l'Assemblée était en réalité un espace mouvementé. Rien ne serait en effet plus faux que d'imaginer des orateurs empesés s'adressant aux citoyens dans un silence religieux. L'art oratoire occupe une place considérable dans la vie de la cité. L'art de bien parler et de convaincre est enseigné dans les écoles de rhétorique -doc.1 p.42. Les vertus de l’art oratoire. Ceux qui montaient à la tribune s’agitaient pour convaincre leurs auditeurs[31], car les citoyens n'étaient pas un public facile et gagné d'avance : arrivés dans la cohue (depuis le début du IVe siècle avant J.-C., une indemnité de participation (misthos) étant versée aux seuls 6000 premiers arrivés), les Athéniens parlaient, criaient, insultaient, applaudissaient ou riaient au beau milieu des discours qui leur étaient adressés : si le peuple pouvait être manipulé par des hommes politiques sans scrupules[32] -doc.4 p.43. La dénonciation des démagogues, il n'en restait pas moins souverain, toujours capable de faire taire les orateurs qu'il jugeait stupides ou sentencieux -doc.2 p.42. Art oratoire et démocratie.

Les tribunaux constituaient, avec l'Assemblée, la forme de participation civique la plus intense. Chaque année, 6000 citoyens étaient ainsi tirés au sort pour trancher des affaires judiciaires nombreuses et variées. Cette justice démocratique exigeait une implication personnelle des parties en présence : en l’absence de ministère public, les citoyens devaient décider de leur propre chef d'initier une action en justice, et les plaignants devaient prendre la parole en personne durant le procès, sans pouvoir recourir aux services d'un tiers. L’entreprise était risquée, car l'accusateur pouvait aussi être frappé d'une amende importante, s'il ne parvenait pas à réunir un nombre suffisant de voix au terme du procès. Ce qui explique sans doute la violence des débats judiciaires durant lesquels les parties cherchaient moins à faire émerger la vérité qu'à anéantir leur ennemi[33]. Cette hargne valait tout autant pour les jurés, comme le poète comique Aristophane le rappelle dans sa pièce Les Guêpes (422 avant J.-C.)[34]. À l'époque de la pièce, les jurés potentiels étaient embauchés dans l'ordre de leur arrivée devant les salles d'audience. À partir de 403 avant J.-C., les Athéniens instaurèrent un tirage au sort journalier parmi les 6000 jurés potentiels.

b.      Participer à la guerre

Doc.3 p.41. La défense de la cité- Les cités grecques étaient autant des communautés combattantes que délibérantes : guerre et citoyenneté allaient de pair. Depuis la seconde moitié du VIe siècle avant J.-C., les citoyens-soldats combattaient en formation compacte (la phalange), avançant au coude à coude, tous dotés d'un armement identique. Dans ce dispositif, la cohésion était une nécessité, dans la mesure où chaque guerrier se trouvait en partie protégé par le bouclier de son voisin : les hoplites tirant précisément leur nom du grand bouclier rond (hoplon). Le combat en phalange fut un puissant facteur d'égalisation juridique : parce qu'ils combattaient et mouraient ensemble, les citoyens-soldats étaient traités de la même manière une fois la paix revenue. Cette imbrication entre guerre et citoyenneté apparaît en pleine lumière lors de la bataille de Marathon[35]. Opposant 9000 Athéniens et 1000 Platéens à une armée perse bien supérieure en nombre, l'affrontement eut lieu en 490 avant J.-C.. Rangées par tribus (le fondement de l'organisation civique comme de la phalange), les troupes athéniennes l'emportèrent en ne subissant que des pertes minimes. Cette victoire fut commémorée de façon exceptionnelle : les 192 morts athéniens furent enterrés sur le champ de bataille (et non dans le cimetière du Céramique, comme c'était l'usage) dans un tumulus de 9 mètres de haut, qui devint le lieu d'un culte héroïque. Cette sépulture collective, toujours visible aujourd'hui, reflétait à merveille les principes isonomiques du régime clisthénien.

Attention néanmoins, l'idéologie hoplitique est en partie contredite par les faits, non seulement parce qu'elle dissimule les tensions et inégalités clivant la phalange, mais aussi parce qu’elle masque l'intervention d'autres participants au combat : Cf. présence d'esclaves dans les rangs athéniens à Marathon comme dans tant d'autres batailles.

c.       Participer aux cultes civiques

Pour les Athéniens, l'identité civique se définissait autant par la participation à des cultes que par la fréquentation de l'Assemblée ou de la phalange. Parmi les différents rituels contribuant à souder politiquement la communauté, les processions avaient une efficacité particulière : élément central de toutes les fêtes religieuses (avec le sacrifice), la procession (pompè) avait la capacité de créer, par la marche en commun, un fort sentiment d'appartenance collective, tout en donnant à voir le spectacle de la cité en marche. La procession était donc à la fois le vecteur de l'identité civique et son reflet idéalisé. C'est pourquoi les Athéniens choisirent de représenter ce moment précis sur leur monument le plus célèbre, le Parthénon, édifié entre 448 et 437 avant J.-C. Courant sur les quatre côtés de la colonnade intérieure du monument, une frise sculptée représentait la procession des Panathénées.

Mobilisant la communauté tout entière, le cortège se dirigeait vers l'Acropole, où un vêtement (le peplos) était offert à la déesse, avant que les Athéniens procèdent à une hécatombe (sacrifice de cent bœufs). Longue de 160 mètres, la frise ionique du Parthénon met en scène, sur la partie occidentale, les préparatifs du défilé, lequel est représenté sur les côtés nord et sud. L'ensemble converge à l'est, où sont représentés les douze dieux assis en majesté et le moment crucial de la remise du peplos) : on y distingue en particulier les jeunes filles chargées de tisser le précieux vêtement pour Athéna -doc. p. 39. Les ergastines. La procession elle-même comprend, outre des bœufs et des moutons promis au sacrifice, de nombreux cavaliers, des porteurs d'hydries, des vieillards et des jeunes filles. Si la communauté y est saisie dans sa diversité (avec des représentants des deux sexes et de classes d'âge variées), de nombreux participants avérés à la procession manquent cependant à l'appel : on n'y trouve ni hoplites, ni alliés de la ligue de Délos, ni esclaves, ni métèques, au point que ces absences ont pu faire douter du sens exact à donner à la frise. C'est que ces images n'ont rien d'un reportage visant à reproduire le cortège dans ses moindres détails, mais en constituent une représentation idéalisée. La frise se concentre sur certains moments clés du rituel pour mieux souligner l'unité de la communauté -doc.5 p.41. Les femmes dans la cité.

B.     Participer ou être représenté : Benjamin Constant, « liberté des Anciens, liberté des Modernes »

Comment les différents régimes du XIXe siècle envisagent-ils la participation du plus grand nombre à la vie politique ?

1.      Restauration, Deuxième République, Second Empire (1815-1870) : les contours du corps civique et les pratiques électorales en question

La Restauration, c’est-à-dire le retour de la monarchie en 1814 consécutif à la défaite de Napoléon, s’accompagne, sous l’influence des libéraux -Vocabulaire p.44. Libéralisme politique, d'une reconnaissance des libertés publiques (opinion, religion, presse) et de l’adoption de la Charte constitutionnelle -Vocabulaire p.44, qui partage le pouvoir entre le roi et deux assemblées : la Chambre des Pairs et la Chambre des députés[36]. Parmi ces deux assemblées, seule la Chambre des députés est élue… au suffrage censitaire -Vocabulaire p.44 + doc.5 p.47. La question du suffrage au début du XIXe siècle. Il n'y a ainsi, sur une population de 34 millions d'habitants, que 100 000 votants en 1815 et 170 000 après la révision de la Charte en 1830 par la Monarchie de Juillet. Pour être éligibles, les députés doivent avoir au moins quarante ans et payer 1 000 francs de contribution directe : ils sont moins de 15 000. La moitié des députés sont nobles, 40% d'entre eux sont propriétaires fonciers.

À l’origine de cette éviction des masses, se trouve notamment le profond traumatisme creusé par la Terreur dans la conscience politique des libéraux après la Révolution française. Une interrogation majeure se pose sur la compatibilité entre la liberté et l'ordre.

Le philosophe Hegel pose que la liberté et l'ordre peuvent cohabiter sur les bases d'une séparation claire entre la société, où s'épanchent en toute liberté les activités naturelles des individus, et l'État, garant de la du respect des règles qui permettent cohésion et le bon fonctionnement de la société. Pour Hegel, l’État doit être doté d'une prééminence, qui peut seule assurer son autorité sur le corps social.

Le courant libéral -Vocabulaire p.46 refuse l'approche organiciste de Hegel, qui subordonne la société à l’État. Le libéralisme structure les relations entre l'État et la société sur un autre mode : les droits de l'individu doivent être protégés contre l'arbitraire de l'État par une Constitution et par l'octroi de libertés publiques. Le philosophe Benjamin Constant -Biographie p.46, sera l'un des principaux théoriciens du libéralisme.

Dans De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes (1819[37]), Benjamin Constant distingue une conception « ancienne » d’une conception « moderne » de la liberté pour montrer que l’indépendance individuelle est le premier des besoins modernes.

  • La liberté des Anciens est une liberté politique. En effet, elle est essentiellement caractérisée par une forte participation de l’individu à la vie publique, qui relègue la dimension privée de l’existence à l’arrière-plan. Elle consistait à « exercer, collectivement, mais directement, plusieurs parties de la souveraineté tout entière, à délibérer, sur la place publique, de la guerre et de la paix, à conclure avec les étrangers des traités d’alliance, à voter des lois, à prononcer les jugements, à examiner les comptes, les actes, la gestion des magistrats… » (De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes). En revanche, les Anciens ne sentaient pas le besoin de jouir de la liberté individuelle. Benjamin Constant estime que leur conception de la liberté reposait sur un holisme total : l’individu était complètement « assujetti à l’autorité de l’ensemble », et ses actions privées étaient sous le contrôle d’une surveillance sévère. Chez les Anciens, ni l’opinion, ni l’activité économique, ni la religion ne pouvaient relever de la sphère privée. Benjamin Constant estime que cette philosophie politique convenait à des sociétés peu peuplées reposant sur l’esclavage, mais qu’elle n’est pas applicable dans des États unifiés où s’épanouit l’individualisme.
  • Vouée à la liberté de se mouvoir, de commercer, de gérer ses affaires comme on l'entend, la liberté des Modernes est une liberté civile -doc.1 p.46. Les libertés modernes. Pour Benjamin Constant, l’individu moderne désire fondamentalement jouir de ses droits et développer ses facultés comme bon lui semble, tant qu’il ne nuit pas à autrui. Il s’agit de la conception de la liberté propre à l’individualisme, c’est-à-dire la doctrine et la mentalité qui prônent l’indépendance et la recherche du bonheur dans la sphère privée. « Le but des modernes, écrit Benjamin Constant, est la sécurité dans les jouissances privées ; et ils nomment liberté les garanties accordées par les institutions à ces jouissances » (De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes).

La liberté des Anciens et celle des Modernes sont en tension. Benjamin Constant juge que la Révolution française a voulu substituer la liberté des Anciens à celle des Modernes. Elle se serait fourvoyée en voulant donner aux Modernes la liberté politique, alors qu’ils voulaient plus de liberté civile. « Le but des anciens était le partage du pouvoir social entre tous les citoyens d’une même patrie. C’était là ce qu’ils nommaient liberté. Le but des modernes est la sécurité dans les jouissances privées ; et ils nomment liberté les garanties accordées par les institutions à ces jouissances. » (De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes). Selon Benjamin Constant, le projet révolutionnaire trouve ses racines chez Rousseau, qui aurait « pris l’autorité du corps social pour la liberté » : « L'erreur de ceux qui, de bonne foi dans leur amour de la liberté, ont accordé à la souveraineté du peuple un pouvoir sans bornes, vient de la manière dont se sont formées leurs idées en politique. Ils ont vu dans l'histoire un petit nombre d'hommes, ou même un seul, en possession d'un pouvoir immense, qui faisait beaucoup de mal ; mais leur courroux s'est dirigé contre les possesseurs du pouvoir, et non contre le pouvoir même. Au lieu de le détruire, ils n'ont songé qu'à le déplacer. »

Est-ce à dire que la liberté politique est obsolète ? Au contraire, elle est indispensable, mais selon d’autres formes. Le danger est en effet que le citoyen moderne se désintéresse de ses droits et devoirs politiques. Pour associer de manière acceptable ces deux libertés, Benjamin Constant prône le système représentatif, qu’il définit comme une procuration donnée par les citoyens à ses mandataires. Dans les Principes de politique (1815), il estime que l'intérêt général résulte de la rencontre des intérêts particuliers parcourant naturellement la société. Et cette conciliation ne peut avoir lieu que grâce au système représentatif, dans une vision politique qui intègre les intérêts de tous. Le parlement, comme lieu symbolique où se négocient les compromis qui feront fonctionner la société, est le point de jonction entre la société, où s'épanouit la liberté, et l'État, neutre, chargé de garantir les droits de tous et de préserver la sécurité. Constant accueille favorablement le bicamérisme institué par la Charte constitutionnelle : pour lui, il faut réintégrer l’aristocratie dans le corps de la nation et lui réserver l'accès à une Chambre des pairs, pour l’obliger à œuvrer au bien du pays au lieu de lui nuire. Quant à l’Assemblée élue, elle doit l’être au suffrage direct, seule manière d'établir des liens entre députés et citoyens. Mais Benjamin Constant est partisan du suffrage censitaire -doc.2 p.46. La question des droits politiques. En s’opposant au suffrage universel, il exprime les craintes de la majorité des libéraux, attachés à la souveraineté de la nation, mais convaincus que seule une élite de l'argent ou des talents est capable de décider. Partisan d’une monarchie constitutionnelle plutôt que d’une république, pour Constant la nature du régime importe peu, la priorité résidant dans l’établissement du bonheur pour tous, le respect de la liberté individuelle préférable à la liberté collective et le refus de l’arbitraire.

