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Sommaire
I. MISE EN PLACE ET ENRACINEMENT DE LA RÉPUBLIQUE
A. 1870-1875 : L’INSTAURATION DE LA RÉPUBLIQUE ET DE LA DÉMOCRATIE PARLEMENTAIRE
1. Achever la guerre, écarter la Révolution
2. La conquête du régime
B. LE PROJET D’UNIFICATION DE LA NATION AUTOUR DU PROJET RÉPUBLICAIN
1. L’affirmation des libertés fondamentales
2. Les valeurs de 1789 et les symboles
II. OBSTACLES ET LIMITES
A. LES OPPOSITIONS AU PROJET RÉPUBLICAIN
1. La crise boulangiste
2. La République menacée
3. Le combat de la laïcité
B. LES LIMITES DU PROJET RÉPUBLICAIN
1. Le combat des femmes pour l’existence civique
2. L’impossible question sociale et les impasses du colonialisme
Manuel p.164-193
Introduction
Problématique p.164 + Repères p.166-167- Les deux premiers régimes républicains se sont avérés incapables de s’inscrire dans la durée et ont chacun débouché sur des régimes impériaux autoritaires. Quand la IIIe République est proclamée à la faveur de la chute du Second Empire, le premier défi qui lui est lancé est celui de la pérennité.
Comment la IIIe République parvient-elle à regrouper les Français autour d’un projet politique commun, malgré les oppositions qu’elle rencontre ?
I. Mise en place et enracinement de la République
A. 1870-1875 : l’instauration de la République et de la démocratie parlementaire
1. Achever la guerre, écarter la Révolution
a. Un républicanisme de guerre
Au lendemain de la proclamation de la IIIe République, la question la plus urgente demeurait la situation de Paris. L’annonce de la proclamation de la République y avait suscité une vague d'espoir. Se projetant pour certains dans le souvenir de la « levée en masse » des temps révolutionnaires, nombreux furent ceux qui répondirent aux appels de Gambetta[1] -Biographie p.168 en s’enrôlant dans la Garde nationale.
Le 19 septembre 1870, Paris était encerclée. Le siège de la capitale allait durer jusqu'au 26 janvier 1871[2]. Les 19 et 20 septembre 1870, Bismarck posait ses conditions : la cession de l'Alsace avec Strasbourg et d'une partie de la Lorraine avec Metz, ainsi que le versement d'une lourde indemnité de guerre. Ses demandes furent rejetées, et les négociations rompues.
Le siège de Paris se fit plus intense -Le saviez-vous ? p.169. Une partie du gouvernement, réfugiée à Tours[3], parvint à réquisitionner des usines, à faire venir d'Algérie des contingents militaires et à mobiliser une première armée de 80 000 hommes[4]. Léon Gambetta obtint alors de ses collègues l'autorisation de quitter la capitale pour prendre la direction de la Délégation de Tours[5]. Ce qu’il fit le 7 octobre 1870, depuis les hauteurs de Montmartre, en ballon[6]. Traversant les lignes ennemies, le ballon échappa au feu prussien et à la poursuite des uhlans. Le 9 octobre, Gambetta atteignait Tours, où il fut nommé ministre de la guerre. Il effectua alors de nombreux voyages dans les villes de France, à la fois pour affirmer l'autorité du gouvernement central et faire entendre la voix d'une France combattante, et s'adressa aux départements par ses dépêches et proclamations reproduites par le Bulletin officiel de la République française[7].
Gambetta réussit en quelques semaines à doter la République d'armées, à les rassembler, et à les faire commander. Au même moment, fin octobre 1870, l’annonce de la chute de Metz provoqua dans la capitale l’agitation d’une extrême gauche très active contre le commandement militaire accusé au contraire de ne pas vouloir se battre contre l'ennemi. Quand Orléans fut reprise, le 9 novembre, Gambetta proclama aussitôt : « C'est le premier rayon d'espérance. » En réalité, la situation se dégradait, malgré la défense victorieuse de Belfort par les gouverneurs Denfert-Rochereau et Rolland. La faiblesse de cette armée de civils apparaissait cruellement devant la puissance d'une armée professionnelle. Les critiques commencèrent alors à s'abattre sur Gambetta, et le choc de la défaite entraînait la République dans le camp de l'ordre et de la restauration monarchique, mené par Adolphe Thiers -Biographie p.168.