D’autres libéraux, confiants dans les progrès de l’éducation, sont favorables à un élargissement progressif du droit de vote, comme François Guizot -Biographie p.46 +doc.4 p.47. Le règne des capacités. En effet, la politisation de la population se renforce et le rôle des classes populaires dans l'espace public et politique s'affirme, comme le montrent la Révolution de 1830, qui a renversé Charles X[38], puis les insurrections urbaines (Lyon en 1831, Paris en 1832), ainsi que la révolution de février 1848, qui voit l’avènement de la Deuxième République. Le régime républicain adopte le suffrage universel masculin[39], mais malgré leurs revendications, les femmes restent exclues de la citoyenneté[40] -Dossier p.48-49. L’impossible participation politique des femmes au XIXe siècle.

L'expérience républicaine se referme avec le coup d’État du 2 décembre 1851[41]. Napoléon III, d’abord légalement élu président de la Deuxième République (décembre 1848), fonde le Second Empire, un régime aux caractéristiques inédites, en ce qu’il combine suffrage universel et gouvernement de type dictatorial (suspension des libertés publiques, surveillance de la presse, répression de l’opposition[42]). Le suffrage universel masculin est en effet contrôlé par la pratique des candidatures officielles et des plébiscites :

Celui-ci est contrôlé par le système des candidatures officielles. La pratique pour le gouvernement de « recommander » (propagande, pression, intimidation) des candidats aux électeurs remonte au Directoire et à la Restauration (elle se poursuivra même au début de la IIIème République), mais c’est sous le second Empire qu’elle prend un caractère systématique. Sélectionnés parmi les « notables », ils bénéficiaient de différents avantages (mobilisation des électeurs et des fonctionnaires, élaboration d’un « savoir-faire » électoral, facilités dans le déroulement de leur campagne électorale) et du soutien des préfets locaux. Leurs affiches électorales étaient blanches pour les rendre reconnaissables. Ces candidatures officielles étaient gérées par le ministère de l'intérieur. L'élection du Corps législatif était davantage destinée à affirmer le soutien de l'opinion publique française au chef de l'État et à préserver l'union nationale autour de l'empereur Napoléon III qu'à assurer l'élection d'une assemblée représentative de la souveraineté nationale. Une candidature officielle était donc assimilée à un « contrat » entre l'Empire et un candidat, au terme duquel ce dernier s'engageait « à appuyer le gouvernement, mais aussi à le contrôler loyalement, en ami fidèle qui éclaire et non en adversaire ardent qui critique et qui blâme » (Victor de Persigny, ministre de l’intérieur de Napoléon III). Le système fonctionna si bien que la première Chambre de 1852 n'eut pas d'opposants[43].

Des plébiscites -Vocabulaire p.44 sont organisés pour obtenir ou au moins mettre en scène l'adhésion des citoyens au régime. Pour Napoléon III, la nation doit être consultée dès lors qu’est modifié le contrat qui la lie à ses représentants, c'est-à-dire la constitution. Et les trois plébiscites organisés entre le coup d'État et la chute du Second Empire (1851, 1852, 1870), portent sur la constitution du pays[44]. En 1851, le scrutin est organisé les 20 et 21 décembre, sous l'état de siège pour un tiers des départements et sous une forte pression des autorités locales en faveur du oui. Des urnes sont disponibles dans des bureaux de vote (alors que sous le consulat l'électeur était invité à signer un registre), mais en 1851 comme en 1852, seuls les bulletins oui sont déjà imprimés, et il n'y a ni enveloppe ni isoloir. Pourtant les Français s'expriment (plus de 80% de participation), ce qui ne peut s'expliquer uniquement par les pressions des autorités. La géographie électorale est contrastée et laisse apparaître quelques résistances, qui manifestent l'attachement à la République, et à la tradition révolutionnaire française, ainsi qu’une démonstration que le suffrage universel, récemment introduit en France, est progressivement apprivoisé.

Les oppositions libérales, républicaines ou socialistes renaissent peu à peu et obtiennent quelques infléchissements démocratiques de la part du régime dans les années 1860 :

  • Le droit de coalition cesse d'être un délit en 1864[45],
  • les libertés de presse et de réunion sont reconnues en 1868.

En 1869, les élections voient une progression des républicains, notamment dans les villes. Mais c’est la défaite française contre la Prusse en 1870 qui provoque la chute de l'Empire et la proclamation de la Troisième République.

2.      La représentation politique sous la IIIème République

a.      La Commune de Paris, un idéal de démocratie directe

Naissance et chute de la Commune

Chronologie p.50- Napoléon III déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870, et, le 2 septembre, il capitule à Sedan. La République est proclamée le 4 septembre[46]. Le conflit se poursuit et le siège de Paris commence le 18 septembre. Pendant cette période, les idées révolutionnaires se propagent, des journaux et des clubs apparaissent[47]… Des volontaires viennent grossir les rangs de la Garde nationale -Vocabulaire p.50, qui devient une véritable armée. Mais le Gouvernement signe l’armistice le 28 janvier 1871. Appelée à ratifier la paix, l’Assemblée nationale élue le 8 février, est majoritairement royaliste. Elle nomme à la tête de l’exécutif un ancien ministre de l’Intérieur sous la Monarchie de Juillet, Adolphe Thiers.

À l’aube du 18 mars 1871, sur ordre d’Adolphe Thiers qui veut désarmer Paris, l’armée s’empare des canons de la Garde nationale positionnés sur la butte Montmartre pour la défense de la ville. Les femmes font sonner le tocsin et les comités de vigilance du XVIIIème arrondissement organisent la riposte. Les gardes nationaux et la population s’avancent vers la troupe au cri de « vive la République » ! Le général Lecomte donne à sa troupe l’ordre de tirer, mais les soldats mettent crosses en l’air et arrêtent leur général, qui est exécuté le soir même. De Montmartre, l’insurrection se répand dans toute la ville, et le gouvernement Thiers s’enfuit à Versailles. L’élection d’une assemblée communale a lieu le 26 mars 1871, et le 28 mars, la Commune est proclamée.

L’armée française, disposant de plus de 150 000 hommes avec le soutien des Prussiens, attaque Paris le 2 avril. Cette situation militaire amène la majorité de la Commune à créer, le 1er mai, un Comité de salut public disposant « des pouvoirs les plus étendus sur toutes les délégations et commissions ». C’est une situation d’extrême tension pendant que l’avancée versaillaise se poursuit avec acharnement. Les forces armées des Versaillais -Vocabulaire p.50 investissent Paris le 21 mai, et prennent le contrôle de la ville après une semaine de combat -doc.2 p.50. La défense de Paris assiégée : c’est la semaine sanglante, qui se solde par la mort d’environ 20 000 communards. Elle sera suivie d’une répression féroce : plus de 10 000 condamnations (à mort, à la prison, à la déportation en Nouvelle-Calédonie) furent prononcées.

Une expérience révolutionnaire de démocratie directe

Doc.1 p.50. L’exercice de la démocratie directe- Convergence entre jacobins, républicains, blanquistes, internationalistes, proudhoniens, libertaires, la Commune est un mouvement révolutionnaire, qui définit la démocratie politique comme le gouvernement « du peuple, par le peuple et pour le peuple ». En effet, la Commune a été une démocratie directe -Vocabulaire p.50 reposant sur une citoyenneté participative et active… certes, à l’échelle d’une ville (Paris) et durant seulement 72 jours, et de surcroît en temps de guerre, mais quelle remise en cause de la représentation démocratique ![48]

Ce mouvement populaire, porteur d’une profonde volonté de démocratie sociale et d’égalité, veut concrétiser l’aspiration du mouvement ouvrier du XIXe siècle : « l’émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes ». La Commune se veut « la Sociale » : dès le 29 mars, la Commune organise, au sein de son Conseil, dix commissions. La Commission du Travail, de l’Industrie et des Échanges est celle qui prend en charge la question sociale, sous la direction de l’internationaliste Léo Fränkel[49]. L’œuvre sociale de la Commune a été puisée dans le programme des organisations ouvrières de la fin de l’Empire, et a été réalisée dans des conditions extrêmement difficiles, compte tenu de la guerre[50].

La commission décide que l’élaboration de tous les décrets doit se faire avec la participation active des ouvriers regroupés dans leurs organisations, qui doivent débattre de toutes les décisions qui les concernent, ainsi que celle des organisations populaires, tels que les clubs, les sections de L’Association internationale des travailleurs (l’AIT), la Garde nationale, et l’Union des femmes[51]. Les organisations proposent des projets de décrets à la Commune qui, en les votant, leur donne force de loi. Par exemple :

  • Le décret du 2 avril met décide le resserrement de la hiérarchie des salaires, qui proclame que « dans une République réellement démocratique », il ne peut y avoir « d’exagération de traitement ».
  • Le décret du 16 avril sur la lutte contre le chômage qui réquisitionne les ateliers abandonnés par leurs patrons inaugure une forme d’autogestion.
  • Le décret du 19 mai, qui adopte le principe d’un salaire minimum (suffisant) « pour assurer l’existence et la dignité » du travailleur.

La séparation de l’Église et de l’État est adoptée à l’unanimité par la Commune. Le décret du 2 avril 1871, préparé par la commission exécutive, proclame que la « liberté de conscience est la première des libertés ». Cette séparation, qui supprime le budget des cultes, permet une mise en œuvre de la laïcisation. La Commune laïcise les services de l’assistance publique et les hôpitaux, et tout particulièrement l’école[52].

La Commune de Paris fut un creuset d’idées révolutionnaires, qui ont profondément marqué l’histoire nationale et internationale du mouvement ouvrier. Cette brève expérience de démocratie directe fait encore aujourd’hui partie des références et de la conscience historique du mouvement ouvrier.

b.      La IIIème République, une démocratie libérale… mais une démocratie inachevée

Après l’échec de la Commune, les premiers pas de la Troisième République sont hésitants, mais les républicains prennent peu à peu le contrôle des institutions politiques face aux monarchistes : majorité à la Chambre des députés, au Sénat, et enfin à la présidence de la République[53].

En même temps que la République s’enracine, la vie publique évolue. Les libertés syndicale (1884) et d'association (1901) sont reconnues. Syndicats et partis politiques, largement relayés par une presse désormais libérée de la censure (1881, loi sur la liberté de la presse) et diffusée massivement, contribuent aussi à structurer et à exprimer la diversité des opinions dans l'espace public. Comme tout au long du XIXe siècle, l’idéal démocratique est sans cesse discuté et repensé. Des femmes continuent de revendiquer l'égalité des droits civils et politiques, mais en 1909 l'examen d'une loi en ce sens est refusé. Le statut des populations de l'Empire colonial interroge le caractère prétendument universel des principes républicains. Plus largement, la question de la représentation de toutes les couches de la société, donc de leur intégration à la République, est posée[54].

En effet, l’enracinement de la République ne s’accompagne que très progressivement et de manière inaboutie par la « fin des notables ». La notion de notable désigne les élites dirigeantes du XIXe siècle, un groupe restreint d’individus et de lignées familiales qui cumulait richesse économique (principalement foncière), prestige social et pouvoir politique. En effet, au lendemain de la Révolution française[55], se formait un milieu social dans lequel la noblesse côtoyait les fractions fortunées de la bourgeoisie, avec lesquelles elle partageait le monopole des charges électives et des fonctions administratives. Alexis de Tocqueville, qui fut député de l’Eure entre 1839 et 1851 et conseiller général de ce département normand de 1842 à 1851, sert souvent d’illustration à ce propos. Descendant d’une lignée aristocratique ancienne, vivant à Paris mais résidant régulièrement dans le château qu’il possède sur ses terres, y est élu à une très large majorité, que le suffrage soit censitaire (il obtient 71% des suffrages aux élections législatives de 1842) ou universel (87% des voix à celles de 1849). Ces succès sont dus à son rang élevé, l’héritage nobiliaire s’associant à sa position d’éminent juriste et d’intellectuel renommé ainsi qu’à sa familiarité avec les hautes sphères du pouvoir d’État. Ils s’expliquent aussi par son activité soutenue dans sa circonscription[56].

« La fin des notables » correspond à un processus de démocratisation, enclenché avec l’instauration de la Troisième République en 1870[57]. Selon ce schéma interprétatif, les « notables », après avoir été les acteurs de la transition entre une société d’ordres prolongeant l’Ancien Régime et la modernité politique, ont été remplacés par des hommes politiques professionnalisés issus de catégories sociales intermédiaires avec la républicanisation de la société française.

Schéma interprétatif pertinent, mais à nuancer[58] : en fait, les pratiques notabiliaires (clientélisme, médiation entre l’espace local et les autorités politico-administratives, etc.) se sont recomposées tout autant au sein des anciennes élites converties à la République qu’à l’intérieur de la nouvelle classe politique professionnalisée. L’historien Jean-Louis Briquet décrit le notable comme un « caméléon » : les notables, qu’ils soient nouveaux ou convertis, sont à nouveau les hommes de la transition dans les années 1870. À l’heure où la France hésite entre plusieurs régimes, il est indispensable pour la République de donner l’image rassurante d’un régime ne bouleversant pas trop les équilibres établis. Il est frappant de voir à quel point la République des années 1870 recherche comme les régimes précédents un compromis avec ces élites qui la choisissent et assurent son enracinement à l’échelle locale, comme l’illustre le célèbre discours des « nouvelles couches sociales », tenu par Gambetta à Grenoble en 1874[59].

C’est donc progressivement que le pouvoir des notables est entamé dans ses fondements idéologiques et dans sa légitimité. La légitimité politique se substitue, très progressivement, à la légitimité sociale : « l’idéal d’une société hiérarchisée qui n’évolue pas, où les inférieurs reconnaissent naturellement la tutelle des supérieurs en échange des services que ceux-ci leur rendent […] n’est plus tenable dans une économie de marché, dominée par les villes, où se diffuse un modèle tout autre de mobilité sociale et de remise en cause des anciennes hiérarchies »[60]. C’est un autre « modèle de domination » qui se substitue à celui des notables, faisant du mérite, sanctionné par les réussites scolaires ou professionnelles, le principal critère de la distinction sociale. Permettant l’intégration d’une partie des classes moyennes et des élites populaires aux classes dirigeantes, il s’est constitué en idéologie justificatrice de la République contre la conception d’un ordre social fondé sur la reproduction des richesses, des prestiges et des pouvoirs établis. Ce renouvellement progressif des élites est porté par de nouveaux courants politiques (principalement le radicalisme). Néanmoins, la persistance de dynasties parlementaires, le rôle du Sénat dont les principes d'élection sont inspirés du modèle des notables attestent la prégnance de ceux-ci dans la société française jusque tard dans le XXe siècle.

II. Avancées et reculs des démocraties (Axe 2)

Manuel p.56-81- Dès le XIXe siècle, Tocqueville voit en la démocratie un régime fragile, susceptible de limiter les libertés. Si à l’échelle mondiale, le XXe siècle marque l'essor de la démocratie, celle-ci s'avère régulièrement menacée par des forces conservatrices ou révolutionnaires. Ainsi, dans les années 1970 et 1980, alors que l'Europe méditerranéenne voit s'effondrer les dictatures et se mettre en place des régimes démocratiques, certains pays d'Amérique latine connaissent une trajectoire opposée.

A.     L’inquiétude de Tocqueville : de la démocratie à la tyrannie ? Une analyse politique

Quelle analyse politique la démocratie étatsunienne inspire-t-elle à Alexis de Tocqueville ?

1.      Aux États-Unis, un modèle démocratique original

Aux États-Unis, le processus engagé par la révolution de 1776 -Chronologie p.58 conduit à la mise en place d'une démocratie originale. Contrairement à la plupart des pays qui ont cherché à reproduire le système britannique, les pères fondateurs de la Constitution n’ont pas voulu d'un régime parlementaire classique, qui aurait conduit à une centralisation du pouvoir. C’est pourquoi, à l’issue de la Convention de Philadelphie (29 mai - 17 septembre 1787), la structure originale de la Constitution repose sur une séparation stricte entre les trois pouvoirs et une répartition des compétences entre États et Fédération, procédant d'une volonté marquée de limiter la puissance de chaque organe[61]. Le pouvoir législatif de cette république fédérale est confié au Congrès (Chambre des représentants + Sénat). Désigné au suffrage universel masculin indirect, à la fois chef d'État et chef du gouvernement, le président des États-Unis, à la tête de l’exécutif, dispose de pouvoirs étendus mais bien encadrés. Dix amendements -Vocabulaire p.58 ratifiés par le Congrès le 15 décembre 1791 forment le Bill of Rights, Déclaration de droits et libertés fondamentales (religieuse, d'expression...) intégrée à la Constitution, à laquelle s’ajouteront 17 amendements entre 1795 et 1991[62].

Lorsqu'en 1831, Alexis de Tocqueville[63], jeune magistrat français, se rend aux États-Unis, le suffrage universel masculin blanc est reconnu dans la plupart des États, l’alphabétisation précoce des populations et une presse puissante favorisent l'avènement d'une culture démocratique. Séduit par ce modèle, Tocqueville, observateur attentif de la vie politique américaine, s'interroge cependant sur ses dangers[64].

2.      De la démocratie en Amérique, d’Alexis de Tocqueville : la démocratie en question

La première partie de De la Démocratie en Amérique (1835) est un vrai reportage sociologique, sur les États-Unis. À travers le modèle américain, Tocqueville s'interroge sur la nature de la démocratie. Celle-ci est fondée sur un principe, l'égalité[65] -doc.1 p.60. Le modèle démocratique aux États-Unis.

La question qui se pose à lui est la suivante : cette égalité est-elle compatible avec la liberté ? Tocqueville répond par l'affirmative. Une première explication est à chercher dans la Constitution américaine : système fédéral, équilibre des pouvoirs, rôle de la Cour suprême. L'auteur expose ensuite la place de la société civile : l'importance des associations, la liberté de réunion, la liberté de la presse, la liberté de conscience[66].

Ce sont les aspects négatifs du modèle américain qui feront surtout l'objet de la seconde partie du livre, parue en 1840 ; et il veut mettre en garde ses concitoyens contre « les périls » que courent les sociétés démocratiques. Quels périls ?

  • Tocqueville prévoit le gouvernement de l'opinion. Premier effet dans la vie intellectuelle : l'utilitarisme dans les sciences, l'industrie littéraire qui « s'efforcera d'entraîner les passions plus que de charmer le goût », l'abaissement du langage... Dans la vie sociale, le désintérêt des citoyens pour leurs devoirs politiques, d'où la chance offerte aux ambitieux sans scrupules, ou aux factions parlant « au nom d'une foule absente et inattentive ».
  • Tocqueville pense que l'égalité favorise l'autorité du pouvoir politique. « Les démocraties sont naturellement portées à concentrer toute la force sociale dans les mains du corps législatif. Celui-ci étant le pouvoir qui émane le plus directement du peuple, est aussi celui qui participe le plus de sa toute-puissance. […] Cette concentration des pouvoirs, en même temps qu’elle nuit singulièrement à la bonne conduite des affaires, fonde “le despotisme de la majorité” ». Cette crainte de la « tyrannie de la majorité » est partagée par plusieurs penseurs libéraux. 2 p.60. Le risque de tyrannie en démocratie- Pour lui : « Qu’est-ce donc qu’une majorité prise collectivement, sinon un individu qui a des opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un autre individu qu’on nomme la minorité ? Or, si vous admettez qu’un homme revêtu de la toute-puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n’admettez-vous pas la même chose pour une majorité ? Les hommes en se réunissant, ont-ils changé de caractère ? Sont-ils devenus plus patients dans les obstacles en devenant plus forts ? Pour moi, je ne saurais le croire ; et le pouvoir de tout faire, que je refuse à un seul de mes semblables, je ne l’accorderai jamais à plusieurs. »

Y a-t-il des remèdes à cette tendance ? L'auteur en énonce quelques-uns : la décentralisation, la presse et la vigilance de chaque citoyen, qui ne doit admettre aucune violation des libertés individuelles.

L'auteur en avertit son lecteur d'emblée : à ses yeux, la « révolution démocratique » est un « fait irrésistible », c'est notre avenir. L'aristocrate qu'il est s'en attriste : « Je suis tenté de regretter la société qui n'est plus. » Mais, s'élevant au-dessus de sa propre condition, et prenant le point de vue de « l'Être tout-puissant et éternel », il écrit : « Ce qui me semble une décadence est [...] à ses yeux un progrès, ce qui me blesse lui agrée. L'égalité est moins élevée peut-être mais elle est plus juste, et sa justice fait sa grandeur et sa beauté. »

B.     Crises et fin de la démocratie : le Chili de 1970 à 1973

Comment la démocratie est-elle renversée au Chili en 1973 ?

1.      Une Amérique latine dominée par les dictatures

Après la Seconde Guerre mondiale, les démocraties font figure d’exception en Amérique latine et les dictatures -Vocabulaire p.62 dominent, par exemple au Nicaragua sous la domination de la famille Somoza ou au Paraguay sous le joug d’Alfredo Stroessner -Carte 1 p.64. Parmi les principales causes de cette situation, figure la politique hégémonique des États-Unis, qui réactivent la doctrine Monroe -Vocabulaire p.62- dans le contexte de la guerre froide. En effet, la mise en œuvre du containment[67] à l’échelle régionale se traduit par la signature du traité de Rio (1947) -Vocabulaire p.63, puis la création de l’OEA[68] (1948) -Vocabulaire p.63. À la coopération militaire s’ajoute une coopération économique, par le biais de plans d'aide au développement[69].

La lutte contre l’hégémonie étatsunienne est principalement incarnée par l’expérience cubaine. À Cuba, en 1959, une révolution renverse Batista, un dictateur proche des États-Unis, et porte au pouvoir Fidel Castro -Biographie p.62. Il procède à une réforme agraire -Vocabulaire p.63 et à des nationalisations -Vocabulaire p.63 au détriment des intérêts étatsuniens. Après l’échec du débarquement de la baie des Cochons (avril 1961)[70], et la « crise des fusées » (1962)[71], Cuba, sous embargo -Vocabulaire p.63 étatsunien, devient le symbole de la résistance aux États-Unis et le porteur du projet révolutionnaire en Amérique latine (et au-delà !), sous l’impulsion notamment du compagnon d’armes de Fidel Castro, l’Argentin Ernesto « Che » Guevara. Des guérillas se développent –Foquisme : vocabulaire p.63 : Amérique centrale, Venezuela, Colombie, Pérou, Bolivie (où Che Guevara meurt en 1967).

Face à ce péril révolutionnaire (plus ou moins surévalué), des dictatures militaires implacables s'installent avec le soutien des États-Unis[72]. Partout les pouvoirs conservateurs s'appuient sur les oligarchies, traquent les ennemis intérieurs et les éléments jugés subversifs. C'est le cas dans le Chili du socialiste Salvador Allende, élu en 1970, et renversé le 11 septembre 1973 -Jalon p.66-67.

2.      Chili, 1970-1973 : de la démocratie à la dictature

a.      Un pays en mutation

Des années 1950 aux années 1970, le Chili a connu des changements sociaux et économiques profonds :

  • croissance démographique (de 6 millions d'habitants en 1952 à 10 millions en 1973), exode rural[73].
  • Croissance économique, portée par les exportations[74].
  • Aggravation de la dépendance vis-à-vis des États-Unis, premiers fournisseurs de biens d'importation, premiers acheteurs du cuivre chilien[75], et premiers créanciers du pays (les banques américaines possédèrent jusqu'à 50% de la dette extérieure du pays).

b.      Un processus démocratique inachevé

Depuis les années 1930, sous la houlette du Parti radical (centre gauche), les gouvernements chiliens ont su intégrer les classes populaires et les classes moyennes urbaines au système politique et les faire bénéficier (dans des conditions inégales), d'améliorations salariales et d'un meilleur accès à l'éducation et à la santé. C’est dans cette logique que s’inscrit Frei, le candidat de la droite et de la Démocratie chrétienne (DC), élu en 1964 à la présidence chilienne. Son programme, appelé « Révolution dans la liberté », est clairement réformiste : réforme agraire, « chilianisation » du cuivre (l'État devenant actionnaire), réforme du système éducatif, etc. Une partie de la droite (l’oligarchie foncière, des chefs d'entreprise, des artisans et des membres des classes moyennes) voit les réformes de la DC une porte ouverte à des changements d'inspiration communiste. En face, pour la gauche du Parti socialiste, pour des militants du Mouvement de la gauche révolutionnaire (le MIR, un mouvement guevariste d'extrême gauche), tous fascinés par l'expérience cubaine, réformer ne suffit pas et l'heure est à la préparation de la révolution.