b. La République conservatrice et la paix
Les élections générales eurent finalement lieu le 8 février 1871. Face à un camp républicain divisé entre, d'une part, les partisans de Gambetta et les radicaux favorables à la poursuite de la guerre et, de l'autre, les modérés résignés à la paix, les conservateurs -Vocabulaire p.169 s’organisèrent efficacement et constituèrent des listes d’union entre la bourgeoisie libérale proche de Thiers et les monarchistes, promettant la paix et la préservation des libertés, sans se prononcer sur la forme qu’ils entendaient donner au régime.
La victoire des conservateurs fut très large, traduisant un mouvement de la population vers ses élites traditionnelles, notamment l'aristocratie foncière[8]. Le 17 février, l'Assemblée plaçait Adolphe Thiers à la tête de l’Exécutif[9]. Son hostilité constante à la guerre, son âge vénérable (74 ans), son engagement pour les libertés et sa défense de l'ordre avaient fait de lui un véritable « recours ». Persistant dans sa volonté de ne pas « poser les théories de gouvernement », Adolphe Thiers fit de la paix son premier objectif[10]. Il signa le 26 février les préliminaires de paix que l'Assemblée ratifia aussitôt, en dépit de la solennelle protestation des députés de l'Est.
La convention signée avec la Prusse prévoyait l'annexion de l'Alsace et de la Moselle (article 1er), ainsi qu'une indemnité de 5 milliards de francs-or (article 2). Plusieurs députés de Paris, dont Victor Hugo, dénoncèrent des conditions « honteuses et inacceptables ». À la suite du vote, les 30 députés du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle- dont Gambetta[11] et Denfert-Rochereau- remirent leur démission et quittèrent la séance en formulant une protestation des « représentants de l'Alsace et de la Lorraine ».
Dans la foulée, l’Assemblée entreprit de réduire le bastion parisien des républicains, en fixant son siège et celui du gouvernement à Versailles[12]. Par ailleurs, l'acceptation par Thiers et l'Assemblée de la demande allemande d'occuper temporairement la capitale et de défiler sur les Champs-Élysées fut mal vécue par les Parisiens après six mois de siège. L’Assemblée apparaissait de plus en plus hostile au patriotisme de la capitale et au républicanisme qu'elle pouvait incarner. On assite à Paris à une politisation du refus de l'armistice, assimilé à une trahison de la résistance face aux Prussiens[13].
À chaque décision de l'Assemblée, des Parisiens en nombre croissant protestaient et s'organisaient. Des pouvoirs se constituaient, dont la Fédération des bataillons de la Garde nationale qui proclama le 24 février 1871, qu'elle « ne reconnaît pas d'autres chefs que ceux qu'elle se donnera ».
c. La Commune de Paris
Le 15 mars 1871, le Comité central définitif de la Fédération fut élu. Pour une majorité de Communards -Vocabulaire p.169, la Commune ressemblait à la réalisation de l'idée de République telle qu'elle avait grandi durant tout le XIXe siècle, la République démocratique et sociale, égalitaire et fraternelle[14].
La journée du 18 mars 1871 s'inscrit dans un contexte d'affrontements de plus en plus graves entre la capitale et l'Assemblée. L'objectif du gouverneur de Paris, le général Vinoy, était de confisquer l'artillerie de la Garde nationale[15]. Adolphe Thiers ordonna à l'armée de s'emparer de tous les dépôts d'artillerie, dont le plus important se trouvait alors à Montmartre. Mais lorsque l'alarme fut donnée, Gardes nationaux et habitants du quartier s'opposèrent au 88e de ligne… qui fraternisa. Les canons déjà évacués par la troupe furent ramenés triomphalement au sommet de la butte, et les deux généraux qui avaient commandé l'opération furent exécutés. Au soir du 18 mars, Thiers choisit d'abandonner la capitale à l’insurrection populaire. La rupture était définitive entre deux camps qui se pensaient désormais comme des ennemis irréductibles et mortels[16].