La segmentation du paysage politique chilien en trois cultures politiques rivales et inconciliables tient à ses rapports ambigus aux processus démocratiques[76]. En effet, ce n'est que dans les années 1960 que le suffrage devient réellement universel[77]. Et même alors, la conception oligarchique de la vie politique reste tenace, en lien avec une représentation très hiérarchique de l'ordre social : les élites foncières, industrielles ou commerçantes, tout comme les classes moyennes, vivent coupés des prolétaires urbains, migrants ruraux[78], mineurs ou petits paysans, désignés par l’expression los rotos (« les déguenillés »). Quant au fonctionnement réel du pouvoir, il se résume à un jeu de subtiles négociations entre réseaux de notables, les électeurs demeurant tenus à distance. Sa plus parfaite illustration est son mode d'élection présidentielle au scrutin à un tour : si personne n'obtient la majorité absolue, ce sont les sénateurs qui décident. Dans ces conditions, pour beaucoup de partisans de la gauche, des communistes aux socialistes en passant par les guevaristes du MIR, la démocratie reste perçue comme le voile des intérêts de la bourgeoisie.

c.       L’éphémère présidence Allende (1970-1973)

Néanmoins, l'Unité populaire (UP) rassemble en 1969 le Parti communiste, le Parti socialiste, le Parti radical et le Mouvement d'action populaire unitaire (dissident de gauche de la DC). C'est elle qui porte Salvador Allende -Biographie p.66 au pouvoir le 3 novembre 1970 -Chronologie p.67. Lors de cette élection, le mode de scrutin ne permet à aucun candidat de l'emporter : Allende obtient 36,3% des voix, Alessandri, le candidat de la droite, 34,9% et Tomic, celui de la DC, 27,8%. Comme le prévoit la Constitution, c'est aux sénateurs de désigner le président. Après avoir demandé à la gauche de voter avec eux un amendement à la Constitution stipulant que les gouvernements doivent respecter le pluralisme politique, les libertés syndicales, d'enseignement, de la presse et l'indépendance de l'université et des forces armées, les sénateurs démocrates-chrétiens joignent leurs voix à celles de la gauche pour élire Allende[79].

Doc.1 p.66. Les premières mesures de Salvador Allende- Certaines grandes réformes (comme la nationalisation du cuivre -doc.2 + doc.3 p.66) sont votées à l'unanimité, mais d'autres (hausses de salaires, nationalisation des charbonnages, de la sidérurgie, d'une partie du secteur des transports et des banques) se font par ordonnances présidentielles. En effet, Allende est confronté à une alliance entre les parlementaires de la droite et d’une partie de ceux de la DC en vue de paralyser l'action du gouvernement. Ces tensions donnent lieu à des démonstrations de force pour ou contre la politique gouvernementale. Par exemple, les débats sur la réforme agraire s’accompagnent de mobilisations paysannes (appuyées par le MIR) auxquelles font face les propriétaires expropriés soutenus par les militants d'extrême droite Patria y libertad (« Patrie et liberté »).

Doc.4 p.67. 1972, le début de l’épreuve de force- Dans un pays long d'environ 4300 kilomètres du nord au sud et large de seulement 180 kilomètres en moyenne, l'obstruction de « la » route par la grève des camionneurs d'octobre 1972 (avec le soutien financier occulte des services secrets étatsuniens -doc.6 p.67. Le rôle des États-Unis), paralyse totalement le pays. Le Parti national rallie à sa politique des classes moyennes de plus en plus inquiètes. Un peu partout, on assiste à une montée des violences : manifestations de femmes brandissant des casseroles vides, affrontements de rue à Santiago, attaques de domiciles de ministres par l'extrême droite...

En novembre 1972, Allende constitue un nouveau gouvernement avec des ministres issus de l'armée, dont le commandant en chef, le général Carlos Prats, devient ministre de l'Intérieur. Cela permet de mettre fin à la grève qui immobilise le pays, mais l’union entre la DC et le Parti national bloque toute accord au Parlement. En avril 1973, les mineurs d'El Teniente, l'une des plus grandes mines de cuivre, au nord du pays, se lancent dans une longue grève pour réclamer des hausses de salaires[80]. Prats est accusé par ses pairs « d'entraîner l'armée vers un compromis avec le marxisme ». Le 23 août 1973, au lendemain d'une manifestation humiliante, devant son domicile, de femmes d'officiers qui l'insultent publiquement, il démissionne. Un autre général, Augusto Pinochet, lui succède.

Salvador Allende accepte la tenue d'un référendum sur sa politique économique

, qu’il doit annoncer le 11 septembre. C’est alors que les putschistes, qui ont rallié quelques jours plus tôt Pinochet à leur projet, décident de prendre le pouvoir -doc.5 p.67. Le coup d’État. Allende refuse de fuir son pays et lit aux Chiliens son dernier discours depuis le palais présidentiel de la Moneda bombardé. Il se donne ensuite la mort. La répression est immédiate et touche des milliers de militants de gauche et de syndicalistes suspectés de « marxisme ». Certains sont emprisonnés dans le stade de Santiago et beaucoup disparaissent ou sont contraints à l'exil. Pinochet persécute ses opposants de gauche à l'aide d'une féroce police politique, la DINA (Direction nationale d'intelligence), au Chili et jusque dans les dictatures voisines : en effet, dans le cadre de l'opération Condor, la police chilienne unit ses forces à celles de l'Argentine, du Brésil et d'autres pays de l'Amérique latine pour anéantir l’opposition. La sinistre dictature Pinochet se maintiendra au pouvoir jusqu’en décembre 1989, emportée par la vague démocratique qui atteint l’Argentine en 1983, l’Uruguay en 1984, et le Brésil en 1986 - Dossier p.68-69 + Carte p.65.

C.     D’un régime autoritaire à la démocratie : le Portugal et l’Espagne de 1974 à 1982

Comment le Portugal et l’Espagne ont-ils mené une transition démocratique pacifique et durable ?

1.      Au Portugal, la fin de « l’État nouveau » et la transition démocratique

En 1968, le vieux dictateur António de Oliveira Salazar est destitué au profit de Marcelo Caetano[81], qui peine à libéraliser le régime dit de « l’État nouveau ». La tentative de « printemps marceliste » ne résiste pas à l’impasse de la politique coloniale portugaise (guerres en Angola et au Mozambique).

L’opposition est particulièrement virulente dans les milieux étudiants, mais c’est un mouvement d'officiers contestataires qui déclenche la révolution -Chronologie p.72. Le coup d'État du 25 avril 1974, lancé par les ondes, est initié par une poignée de jeunes officiers[82]. En occupant les points stratégiques de la capitale, ils contraignent Marcelo Caetano à la démission. Ce mouvement est appuyé par Antonio de Spinola et Costa Gomes, deux généraux souhaitant mettre un terme aux guerres africaines, et bénéficie d’un soutien populaire inattendu. Acclamé par la population lisboète qui pactise avec les soldats mutinés en accrochant au bout de leurs fusils des œillets rouges et blancs, le Mouvement des forces armées (MFA) accomplit la « révolution des œillets ».

La singularité de cette révolution tient au fait que, bien qu'initiée par des militaires, elle reste pacifique et vise à installer la démocratie au Portugal. Le pouvoir est remis à la « Junte de salut national » -Vocabulaire p.63. Junte, composée de militaires et présidée par Spinola. Dès les premiers jours, la police politique est dissoute, la censure est abolie, les libertés fondamentales sont rétablies, les partis politiques sont légalisés, tous les prisonniers politiques sont libérés. Le premier gouvernement provisoire est nommé à la mi-mai. Les manifestations populaires, les grèves, les revendications pour de meilleures conditions de vie et de travail, pour l’élargissement des droits et libertés (spontanés ou orchestrés par les partis de gauche) se multiplient et aboutissent à des acquis sociaux[83] et à des avancées dans la législation du travail[84].

Les divergences entre le général Spínola et les forces politiques révolutionnaires augmentent sur la conduite de la transition démocratique et sur la question coloniale[85]. Après la manifestation qu'il tente d'organiser en sa faveur le 28 septembre 1974 en sa faveur, Spínola est remplacé par le général Costa Gomes. L’éventail politique se reconstitue autour des partis ayant participé à la résistance contre l’État nouveau[86], ainsi que de nouvelles formations, nées du contexte postrévolutionnaire. Il va désormais de l’extrême gauche à la droite libérale[87] en passant par le centre droit[88]. En 1975, on comptera une cinquantaine de partis politiques. Après la tentative de coup d’État du général Spinola avortée du 11 mars 1975[89], les clivages politiques s’accentuent : le Parti socialiste (PS) de Mario Soares -Biographie p.70, les partis de droite et l’aile modérée du MFA prennent pour référence les régimes d’Europe occidentale dont ils ont le soutien, tandis que l’aile radicale du MFA, le PCP et les autres groupes de gauche souhaitent construire une démocratie populaire.

Le Premier ministre Vasco Gonçalves[90], proche du PCP, désireux de conduire le pays « vers le socialisme », remplace la Junte de salut national par le Conseil de la révolution, un organe composé de militaires et doté de pouvoirs forts. Mais les premières élections libres pour l’Assemblée constituante (25 avril 1975) désavouent le PCP[91]. Le processus révolutionnaire s’accélère dans une tentative de contourner la légitimité des urnes : c’est l’« été chaud » (Verão Quente), marqué par une vague de nationalisation des secteurs clés de l’économie[92], par la réforme agraire avec occupation de terres, et l’occupation et l’autogestion d’usines. La période est marquée par une intense agitation sociale et une forte violence politique. Les sièges des partis de tous bords sont pris d’assaut et pillés par des militants adverses, des bombes sont posées. Le pays, fracturé politiquement et géographiquement entre un Nord rural et catholique et un Sud révolutionnaire, est au bord de la guerre civile.

Doc.2 p.72. Manifeste des SUV- Le 25 novembre 1975, l’échec de la tentative de coup d’État de l’aile radicale du MFA met un terme à l’ascendant communiste sur le gouvernement, et crée les conditions politiques pour l’institutionnalisation d’une démocratie parlementaire. Le 2 avril 1976, la Constitution est adoptée par l’Assemblée constituante, et les élections législatives du 25 avril 1976 confortent le PS et le PPD comme principales forces politiques. Le 27 juin 1976, le général António Ramalho Eanes, militaire modéré, est élu président de la République (il sera réélu en 1980). Le processus de transition est terminé.

2.      En Espagne, le pays sort de la longue dictature de Franco

Au terme de la guerre d’Espagne (1936-1939), l’Espagne est passée sous le joug du général Francisco Franco. « Caudillo (guide) par la grâce de Dieu », Franco établit un gouvernement autoritaire et dictatorial, pour trente-six années -Vocabulaire p.71. Franquisme. À partir des années 1960 cependant, si le Movimiento Nacional demeure le seul parti autorisé, sous l’action de technocrates du régime partisans de la modernisation,l’Espagne se transforme en un pays industrialisé et urbanisé, à la culture sécularisée et aux mentalités modernisées ; de nouvelles pratiques émergent qui échappent au contrôle strict de l'État (négociations collectives, grèves, syndicats semi-libres) et favorisent l'émergence d’une culture démocratique, bien avant la démocratisation politique du pays. En 1969, Franco désigne officiellement Juan-Carlos -Biographie p.70, le petit-fils du dernier roi d'Espagne[93], comme son successeur après sa mort, en tant que roi d'Espagne. Le Caudillo meurt le 20 novembre 1975, et Juan-Carlos est officiellement intronisé roi d'Espagne le 22 novembre -doc.1 p.74. « L’Espagne demain ».

S’ouvre alors la période de transition démocratique -Chronologie p.74, un processus souvent présenté comme « modèle » : pacifique, sans cassure institutionnelle ni épuration, associant à chaque étape l'assentiment populaire. Dès son intronisation, Juan Carlos s'attache à conquérir une légitimité internationale en multipliant les voyages, au cours desquels il s'engage à faire de l'Espagne une démocratie. Il obtient la démission du Premier ministre Carlos Arias Navarro, remplacé le 3 juillet 1976 par Adolfo Suarez. Lui aussi est franquiste[94], mais il s'engage à soumettre à la nation les questions relatives à la réforme constitutionnelle et à organiser les premières élections libres avant le 30 juin 1977.

La Loi pour la Réforme Politique, adoptée par les Cortès le 18 novembre 1976 et par le peuple espagnol le 15 décembre 1976. Cette loi permet que se déroulent le 15 juin 1977 les premières élections démocratiques depuis l'instauration de la dictature[95]. Les députés et sénateurs issus de ces élections sont chargés d'élaborer, notamment, la nouvelle constitution démocratique que le roi approuve au cours d'une session conjointe des deux Chambres le 27 décembre 1978 -doc.3 p.75. Extraits de la Constitution. La Constitution, approuvée par 87,8% de la population le 6 décembre 1978, fixe le cadre d'un État de droit : démocratie libérale et parlementaire, large autonomie accordée aux « Généralités » -doc.5 p.75. La question des autonomies régionales, culture d'égalité et de tolérance, économie de marché.

La solidité des nouvelles institutions et l’attachement des Espagnols à leur monarque est démontré par l’échec du pronunciamento militaire du 23 février 1981 -doc.4 p.75. L’échec du coup d’État, où le roi se fait le garant de la légitimité démocratique, en exigeant que l’armée apporte son soutien inconditionnel au gouvernement démocratique légitime. Une fois ce danger écarté, le processus de démocratisation de la société s’avère irréversible.