Le Comité central de la Garde nationale s’installa aussitôt au centre-ville. Initialement légaliste et modéré, ce nouveau pouvoir ne se radicalisa que sous l'effet conjugué de plusieurs causes :
- La pression des révolutionnaires.
- L’attitude de l'Assemblée qui depuis Versailles repoussa toute possibilité de négociation.
Après les élections au « conseil communal de la Ville de Paris », le 26 mars 1871[17], la « Commune » put être alors officiellement déclarée. Le nom fut adopté par acclamation, puis proclamé depuis le balcon de l'Hôtel de Ville. 200 000 personnes attendaient devant le bâtiment orné d'un immense drapeau rouge.
La Commune de Paris dura soixante jours avant son écrasement total par les troupes versaillaises. Son bilan apparaît important, en termes de réalisations concrètes mais aussi de propositions politiques. Dès le 29 mars, neuf commissions furent constituées, avec des attributions ministérielles : Services publics, Guerre, Finances, Justice, Enseignement, Travail et échanges, Subsistances, Relations extérieures, Sûreté générale. Des mesures de circonstances furent rapidement décidées, comme le moratoire des échéances détenues par les petits commerçants, la liquidation des termes encore dus par les locataires, la réforme du Mont-de-Piété, l'interdiction des amendes et des retenues sur les salaires et traitements, l’abolition du travail de nuit, etc. Un versant anticlérical -Anticléricalisme : vocabulaire p.169 fut développé avec la suppression du budget des cultes et la nationalisation des biens religieux. L'abolition de la conscription et des armées permanentes fut également proclamée. Enfin, l'adoption du drapeau rouge en remplacement du drapeau tricolore marquait la volonté d'affirmer une idéologie révolutionnaire et de rompre avec le pouvoir versaillais[18]. Concernant les projets de réorganisation de la société et de l'État, les ambitions étaient élevées. Le temps manqua à la Commune pour les réaliser. Elles témoignaient cependant d'une forme d'idéal démocratique du mouvement : la justice serait gratuite et rendue par des jurys élus, l'enseignement deviendrait lui aussi gratuit, laïc et obligatoire, il intégrerait les jeunes filles et développerait les filières professionnelles.
La rapidité du mouvement communard, sa détermination, son organisation surprirent le gouvernement, Thiers en tête. Sa contagion à Lyon (22 mars), Toulouse et Marseille (23 mars), Saint-Étienne et Narbonne (24 mars), Le Creusot (26 mars) constituait une autre source de profonde inquiétude. Dans les jours qui suivirent l'insurrection du 18 mars, l'avantage paraissait être du côté des Fédérés, qui avaient les moyens de réussir des percées décisives. Mais après l’échec d’une offensive fédérée sur Versailles le 2 avril 1871, Thiers décida de mobiliser l’armée, qui attaqua le 11 avril les forts qui protégeaient la capitale.
Un Comité de salut public fut institué le 1er mai. Le 19 mai, un premier groupe de 80 otages fut exécuté. La marche de la terreur était enclenchée. Le 21 mai, une poterne de la porte de Saint-Cloud non gardée fut ouverte aux Versaillais qui s'engouffrèrent dans la brèche. Les combats durèrent jusqu'au début de l'après-midi du 28 mai : c’est la « Semaine sanglante ».
La Commune disposait en théorie de 200 000 Gardes nationaux armés, dont 60 000 étaient réellement en capacité de combattre. Le 22 mai, alors que les troupes versaillaises -Versaillais : vocabulaire p.169, fortes de 130 000 hommes placés sous le commandement de MacMahon, progressaient rapidement dans les quartiers ouest et sud, des barricades couvrirent alors les quartiers centraux, le Nord et l'Est de la capitale. De leur côté, les Versaillais usèrent de toute la puissance de feu de leur artillerie et employèrent des méthodes de terreur absolue contre les fédérés. Dès l'entrée dans Paris, les exécutions massives de prisonniers et de suspects débutèrent.
Les fédérés se concentrèrent dans leurs derniers bastions du nord-est, résignés pour la plupart à mourir les armes à la main[19]. Le 27 mai, la bataille se déroula au milieu des tombes du Père-Lachaise. Paris était en feu. Le 28 mai, la dernière barricade tomba, rue Oberkampf. Au même moment, 150 fédérés étaient fusillés contre le mur d'enceinte du Père-Lachaise. Le martyrologe des Communards, héroïques jusqu'à la mort, contribua à forger leur légende[20] -PDP#15 p.174-175. Louise Michel pendant la Commune de Paris.