La vie politique se bipolarise : les socialistes de Felipe Gonzalez, au pouvoir à partir de 1982, s'opposent à la droite de l'Alliance populaire. Un consensus national se renforce cependant autour des institutions[96]. En 1982, la première alternance politique tourne définitivement la page de la transition démocratique. Et en 1986, l’entrée de l’Espagne dans la CEE, avec le Portugal, intègre la jeune démocratie espagnole au sein des démocraties européennes.

Le processus espagnol de transition démocratique est couronné d’un succès, à nuancer toutefois. Si certains observateurs enthousiastes ont voulu en faire un modèle « exportable », leur position apparaît discutable au regard des controverses continuant d’agiter la société espagnole au sujet des mémoires conflictuelles de la guerre d’Espagne et de la dictature franquiste -Points de vue p.76-77. L’Espagne peut-elle en finir avec le franquisme ?

III. L’Union européenne et la démocratie (Objet de travail conclusif)

A.     Le fonctionnement de l’Union européenne : démocratie représentative et démocratie déléguée

1.      Les institutions d’une démocratie représentative

Doc.3 p.93. Le fonctionnement des institutions démocratiques européennes- L’Union est une démocratie doublement représentative construite par le vote des citoyens à deux niveaux :

  • directement au niveau du Parlement européen ;
  • indirectement au niveau du Conseil européen et du Conseil de l’Union[97].

Construite sur la coexistence entre deux légitimités, celle des citoyens et celle des États, la démocratie représentative de l’Union européenne est logiquement confrontée au problème politique de leur concurrence. Celle-ci se traduit par une tension permanente entre deux logiques : la logique supranationale et la logique intergouvernementale.

Quatre grandes institutions sont au cœur du fonctionnement de l’Union européenne : le Parlement européen, la Commission européenne, Le Conseil de l’UE, le Conseil européen.

a.      Le Parlement, cœur de la représentation politique en Union européenne

Vocabulaire p.92. Démocratie représentative- Le Parlement européen est le principal acteur de l’adoption des lois communautaires. Le traité de Lisbonne (2007) a fait de la procédure de « codécision », aujourd'hui procédure législative ordinaire, le principal mode de décision européen. Dans ce cadre, le Parlement se prononce en première lecture sur une proposition de la Commission européenne, puis soumet sa position au Conseil de l’UE. Si le Conseil de l’UE approuve le texte sous la même forme que les eurodéputés, il est adopté. Mais si le Conseil adopte une autre position, le Parlement se prononce en deuxième lecture et peut : 1/ accepter cette position ; 2/ l'amender (elle retourne alors vers le Conseil de l’UE) ; 3/ la rejeter. En cas de désaccord persistant, l’acte est examiné par un comité de conciliation. La procédure ordinaire concerne 85 domaines de compétences, en dehors desquels le Parlement intervient aussi à travers plusieurs procédures spéciales, comme la procédure d'approbation[98] ou la procédure de consultation[99].

Le Parlement établit, en collaboration avec le Conseil, le budget annuel de l'Union européenne. La Commission prépare un projet de budget qu'elle présente au Conseil et au Parlement. Le Conseil adopte une position, qu'il transmet au Parlement européen[100]. Concernant le budget pluriannuel, celui-ci est adopté au moyen d'une procédure législative spéciale nécessitant l'unanimité du Conseil après approbation du Parlement.

Le Parlement joue un rôle décisif dans l'investiture de la Commission européenne. Son président est désigné grâce à l’approbation du Parlement européen sur proposition du Conseil européen. Il peut également censurer la Commission, qui doit alors présenter sa démission collégialement.

Le Parlement européen compte 751 députés[101], élus pour cinq ans. La répartition des sièges par État tient compte de la population de chaque État[102]. La France dispose de 74 députés européens[103]. Les députés ne siègent pas par délégation nationale, mais se regroupent en sept groupes politiques, de l'extrême gauche à l'extrême droite[104].

Chaque député européen est également membre d'une ou plusieurs commissions[105], chargées de préparer le travail du Parlement en session plénière : commissions permanentes, spécialisées dans des domaines particuliers, mais aussi commissions temporaires (d'enquête ou spéciales).

Le Parlement européen siège à Strasbourg[106] mais les commissions parlementaires se tiennent à Bruxelles, et le Secrétariat général (administration et services de traduction et d'interprétation) se trouve à Luxembourg. Le Parlement dispose par ailleurs d'une représentation permanente dans chaque État membre.

b.      La Commission européenne, l’organe exécutif de l’Union européenne

La Commission, organe exécutif de l'Union européenne, met en œuvre les actes législatifs adoptés par le Parlement européen et le Conseil. Elle est également chargée de proposer un projet de budget et de l’exécuter une fois adopté, ainsi que de la gestion de certains programmes communautaires, tel le Fonds social européen (FSE).

La Commission est la « gardienne des traités ». Elle veille à leur application correcte ; en cas d'inapplication ou de mauvaise application du droit communautaire par un État membre, la Commission peut saisir la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) afin que des sanctions soient prises[107].

Investie du droit d'initiative, la Commission exerce aussi une fonction législative : elle soumet ses propositions de loi (directives -Vocabulaire p.91. Directive européenne) au Conseil de l'UE et au Parlement.

La Commission compte 28 commissaires (dont le président et le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité), soit un par État membre, nommés pour 5 ans. Depuis le traité de Lisbonne (2007), le président de la Commission européenne est « élu » par le Parlement européen, à la majorité, sur proposition du Conseil européen, « en tenant compte des élections au Parlement européen, et après avoir procédé aux consultations appropriées »[108]. C'est ensuite le Conseil de l'UE, « d'un commun accord avec le président élu », qui propose les autres membres du collège des commissaires, y compris le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politiques de sécurité, « sur la base des suggestions faites par les États membres ». Ce collège est alors, dans son ensemble, « soumis à un vote d'approbation du Parlement européen ».

L'action de la Commission européenne repose sur le principe d'indépendance : malgré la désignation d'un commissaire par État membre, ceux-ci sont choisis pour leurs compétences et agissent en faveur de l'intérêt général de l'Union : contrairement aux membres du Conseil européen ou du Conseil de l'Union européenne, ils ne représentent pas leur État d'origine.

Le siège de la Commission se situe à Bruxelles mais l'institution dispose également de Représentations dans chaque État membre et de Délégations dans les pays tiers, car elle représente l'Union européenne à l'extérieur (politique commerciale).

c.       Le Conseil de l’Union européenne, l’autre institution législative

Le Conseil de l'Union européenne est l'instance où se réunissent les ministres des gouvernements de chaque pays membre. Il compte 10 formations spécialisées en fonction des sujets abordés[109]. La présidence du Conseil de l'UE est assurée par un État membre pendant 6 mois, selon un ordre de rotation préétabli.

Il exerce, sur un pied d'égalité avec le Parlement européen, la fonction législative (Cf. procédure législative ordinaire). Le Conseil est également codétenteur de l’autorité budgétaire : à ce titre, il arrête et modifie le budget européen avec le Parlement, ce dernier ayant un rôle ultime dans la procédure d'adoption du budget annuel. Il conclut les accords internationaux de l’Union et nomme les membres de la Cour des comptes.

Le Conseil se réunit à Bruxelles ou à Luxembourg, sur convocation de son président. L'initiative peut venir de ce dernier, d'un membre du Conseil, de la Commission ou du Haut-représentant de l'Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité. Le Conseil tient une centaine de sessions officielles chaque année, au cours desquelles il statue à la majorité qualifiée, à la majorité simple, ou à l’unanimité[110].

d.      Le Conseil européen

Le Conseil européen est composé des chefs d'État ou de gouvernement des États membres, du président de la Commission et du président du Conseil européen. Intervenant le plus souvent en amont des décisions européennes, il définit ses grandes orientations, impulse ses principales mesures et joue un rôle d'arbitre en cas de blocage. Le Conseil européen fournit à l’Union définit les orientations politiques générales, mais n'exerce pas de fonction législative. Le Conseil européen a un rôle majeur d'impulsion dans l'ensemble des domaines d'activités de l'Union européenne.

Toutes les grandes décisions politiques concernant la construction de l'Europe sont prises par le Conseil européen : réforme des traités et des institutions, financement du budget européen, élargissement de l'Union européenne, positions de l'Europe sur la scène internationale ou encore orientations économiques... Les décisions du Conseil européen indiquent la volonté des États membres au plus haut niveau[111].

Celui-ci assure également une fonction diplomatique pour donner plus de visibilité à l'Europe. Souvent accompagné du président de la Commission européenne lors des sommets internationaux, il représente l'Union à l'extérieur pour les matières relevant de la PESC, aux côtés du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Désigné par les chefs d'État et de gouvernement en août 2014 pour un mandat de deux ans et demi renouvelé en 2017, le Polonais Donald Tusk occupera cette fonction jusqu’au 1er décembre 2019, date à laquelle le Belge Charles Michels lui succèdera.

2.      L’Union européenne, une démocratie représentative « inachevée »

a.      Faible identification citoyenne, dénonciation du déficit démocratique, défiance des citoyens

Points de vue p.96-97. La citoyenneté européenne existe-t-elle ? Le pouvoir politique européen apparaît désincarné. Ainsi, peu d'Européens connaissent le nom des principaux responsables européens. Les compétences de chaque institution restent également mal connues ou floues. Par exemple, en ce qui concerne le Parlement, cœur de la représentation démocratique à l’échelle européenne :

Si l’élection du Parlement européen se fait par un scrutin « européen », au suffrage universel organisé dans les 28 États membres, sur un mode de scrutin identique (proportionnelle de liste à un tour), les modalités d’organisation varient d’un pays à l’autre et ce sont bien 28 élections nationales qui ont lieu.

  • Bien que des partis transnationaux aient été construits au niveau européen, ils demeurent mal connus des citoyens et la campagne électorale est animée par les partis nationaux, principalement sur des thèmes nationaux.
  • Absence de clivages forts entre groupes politiques dominants, complexité et technicité des sujets abordés…
  • Absence de pouvoir d’initiative législative.

Dans ces conditions, la confiance des citoyens dans l'Union européenne demeure fragile[112] et une part importante des citoyens souhaite restituer une partie des pouvoirs aux parlements nationaux. Dans un certain nombre de pays d'Europe centrale et orientale, des partis à la fois nationalistes et hostiles à I'UE sont désormais au pouvoir (Pologne, Hongrie)[113]. En Italie, le Mouvement populiste M5S et le très anti-européen Parti de la Ligue ont constitué un gouvernement de coalition de juin 2018 à août 2019. D'autres pays sont marqués par la montée des nationalismes : la France avec le Rassemblement National, les Pays-Bas avec le Parti pour la Liberté ou l'Allemagne avec I'AFD.

La démocratie représentative européenne présente donc des limites, qui contribuent à un certain désintérêt, voire une certaine défiance de la part de nombreux citoyens européens, reflétés par la faiblesse récurrente de la participation électorale au scrutin européen (50,97% en France en 2019) -Stat p.90 + doc.4 p.95. Un appel au boycott des élections européennes de 2019.

b.      Promouvoir la démocratie déléguée ?

Des initiatives ayant pour objectif de combler le sentiment de déficit démocratique sont prises. L’UE est en effet pionnière en matière de démocratie déléguée -Vocabulaire p.91 + doc.1 p.92. Les différents processus démocratiques + doc.2 p.92. L’UE, pionnière de la démocratie déléguée, offrant à chacun la possibilité de s’exprimer.

Les consultations citoyennes lancées par la Commission européenne ont pour objectif de donner la parole aux citoyens pour recueillir leur avis mais aussi leurs propositions sur les politiques européennes. En 2013, la Commission européenne initie les « dialogues citoyens », des rencontres organisées dans tous les pays de I'UE.

Surtout, depuis le traité de Lisbonne, l’Initiative citoyenne européenne (ICE) permet aux citoyens de proposer des changements juridiques dans n’importe quel domaine dans lequel la Commission européenne est habilitée à présenter des propositions législatives. Une fois que l’initiative a recueilli 1 million de signatures dans au moins sept États membres, la Commission décide des mesures de suivi à lui donner. Attention néanmoins, si l’Union européenne s'affirme pionnière en matière de démocratie déléguée, l’initiative citoyenne rencontre des limites : en effet, la Commission n'est nullement tenue de transformer cette initiative citoyenne en proposition de loi.

B.     Les remises en question depuis 1992

Depuis 1950, la construction de l'Europe apparaît plutôt comme une « success story » : réussite des élargissements successifs depuis 1957[114] -doc.1 p.84. Les élargissements successifs, niveau d’intégration inédit en comparaison des autres organisations régionales (notions d’élargissement et d’approfondissement). Pourtant, cette marche vers l'union ne décrit pas une ligne droite : au contraire, les réussites se sont toujours nourries de crises ou d'échecs, parfois cuisants. D'où une histoire cyclique de cette construction européenne, avec sept cycles entre 1945 et 2005, chacun d'entre eux ayant une phase ascendante, un bond ou un rebond de l'Europe, suivi d'une crise, le plus souvent féconde puisqu'elle est à l'origine de la « relance » du cycle suivant[115]. Ici, ce sont les sixième et septième cycles qui retiennent notre attention.