La répression judiciaire succéda à la répression militaire. 24 conseils de guerre jugèrent 36 000 individus arrêtés, dont 819 femmes et 538 enfants. Plus de 10 000 furent condamnés, une moitié à des peines de prison, 93 à la mort, 251 aux travaux forcés et 4586 à la déportation en Nouvelle-Calédonie, à l’instar de Louise Michel. Des recours en grâce furent introduits par les condamnés, 2 600 d'entre eux (sur 6 500 demandes) virent leurs peines réduites ou annulées. Plusieurs milliers de Communards durent également s'exiler.
2. La conquête du régime
a. La République de Thiers
Après la ratification du traité de paix avec la Prusse par l’Assemblée (12 mai), Adolphe Thiers s'employa à payer le plus rapidement possible l'indemnité de guerre, de manière à obtenir la libération du territoire.
La libération du territoire avait aussi pour finalité de lancer la réorganisation et la modernisation du pays. La loi municipale d'avril 1871 avait rétabli une forte centralisation[21], pour éliminer les risques de municipalisation qui avaient conduit au mouvement de la Commune. Adolphe Thiers le dit à l'Assemblée, à l'ouverture de sa session d'automne, dans son message du 13 novembre 1872 : « La République existe, elle est le gouvernement légal du pays » ; à quoi il ajouta aussitôt : « la République sera conservatrice, ou ne sera pas » : les convictions de Thiers, initialement orléanistes, avaient évolué vers une forme libérale et modérée de républicanisme. En outre, la droite royaliste n’était pas seulement divisée entre des légitimistes ultras (fidèles à Henri V), des légitimistes libéraux (se réclamant de la monarchie parlementaire et du drapeau tricolore), des orléanistes et des bonapartistes ; elle était aussi incapable de s'accorder sur le nom du futur souverain et sur une forme de gouvernement[22].
Le texte qui fut adopté le 31 août 1871 ressemblait à une Constitution : le titre de président de la République était conféré au chef du pouvoir exécutif, sous l'autorité de l'Assemblée (article 1) ; il avait le pouvoir de nommer et de révoquer les ministres, également responsables devant l'Assemblée (article 2) -tout comme le président de la République (article 3).
Cependant, les républicains se renforçaient de scrutin partiel en scrutin partiel. Le 26 septembre 1872, Gambetta prononça à Grenoble un discours qui allait faire date, dans lequel il annonçait l'avènement des « couches nouvelles » et le soutien qu'elles allaient apporter à la République à venir[23]. Les progrès des républicains ne cessaient d'alarmer les monarchistes. Ils finirent par en rendre responsable Thiers lui-même.
b. L’échec de l’ordre moral et la forme républicaine du régime
Emmenés par le duc de Broglie, les monarchistes finir par obtenir la démission d’Adolphe Thiers, remplacé aussitôt comme président de la République par le maréchal de Mac-Mahon, ancien commandant de l'armée impériale. Le comte Patrice de Mac-Mahon, de tradition légitimiste, confia la responsabilité de l'exécutif au vice-président du Conseil, qui devint alors un véritable chef de gouvernement : le tombeur de Thiers, de Broglie, annonça aussitôt la mise en œuvre d'une politique dite d'« ordre moral ».
La politique d'« ordre moral » devait constituer une phase préparatoire au rétablissement de la monarchie. L’« Ordre moral » signifiait en premier lieu une politique ultra-religieuse, voyant dans l'Église un instrument du contrôle social[24].
Face à une opposition républicaine qui incarnait aux yeux du pays la voie démocratique, la majorité monarchiste s’engagea dans un combat contre les libertés. Les leaders républicains et leurs soutiens furent harcelés par le pouvoir. L'épuration frappa la haute administration de l'État, le corps diplomatique, les milieux universitaires. Les journaux républicains furent la cible d'interdictions. Afin de lutter contre le républicanisme municipal, le pouvoir de nommer les maires dans toutes les communes fut confié au chef de l’État et aux préfets, y compris en les choisissant en dehors du conseil municipal élu[25].