1.      De Maastricht (1992) au Brexit (2016)

En 1986, Jacques Delors, nouveau président de la Commission européenne depuis un an, fait adopter l'Acte unique européen -Vocabulaire p.88. Celui-ci prévoit, à partir du 1er janvier 1993, l’établissement d'un marché unique permettant la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes[116]. L’Acte unique renforce aussi les institutions communautaires en étendant leur champ d'action à la recherche, à l’environnement et à la politique sociale. Il institue aussi le vote à la majorité qualifiée dans des domaines où l’unanimité était requise.

En 1991, la fin de la guerre froide marque un tournant. La coïncidence entre Europe géographique et Europe communautaire est désormais à l’ordre du jour. L’ex-Allemagne de l'Est, en s'intégrant à la RFA, entre automatiquement dans la Communauté. Quant à l'adhésion des pays de l'Europe centrale et orientale, elle est envisagée à terme, après une période de transition démocratique et économique, tandis que trois États neutres, la Suède, la Finlande et l'Autriche adhèrent dès 1995 -doc.1 p.84. Les élargissements successifs.

Signé le 7 février 1992, le traité de Maastricht crée l’Union européenne et introduit la notion de citoyenneté européenne. Celle-ci est conçue comme une citoyenneté complémentaire qui confère des droits nouveaux (droit de circuler, de séjourner, de travailler, d'étudier sur le territoire des autres États membres, droit de vote et d'éligibilité aux élections européennes et municipales dans l'État de résidence, etc.) sans remplacer la citoyenneté nationale. Par ailleurs, il instaure l'union économique et monétaire par l'adoption d'une monnaie unique, l'euro. Il met également en place une Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), renforce le rôle du Parlement, définit des critères de convergence (dette publique limitée) -Vocabulaire p.88, envisage une « Europe sociale » et engage une coopération policière et judiciaire.

Aussitôt après la signature du traité, le cycle entame sa phase descendante. Une vague « d’euroscepticisme » -Vocabulaire p.89 s’empare de l'Europe. La ratification du traité est effectuée par tous les pays membres, mais difficilement dans deux d'entre eux : le premier référendum au Danemark est négatif, et le second n'est positif qu'après une renégociation au terme de laquelle le pays s'exclut de certaines politiques[117]. En France, au référendum de septembre 1992, le « oui » l'emporte avec seulement 51% des suffrages exprimés après un débat passionné -doc.1 p.94, Une de Ouest-France.

De surcroît, la guerre, absente de l'Europe depuis 1945, y opère son retour à l'occasion de l'éclatement de la Yougoslavie. Le conflit bosniaque montre que, malgré l'adoption du principe de la PESC, l'Union européenne est incapable d'assurer la sécurité sur son propre continent. Il faut l'intervention des États-Unis et de l'OTAN pour que les hostilités prennent fin en Bosnie avec les accords signés en 1995 à Dayton.

Cet échec favorise la relance d’un septième cycle, qui s’attaque à la nécessaire mise en œuvre d’une défense européenne et à l’évolution du fonctionnement institutionnel en vue des élargissements à venir :

  • Français et Britanniques parviennent à un compromis en 1998 : la déclaration de Saint-Malo[118], qui permet la mise en place d'une (modeste) force d'intervention rapide propre à l'Union.
  • Les traités d'Amsterdam (1997) et de Nice (2001) modifient le fonctionnement des institutions européennes : élargissement de la règle de la majorité qualifiée, renforcement du Parlement (contrôle sur la nomination des commissaires européens). L'Union européenne acquiert aussi de nouveaux domaines de compétences (environnement, transports, lutte contre le changement climatique, etc.) Ces évolutions permettent l’admission en 2004 de dix nouveaux États membres (dont huit PECO) : l’Europe des 25 est en place -doc.1 p.84. Les élargissements successifs.

En 2001, la préparation d’un projet de traité constitutionnel est confiée à une « Convention sur l'avenir de l'Europe », présidée par Valéry Giscard d'Estaing[119]. La signature du nouveau traité de Rome, « établissant une Constitution pour l'Europe », le 29 octobre 2004, est suivie du processus de validation par les États membres… et on assiste au rejet du texte par référendum dans deux pays, la France et les Pays-Bas (2005) -doc.2 p.94. Affiches contre le projet de Constitution. Dès lors, le septième cycle commence sa phase descendante. Depuis 2005 jusqu'à aujourd'hui, il n’y a pas de véritable « relance ». La crise actuelle de l'Europe, profonde et durable, est d'une autre nature que les crises cycliques de la période précédente. Certes, la construction européenne a connu quelques avancées :

  • Deux élargissements, en 2007 et en 2013, ont permis d’accueillir trois nouveaux États : la Bulgarie, la Roumanie puis la Croatie dans une Union qui compte désormais 28 membres -doc.1 p.84. Les élargissements successifs.
  • En décembre 2007 est signé le traité de Lisbonne qui, reprenant l’essentiel du traité de Rome de 2004, sans se présenter comme un traité établissant une Constitution, est ratifié par tous les États membres par voie parlementaire[120] et entre en vigueur en 2009. Un président du Conseil européen représente désormais I'UE sur la scène mondiale. La majorité qualifiée est étendue et le vote à l'unanimité se limite à quelques cas précis (politique étrangère, fiscalité, etc.).

Mais une succession de crises compromet ensuite gravement la solidarité européenne :

  • L’Europe du Nord n’entend pas payer indéfiniment pour l’Europe du Sud surendettée. Les catastrophes sont évitées, mais au prix de plans de sauvetage de dernière minute, nombreux, improvisés et étalés dans le temps. Tout n'est pas négatif, puisqu'une union bancaire est mise en place en 2014 pour prévenir désormais tout risque majeur de krach financier.
  • Survient alors la crise migratoire à partir de 2013, qui met à mal l'espace Schengen quand elle atteint son paroxysme en 2015. Des centaines de milliers de réfugiés, venant du Moyen-Orient et d'Afrique orientale, cherchent un asile en Europe, et les dirigeants européens divergent sur la conduite à tenir.

La recrudescence des égoïsmes nationaux, les progrès de l’euroscepticisme tournent à l'europhobie au Royaume-Uni, qui décide par référendum, en juin 2016, de sortir de l'Union européenne. Le « Brexit » -Vocabulaire p.90 + doc.5 p.95. Du projet à la crise ne marque pas la fin de l’histoire européenne, mais il confirme l’arrêt de cette histoire cyclique qui avait créé et renouvelé les dynamiques fécondes lors des six premières décennies de la construction de l'Europe.

2.      Les ressorts des « relances » européennes : deux approches

a. L’approche « fonctionnaliste »

L’approche fonctionnaliste déduit de la méthode Monnet[121] qu’une Europe politique et fédérale peut progressivement et automatiquement être induite par la construction prudente d'une Europe économique. En fondant des institutions fonctionnelles dans des domaines économiques choisis (CECA, CEE), il se crée des solidarités et des besoins supplémentaires d'intégration. Par un effet d’entraînement, les autorités intégrées élargissent leurs domaines de compétence par rapport aux États. Cette méthode a bien fonctionné jusque dans les années 1990, mais cette dynamique a montré ses limites. Le passage de l’union économique à l'unité politique ne va pas de soi.

b.      L’approche « réaliste »

Les réalistes, qui mettent l'accent sur le rôle des États et des intérêts nationaux, soulignent comment le général de Gaulle en 1965-1966[122] a réussi à contenir la dimension supranationale de la Communauté, ou comment Margaret Thatcher en 1979-1984 a défendu le point de vue britannique dans la crise budgétaire. Pour les « réalistes », principaux de la construction européenne sont les États, et c'est par intérêt national que ces derniers construisent l'Europe et acceptent de déléguer une partie de leurs pouvoirs.

3.      Quelles perspectives ?

L'Union aussi n'est plus perçue de manière positive par de nombreux Européens. Sur le plan social, elle n'apparaît plus comme un rempart contre le chômage massif qui sévit et croît depuis les années 1970-1980. Elle ne protège plus contre la mondialisation qui crée certes de la richesse, mais la redistribue aussi inégalement, creusant les inégalités sociales et alimentant la défiance des catégories populaires. Dans ces conditions, des pans entiers de l’opinion sont tentés par le repli national et voient dans l’État-nation le seul rempart contre les aspects négatifs de la mondialisation et le seul cadre démocratique pertinent.

En effet, certains observateurs considèrent que la démocratie ne peut être efficace qu'à l'échelle des nations avec des peuples partageant une même langue, une même histoire, des mêmes valeurs. Ils s'opposent à ceux qui considèrent que I'UE représente une nouvelle forme de démocratie « post-nationale », avec l'adhésion de citoyens aux cultures variées à un projet politique européen sans référence à une histoire nationale[123] -Points de vue p.96-97. La citoyenneté européenne existe-t-elle ? Sur le plan institutionnel, pour réaliser ce projet, beaucoup pensent que la stratégie dite des « petits pas » héritée des père fondateurs n’est plus appropriée[124] et qu’il convient de bâtir une Europe vraiment fédérale.

Entre le saut fédéral, qui paraît impossible, et l’inaction, facile et désastreuse, extsite-t-il une solution intermédiaire ? Celle-ci passerait sans doute par l'idée d'une Europe à deux ou à plusieurs vitesses ; jusqu’alors taboue, cette hypothèse fraie son chemin à nouveau. Le concept de « noyau dur » ne paraît dorénavant plus déraisonnable. Dans un cercle restreint de plusieurs États, au sein duquel le couple franco-allemand serait revivifié, les dynamiques cycliques pourraient reprendre leur cours, avec des effets d'entraînement sur le reste de l'Union.


[1] Ainsi, si l'Angleterre et les États-Unis s'ancrent dans une tradition redevable, pour l’essentiel, aux théoriciens du droit naturel (Thomas Hobbes, John Locke), les pays latins (France, Espagne, Italie), et dans une moindre mesure l'Allemagne, ont été conditionnés par l’idée, issue de la Révolution française d’une démocratie porteuse d'une autre conception de la souveraineté.

[2] …sans que l'extension des seconds, et ce que cela supposait d'accroissement de la puissance des pouvoirs publics, n'hypothèque les premiers, comme ce fut le cas dans les démocraties populaires après 1945.

[3] Ainsi, avant 1945, la défense de la démocratie sociale est surtout l’apanage des forces de gauche et de certains courants de catholiques sociaux. À l'inverse, après 1945, la dimension sociale de la démocratie est acceptée par tous, et l’intervention de l'État recueille une quasi-unanimité. Au cours des années 1980, ce schéma fut mis en cause dans de nombreux pays. L'idéologique libérale connut un regain de fortune, plus particulièrement dans son acception économique et sociale, la « mondialisation de l'économie » plaidant, suivant les néolibéraux, pour une limitation de l'intervention des pouvoirs publics.

[4] Dans la langue grecque, la cité d'Athènes n'existe pas en tant que telle : on parle de la « cité des Athéniens ».

[5] Le territoire de la cité athénienne, l'Attique, est exceptionnellement grand (2 500 km²)

[6] Les dix nouvelles tribus reçurent les noms de héros athéniens, issus du sol de l'Attique -à l'exception d'Ajax. Ce sont d'ailleurs ces héros éponymes qui furent ensuite statufiés sur l'Agora -Vocabulaire p.36, leur effigie reposant sur un long piédestal dont les faces étaient utilisées pour afficher les documents officiels. Protégés des intempéries par une corniche et par une barrière empêchant les passants de s'en approcher de trop près, le monument constituait l'un des principaux lieux de mémoire du régime clisthénien.

[7] 6 000 juges étaient également tirés au sort pour les tribunaux. Sur les 700 magistrats, seuls les plus importants comme les stratèges sont élus.

[8] Xénophon, Économique, II, 5-6

[9] Dans les Grenouilles d'Aristophane (405 avant J.-C.), l’un des personnages de la pièce prétend ainsi qu'on « ne trouve plus de riche pour être triérarque : il enfile des guenilles et il se répand en jérémiades : 'je suis indigent!" ».

[10] Cf. Nicias, propriétaire de milliers d'esclaves travaillant dans les mines du Laurion, ce richissime Athénien donna à ses chorégies un lustre exceptionnel, en dépensant bien davantage que ce qui était requis.

[11] Si la mesure est attribuée par Aristote au législateur lui-même, la loi ne fut appliquée pour la première fois qu'en 488-487 avant J.-C., après la bataille de Marathon, alors que le spectre de la tyrannie venait d'être réactivé, l'ancien tyran Hippias ayant conduit les Perses jusqu'au lieu du combat dans l'espoir de recouvrer le pouvoir.

[12] L’ostracisé pouvait rentrer à Athènes au bout de 10 ans, il ne perdait pas la jouissance de ses biens durant son exil et pouvait continuer à en percevoir les revenus.

[13] Lorsque Thémistocle fut ostracisé par les Athéniens en 472 avant J.-C., il fut ainsi l'objet d'une campagne de dénigrement systématique, et ses adversaires n'hésitèrent pas à préparer à l'avance des dizaines de tessons à son nom écrits par la même main pour les distribuer le jour du vote.

[14] Cf. Cimon, le premier adversaire de Périclès, qui fut accusé d'entretenir une relation incestueuse avec sa demi-sœur : un ostrakon apostrophe vertement le stratège athénien en ces termes : « Cimon, [fils] de Miltiade, prends Elpinikè et dégage ! » Si les Athéniens bannirent Cimon, ce ne fut donc pas seulement pour ses idées politiques conservatrices, mais pour sa conduite supposément déréglée.

[15] En 483, les mines d’argent du Laurion sont découvertes au sud-est de l’Attique. Cela permet de lancer la construction de trières.

[16] Si l'on ajoute les magistrats liés à l'administration de la ligue, pas moins de 20.000 personnes (près de la moitié des citoyens mâles d'Athènes), dépendaient de l’empire.

[17] La plupart des charges étant annuelles et non cumulables, tous les citoyens ont dû, sans doute, exercer au moins une fois une fonction dans leur vie -Jalon p. 40-41 : de formelle, la démocratie devenait peu à peu réelle et ce, en partie grâce à l'argent des alliés.

[18] NB. Ces responsabilités leur procurent parfois une réelle indépendance matérielle. C'est le cas dans les familles riches où les femmes gèrent des biens importants. Les femmes pauvres, en l'absence de leur mari, peuvent même être amenées à travailler.

[19] Cette décision permet de réduire le nombre de citoyens, et donc le coût des misthoi.

[20] Dans L'Assemblée des femmes (392 av. J.-C.), l'auteur imagine les femmes prenant le pouvoir pour sauver la cité.

[21] Les ergastines -doc. p. 39. Les ergastines, jeunes filles appartenant aux familles de riches citoyens, donnent en offrande à la déesse le voile qu'elles ont brodé toute l'année.

[22] Seules les épouses de citoyens peuvent ainsi prendre part aux Thesmophories, fêtes en l'honneur de Déméter, déesse de la fécondité : pendant 3 jours, les femmes restent sur la Pnyx, lieu de l'assemblée, puis font des sacrifices et un banquet financés par les citoyens les plus riches. De même, lors de la fête en l'honneur de Dionysos, l'épouse d'un magistrat, donnée symboliquement en mariage au dieu, préside les cérémonies au nom de la cité.

[23] Cf. le riche métèque Lysias -Biographie p.38, qui lors de la crise qui voit la tyrannie l'emporter durant quelques mois à la fin du Ve siècle, met son argent et son éloquence au service de ses amis démocrates.

[24] C’est alors que l'on accroche un signe sur la porte d'entrée pour indiquer aux passants le sexe du nouveau-né : un brin de laine si c'est une fille, un rameau d'olivier pour un garçon.

[25] …en puisant dans le répertoire onomastique de la famille : le fils aîné prend souvent le nom du grand-père paternel, le deuxième celui du grand-père maternel, et ainsi de suite ; il en va de même pour les filles, selon une logique symétrique

[26] Phratrie : subdivision de la cité qui réunissait des citoyens se reconnaissant un ancêtre commun.

[27] Elle est décrite par Aristote dans la Constitution des Athéniens.

[28] Le fameux « serment des éphèbes » : « Je ne déshonorerai pas mes armes sacrées et je n'abandonnerai pas mon voisin là où je serai en rang ; je défendrai ce qui est sain et sacré, et ne remettrai pas à mes successeurs la patrie amoindrie, mais plus grande et plus forte, agissant seul ou bien avec tous, j'obéirai à ceux qui, tour à tour, gouvernent sagement, aux lois établies et à celles qui sagement seront établies. Si quelqu'un entreprend de les détruire, je ne le laisserai pas faire, agissant seul ou bien avec tous, et j'honorerai les cultes ancestraux. Que connaissent de ce serment, les dieux, Aglauros, Hestia, Ényo, Ényalos, Arès, et Athéna Areia, Zeus, Thallô, Auxô, Hégémone, Héraclès, les bornes de la patrie, les blés, les orges, les vignes, les olives, les figues »

[29] …conçue de manière large : déserter l'armée sur le champ de bataille, voler des biens publics, déposer un faux témoignage, ne pas répudier une femme adultère, se livrer à la prostitution ou ne pas subvenir aux besoins de ses parents âgés.

[30] Une tirade de l'orateur Eschine dans son plaidoyer Contre Timarque le montre de façon limpide : « Solon, le plus illustre des législateurs, a interdit toute parure à la femme qui a été surprise en adultère ; il lui défend aussi de s'associer aux sacrifices publics, de peur qu'en se mêlant aux femmes honnêtes, elle ne les corrompe. Si, en dépit de cette défense, elle prend part à ces cérémonies, ou revêt des parures, il ordonne au premier qui la rencontrera de déchirer ses vêtements, de lui arracher ses ornements et de lui donner des coups, en évitant toutefois de la faire mourir ou de l'estropier. Le législateur frappe ainsi cette femme d'une peine de dégradation (atimia) et lui prépare une vie intolérable. » Cela confirme le caractère composite de la citoyenneté, puisque les femmes adultères ne se voyaient pas retirer tous leurs droits et privilèges, mais seulement certains d'entre eux, en l'occurrence, l'accès aux sacrifices civiques et l'autorisation de se parer en public.

[31] Après la mort de Périclès -Biographie p.37, en 429 avant J.-C., le démagogue Cléon fut ainsi le premier à crier à la tribune et à parler tout en se débraillant.

[32] La rhétorique est suspectée de dangereuses dérives. Platon pointe le risque de la démagogie, de la toute-puissance d'orateurs professionnels cherchant plus à flatter leur auditoire qu'à servir l'intérêt collectif. Les critiques de la démocratie s'amplifient au IVe siècle. Certains penseurs, comme le philosophe Platon, ont de sérieux doutes sur les capacités du peuple et préféreraient voir un petit nombre d'hommes compétents diriger seuls la cité.

[33] …quitte à recourir à des arguments extra-légaux (il était ainsi courant d'attaquer les mœurs de son adversaire, de le railler, voire de l'insulter, pour mieux le décrédibiliser aux yeux des jurés), ou… à la magie : Les archéologues ont ainsi mis au jour des dizaines de tablettes de malédiction judiciaire (katadesmoi), portant le nom de l'adversaire, et parfois accompagnées de figurines, les mains liées dans le dos ou la langue coupée. Car il s'agissait bien de rendre impuissant son opposant durant le procès par tous les moyens possibles, fussent-ils magiques !.

[34] Aristophane y moque un vieil Athénien, Chéricléon, atteint d'une passion maladive pour les procès. Le théâtre en général, essentiel dans la vie des Athéniens, est aussi le lieu de l'éloquence politique. Les dramaturges Eschyle ou Euripide font l'éloge d'Athènes et de ses vertus politiques. Les comédies d'Aristophane en ridiculisent les travers et en pointent les dangers. Dossier p.42-43.

[35] Hérodote, Histoires, VI, 111-112.

[36] Les pouvoirs de ces deux Chambres sont limités à deux fonctions : le vote de la loi et le contrôle du budget. Elles n'ont pas le pouvoir d'initiative des lois, mais seulement celui d'amender le texte proposé par le roi, ou de le rejeter. La responsabilité du gouvernement devant les Chambres n'est pas inscrite dans les textes. L'un des éléments essentiels d'un régime parlementaire, au sens actuel du mot, est donc absent de la pratique politique du temps.

[37] Conférence donnée par Benjamin Constant au Cercle de l’Athénée.

[38] C’est le début de la monarchie de juillet, qui durera jusqu’en 1848.

[39] …ainsi que l’abolition de l’esclavage.

[40] Tout au long du XIXe siècle, des femmes luttent contre le statut de mineures qui leur est imposé par le Code civil de 1804, sans succès.

[41] En moins d'un an, la Deuxième République va être remplacée par le Second Empire, établi par le sénatus-consulte du 7 novembre 1852, confirmé par référendum (21-22 novembre). Napoléon III est proclamé empereur le 2 décembre 1852.

[42] Cf. Victor Hugo, contraint à l'exil.

[43] En 1857, il fut décidé de présenter comme candidats officiels tous les sortants, à l'exception de Montalembert dont l'esprit libéral s'accommodait mal avec l'autorité du régime. Il commenta : « L'Histoire dira, si elle prend la peine de s'en occuper, quelle fut l'infatigable complaisance et l'incommensurable abaissement de cette première Assemblée du Second Empire. L'étouffement de la parole le dispute à la prestesse du vote... Nul ne saura jamais ce que j'ai souffert dans cette cave sans air et sans jour, où j'ai passé six ans à lutter contre des reptiles.»

[44] Cette pratique avait été inaugurée par la Convention, qui avait soumis au vote la Constitution de l'an I (1793).

[45] C’est la naissance du droit de grève.

[46] Le gouvernement est composé des trois Jules (Favre, Ferry, et Simon), de Gambetta et quelques autres, notamment le général Trochu cumulant la présidence ainsi que les pleins pouvoirs militaires pour la défense nationale.

[47] À la veille de la Commune, Paris compte environ 2 millions d’habitants[47] et vient d’intégrer les anciens « villages », comme Montmartre, Belleville ou Montrouge (Paris compte 20 arrondissements depuis 1860). Les transformations urbaines initiées par Napoléon III et son préfet le baron Haussmann ont radicalement transformé la capitale, rejetant un grand nombre de foyers populaires vers les nouveaux arrondissements.

[48] En témoigne la pratique du mandat impératif, c’est-à-dire de la révocabilité des élus par les citoyens.

[49] Pour cet ouvrier bijoutier d’origine hongroise, « il ne faut pas oublier que la Révolution du 18 mars a été faite exclusivement par la classe ouvrière. Si nous ne faisons rien pour cette classe, nous qui avons pour principe l’Égalité sociale, je ne vois pas la raison d’être de la Commune. »

[50] C’est pourquoi la commission du travail propose des mesures modestes, mais concrètes, comme par exemple la prolongation du délai de remboursement des créances et du moratoire sur le paiement des loyers, ou la réquisition des appartements abandonnés par les propriétaires qui ont fui la capitale.

[51] L’irruption des femmes dans le mouvement social est une expression de la dynamique populaire de la Commune de 1871. Elles mènent une lutte pour l’émancipation et l’égalité, dans les assemblées, les clubs, dans la rue, et sur les barricades. Cf. Elisabeth Dmitrieff, Nathalie Le Mel, Louise Michel -doc.3 p.51. Une séance du Club des femmes + doc.4 p.51. Pas de révolution sans les femmes.

[52] Sous l’impulsion d’Édouard Vaillant, président de la Commission de l’Instruction publique, la Commune dressa une liste des établissements scolaires tenus encore par des congréganistes afin de les forcer à remplacer les prêtres par des instituteurs et institutrices laïques. Les principes fondamentaux étaient les suivants : « que l’instruction religieuse ou dogmatique soit laissée tout entière à l’initiative et à la direction libre des familles ; qu’on n’emploie exclusivement que la méthode expérimentale ou scientifique ; que l’instruction soit considérée comme un service public de premier ordre ; qu’en conséquence, elle soit gratuite et complète pour tous les enfants des deux sexes ; qu’elle soit obligatoire, en ce sens qu’elle devienne un droit à la portée de tout enfant, quelle que soit sa position sociale, et un devoir pour les parents ou pour la société ». Aussi, le délégué à l’enseignement, Édouard Vaillant, créa une commission chargée d’établir un modèle d’enseignement intégral, de culture générale et de formation, laïque et gratuit, incluant les arts et la culture pour tous, filles et garçons. C’est l’école de la République.

[53] Jules Grévy succède à Patrice de Mac Mahon en 1879.

[54] Jean Jaurès s'interroge par exemple sur les moyens de représenter et d'intégrer les ouvriers.

[55] C’est sous le premier Empire que sont établies des listes de notables, ces « masses de granit » sur lesquelles doit s’appuyer l’État ; la rupture alors accomplie est indissociable de formes de continuité dans l’avènement d’élites locales suppléant la noblesse. Celles-ci doivent devenir des relais d’opinion et d’influence du régime, des élites renouvelées issues du processus révolutionnaire et capables de porter les sociétés locales vers l’avenir.

[56] Cf. œuvres de bienfaisance, intercessions auprès des administrations pour satisfaire les requêtes de ses électeurs (nominations, décorations), participation à la vie économique locale (à travers par exemple la Société d’agriculture qu’il préside), gestion des réseaux de soutien politique (agents électoraux, élus locaux affidés, organes de presse alliés, etc.)

[57] « Émancipé du Grand et des prêtres », écrit par exemple Maurice Agulhon, « le paysan républicain se reconnaît de nouveaux guides dans la moyenne bourgeoisie républicaine de médecins, gens de loi, professeurs, négociants, petits industriels, qui évince les marquis et les maîtres de forges ».

[58] E. Phélippeau, « La fin des notables revisitée », in M. Offerlé, dir., La profession politique XIXe-XXe siècles, Paris, Belin, 1999,

[59] « C'est elle qui, en arrivant à la fortune, à la notoriété, à la capacité, à la compétence, augmente la richesse, les ressources, l'intelligence et le nerf de la patrie. Ce sont ces couches nouvelles qui forment la démocratie ; elles ont le droit de se choisir, de se donner le meilleur gouvernement, c'est-à-dire la forme de gouvernement la mieux appropriée à leur nature, à leurs tendances et à leurs intérêts. »

[60] D’après Christophe Charle, Histoire sociale de la France au XIXe siècle, Paris, Le Seuil, 1991

[61] « Check and balances »

[62] D’après Wanda MASTOR, « CONSTITUTION DES ÉTATS-UNIS (17 septembre 1787) », Encyclopædia Universalis [en ligne]. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/constitution-des-etats-unis-1787/

[63] Alexis de Tocqueville, issu d'une famille noble du Cotentin, est né à Paris en 1805. Son père est préfet sous la Restauration, puis nommé pair de France par Charles X. Malgré le conditionnement familial, Alexis de Tocqueville accepte en 1830 de prêter serment de fidélité au nouveau régime orléaniste. D'une mission aux États-Unis pour étudier les réformes de leur régime pénitentiaire (avril 1831-février 1832), il rapporte la matière d'un livre, De la démocratie en Amérique, dont la première partie, publiée en 1835, connaît un immense succès de librairie. Député en 1839, rallié en 1848 à la IIe République dont il devient un moment ministre des Affaires étrangères, il refuse le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte du 2 décembre 1851.

[64] « "De la démocratie en Amérique" d'Alexis de Tocqueville », de M. Winock, L’Histoire, décembre 2000.

[65] Attention néanmoins : L'analyse de Tocqueville néglige certains aspects inégalitaires de la démocratie américaine, comme :

  • l'esclavage et la discrimination raciale. Il faut attendre l'issue de la guerre de Sécession (1861-1865) pour que le Congrès adopte le 13e amendement qui abolit l'esclavage, puis les 14e et 15e amendements sur les droits des Afro-américains.
  • L’exclusion des Indiens de la démocratie américaine. Depuis la fin du XVIIIe siècle, l'expansion vers l'Ouest et la conquête de nouveaux territoires s'accompagnent de massacres et de déportations de ces populations que la cour suprême qualifie en 1831 de « nations domestiques dépendantes » à qui la citoyenneté est refusée.

[66] Il insiste sur l'action de la religion : tandis qu'en France les idées démocratiques et l'esprit de liberté progressent en général contre l'Église, aux États-Unis, dès le départ, « la politique et la religion se trouvèrent d'accord ». Le protestantisme, par sa diversité confessionnelle inspire les mœurs : d’après Tocqueville, la religion garantit chez les Américains la conscience morale, le devoir civique, l'intériorisation de la loi.

[67] Dans le cadre de la guerre froide, le containment (endiguement) vise à combattre la diffusion du communisme dans le monde.

[68] OEA : Organisation des États américains, créée en 1948 par la Conférence de Bogota.

[69] Ainsi, « l'Alliance pour le progrès » lancée par le président John F. Kennedy en 1961, prévoit une aide de 20 milliards de dollars sur dix ans

[70] 1 500 mercenaires anticastristes entraînés par la CIA échouent à reprendre l'île et à renverser Fidel Castro.

[71] Après l’épisode de la baie des Cochons, Cuba se rapproche de l’Union soviétique, qui tente d’installer des missiles nucléaires à Cuba… ce qui provoque une des principales « crises » de la guerre froide. Cette crise se solde par le retrait des installations soviétiques et l’engagement des États-Unis de ne pas renverser Castro, ainsi que par un embargo étatsunien sur l’île, qui continue de peser sur son développement économique.

[72] …pour une durée de 20 ans au Brésil, 12 ans en Uruguay, 20 ans en argentine (de 1962 à 1982, avec une interruption de 3 ans de 1973 à 1976).

[73] Santiago passe de 1,4 million d'habitants en 1952 à 2,8 millions en 1970, et rassemble près d'un tiers de la population du pays

[74] En plus du cuivre et autres minerais, le Chili exporte aussi des produits dérivés du bois, de la pêche, et commence à exporter des produits électroniques, chimiques et mécaniques.

[75] Cuivre extrait du sous-sol par des compagnies étrangères (la plupart étatsuniennes)

[76] Ainsi, de 1948 à 1958, le Parti communiste est interdit et ses dirigeants sont emprisonnés.

[77] Il faudra pour cela deux réformes électorales : la première, en 1952, avait rendu l'inscription sur les listes électorales et le vote obligatoires, multipliant par deux le nombre d'électeurs ; la seconde, en 1964, supprime la clause qui excluait les analphabètes du corps électoral.

[78] Ceux-ci sont majoritairement regroupés dans des zones d'habitat précaire, les poblaciones.

[79] C'est dans ce contexte que les États-Unis tentent de fomenter un putsch pour empêcher l'entrée en fonction d'Allende. Devant le refus du haut commandement militaire de se prêter à cette manœuvre, un petit groupe d'extrême-droite tente d'enlever le commandant en chef des forces armées, le général Schneider. L'opération tourne au fiasco (le général est blessé à mort) et donne plutôt un surcroît de légitimité à l'élection.

[80] Pour la première fois, la droite parvient à faire alliance avec les secteurs ouvriers contre l’UP.

[81] Un traumatisme crânien laisse António de Oliveira Salazar intellectuellement diminué. Après 36 ans passés au pouvoir, il est destitué par le président de la République, Américo Tomás.

[82] La modification des règles d’accès à la carrière d’officier et d’avancement (1973) est à l’origine du « mouvement des capitaines ».

[83] Droit de vote des femmes, droit au divorce pour les mariages catholiques, droit à la filiation pour les enfants nés hors mariage, allocation sociale de vieillesse…

[84] Salaire minimum, conventions collectives, droit de grève, liberté syndicale, congés payés, congé de maternité, allocations de chômage, réduction du temps de travail hebdomadaire.

[85] Pour le MFA, la refonte de la nation passe inévitablement par la décolonisation, la démocratisation et la modernisation des structures sociales et économiques. De son côté, le général Spínola prône le maintien de la nation pluricontinentale, sous la forme d’une fédération, et la mise en place d’un modèle politique qui exclurait le Parti communiste portugais et les partis d’extrême gauche et contrôlerait l’ouverture démocratique.

[86] Parti socialiste portugais (PS), Parti communiste portugais (PCP), Mouvement démocratique portugais - Commission démocratique électorale (MDP-CDE).

[87] Centre démocratique social (CDS).

[88] Parti populaire démocratique (PPD), également connu sous le nom d’« aile libérale ».

[89] Le général Spínola conspire activement avec la droite radicale exilée en Espagne.

[90] Il fut Premier ministre de quatre des six gouvernements provisoires, du 18 juillet 1974 à juillet 1975.

[91] Le PCP arrive en troisième position avec 12,5% des voix, loin derrière le PS 37,9% et le PPD, avec 26,4%.

[92] Banques, assurances, électricité, transports, sidérurgie, ciment…

[93] Alphonse XIII, chassé par l’adoption de la Seconde République espagnole en 1931.

[94] Suarez est l’ancien ministre-secrétaire du parti unique de Franco.

[95] Le Movimiento Nacional s'auto-dissout le 1er avril 1977, permettant la naissance du pluralisme politique.

[96] La résurgence des revendications autonomistes fragilise le pays. Le terrorisme basque, avec l'ETA, devient le principal problème de l'Espagne.

[97] NB : à ce niveau, ce sont les États qui sont représentés et qui constituent des institutions intergouvernementales.

[98] Elle ne permet pas au Parlement d'amender un texte mais lui donne un droit de veto dans 16 domaines tels que l'investiture de la Commission, l'adhésion à l'Union, la signature d'accords internationaux ou la coopération judiciaire en matière pénale.

[99] Elle est obligatoire dans une cinquantaine de domaines, qui permet au Parlement de donner un avis non contraignant.

[100] Si le Parlement approuve la position du Conseil ou s'abstient de statuer, le budget est adopté ; mais si le Parlement adopte des amendements, un comité de conciliation est chargé d'aboutir à un projet commun dans un délai de 21 jours. C'est en dernier ressort au Parlement de refuser ou d'approuver (à la majorité des membres et des 3/5e des suffrages exprimés) ce projet commun.

[101] Ce nombre passera à 705 après le départ du Royaume-Uni de l'Union européenne.

[102] NB : cet avantage décroît avec l’augmentation de la population. Les petits pays sont surreprésentés : le Luxembourg compte un député pour 76 000 habitants tandis que l’Allemagne a un député pour 860 000 habitants

[103] 79 après le Brexit

[104] À savoir : Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (gauche radicale) ; de l'Alliance progressiste des socialistes & démocrates au Parlement européen ; des Verts/Alliance libre européenne ; Renew Europe (anciennement ADLE, libéraux) ; du Parti populaire européen (démocrates-chrétiens) ; Conservateurs et réformistes européens (droite souverainiste) ; Groupe Identité et démocratie (anciennement ENL, extrême droite).

[105] On compte au total 20 commissions permanentes, composées de 25 à 73 députés : Affaires étrangères (Droits de l'homme et Sécurité et défense) - Développement - Commerce international - Budgets - Contrôle budgétaire - Affaires économiques et monétaires - Emploi et affaires sociales - Environnement, santé publique et sécurité alimentaire - Industrie, recherche et énergie - Marché intérieur et protection des consommateurs - Transports et tourisme - Développement régional - Agriculture et développement rural - Pêche - Culture et éducation - Affaires juridiques - Libertés civiles, Justice et affaires intérieures - Affaires constitutionnelles - Droits de la femme et égalité des genres - Pétitions.

[106] Les douze sessions plénières de l'année ont lieu à Strasbourg.

[107] La Commission veille en particulier à l'application des règles de concurrence (contrôle des aides d'État, amendes aux entreprises en infraction aux règles de concurrence).

[108] Après avoir remporté le vote des députés européens le 16 juillet 2019, l'Allemande Ursula von der Leyen occupera cette fonction ) partir du 1er novembre 2019.

[109] "Agriculture et pêche", "Compétitivité", "Justice et des affaires intérieures", "Emploi, politique sociale, santé et consommateurs", "Transports, télécommunications et énergie", "Environnement", "Affaires générales", "Affaires étrangères", "Affaires économiques et financières" et "Éducation, jeunesse et culture"

[110] La majorité qualifiée nécessite le soutien, selon les cas, soit d'au moins 55% des membres (au moins 16 États membres), soit d’au moins 72% (21 États) représentant au moins 65% de la population de l'Union. Certains domaines de décision (affaires étrangères, défense, fiscalité, protection sociale, citoyenneté, adhésion à l'UE...) sont soumis au vote à l'unanimité. Dans ce cas, un texte doit obtenir l'accord ou l'abstention de tous les États membres. La majorité simple (15 États membres sur 28) est quant à elle utilisée pour les votes non législatifs (questions de procédure, demandes d'études ou de propositions à la Commission).

[111] Dans le cadre de la procédure législative ordinaire, la Commission européenne traduit la volonté du Conseil européen en proposition(s) législatives, ensuite votée(s) par le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne.

[112] Cf. l'enquête Eurobaromètre -Vocabulaire p.91 de 2018 a révélé que seuls 42% des Européens avaient confiance dans les institutions européennes.

[113] Cf. notion de « démocratie illibérale » développée par le Hongrois Viktor Orban.

[114] 1957-1986 : de l’Europe des 6 à l’Europe des 12.

[115] Cf. à Messine en 1955, à La Haye en 1969, à Fontainebleau en 1984 ou à Saint-Malo puis à Helsinki en 1998-1999.

[116] Cf. Accord de Schengen, signé en 1984 et progressivement mis en place.

[117] Le Danemark, mais aussi la Suède et le Royaume-Uni refusent l’euro.

[118] Les Britanniques consentent à ce qu'il y ait une identité européenne de défense, dont ils ne voyaient pas l'intérêt jusqu'alors, faisant confiance aux seules vertus de l’OTAN. Les Français acceptent que cette identité européenne ait des rapports relativement étroits avec l'OTAN et son commandement intégré. L'Allemagne et les autres partenaires se rallient à ce processus en 1999.

[119] Président de la République française, 1974-1981.

[120] …prudence oblige, sauf en Irlande où il a fallu un second référendum après l’échec du premier. Certains citoyens européens considèrent ce traité comme anti-démocratique puisque la Constitution avait été rejetée.

[121] Cf. Jean Monnet, un des « pères de l’Europe ».

[122] Cf. l’épisode de la « chaise vide ».

[123] Cf. devise officielle de l’UE : « Unie dans la diversité ».

[124] Le 12 mai 2000, le ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, dans son discours à l’université Humboldt de Berlin, a déclaré vouloir en finir avec cette méthode et opérer un bond en avant institutionnel de caractère fédéral.

Joomla templates by a4joomla