Même si Philippe d'Orléans, comte de Paris, avait reconnu Henri d'Artois, comte de Chambord, comme « représentant du principe monarchique de la France »[26], les désaccords persistants sur la forme future de la monarchie et sur le drapeau national empêchèrent tout accord entre légitimistes et orléanistes. Avant de céder la place de chef du gouvernement au général de Cissey, le duc de Broglie décida donc de prolonger les pouvoirs de Mac-Mahon, dans l’attente d’une possible restauration. La loi du 20 novembre 1873 déclarait : « le pouvoir exécutif est confié pour sept ans au maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta »[27].
c. L’évolution républicaine du régime. La Constitution de 1875
La volonté de Mac-Mahon de prolonger le provisoire en attendant la restauration toucha ses limites quand les orléanistes et les républicains modérés trouvèrent un accord sur des lois constitutionnelles -Vocabulaire p.169.
C’est le 30 janvier 1875 que le député républicain Henri Wallon parvint à faire adopter sa proposition ; « le président de la République est élu à la majorité des suffrages par le Sénat et la Chambre, réunis en Assemblée nationale ». La signification d'une telle réforme était capitale :
- la forme républicaine du régime était acquise, fondée une institution essentielle : le président de la République
- la souveraineté du Parlement était proclamée (le président de la République n'en serait que le mandataire)
- le bicamérisme était adopté.
Le 25 février 1875, la « loi relative à l'organisation des pouvoirs publics » était définitivement adoptée. Deux autres lois organiques, organisant l'élection des sénateurs (2 août 1875) et des députés (30 novembre) furent encore nécessaires pour parfaire un dispositif qui prit le nom de « Constitution de 1875 », et qui permit de définir le cadre de fonctionnement du régime, des institutions et de la vie politique pendant 65 ans[28].
En 1879, Mac-Mahon est obligé de démissionner, et les républicains, devenus majoritaires, élisent Jules Grévy à la présidence de la République. Une loi d’amnistie des communards est adoptée, et les deux Chambres quittent Versailles pour Paris.
B. Le projet d’unification de la nation autour du projet républicain
Attention néanmoins : l’absence de préambule fixant les principes fondamentaux des lois de la République allait obliger à élaborer de tels fondements, à partir des valeurs de liberté, de justice et de vérité. Quand en 1971 (!) les « principes fondamentaux des lois de la République » sont définis par les juges du Conseil constitutionnel, ils renvoient à un ensemble de droits et de libertés forgé essentiellement au début de la IIIe République à travers d'une part, l’adoption des grandes lois de libertés, d'autre part, la reconnaissance du caractère impératif de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.
1. L’affirmation des libertés fondamentales
La conquête du pouvoir par les républicains et leur arrivée au gouvernement s’accompagnent d'une empreinte tout à fait essentielle dont le sens démocratique est souvent négligé. L'adoption de libertés fondamentales soulignait la conviction de ces hommes nouveaux de gouvernement qui, en majorité, estimaient avec Montesquieu que le pouvoir devait arrêter le pouvoir. Les républicains avaient été, durant tout le XIXe siècle et à l'exception des quelques mois de 1848 et 1849, les victimes de l'arbitraire de l'État impérial, monarchique ou autoritaire. Leur victoire finale de 1879 leur permit de conférer au citoyen le pouvoir de se défendre contre l'État, d'exister comme individu libre. Le chemin fut long dans l'accession aux libertés démocratiques (qui demeurent fragiles et menacées), mais les grandes lois des années 1879-1884 constituèrent la base d'une Loi fondamentale à la française[29].
a. La liberté de la presse
Documents p.190. La liberté de la presse (1881)- La grande loi du 29 juillet 1881, attendue par tous les républicains, instaura un régime très libéral pour la presse. Le texte affirmait la liberté de l’imprimerie et de la librairie, la liberté de la presse, et les libertés d'affichage (sauf interdiction motivée) de colportage et de vente sur la voie publique. Les délits de presse étaient tranchés par la justice et la seule mesure préventive concernait le droit de réponse. Pour le rapporteur de la loi, Eugène Lisbonne, tout ce qui ressemblait au délit d'opinion devait être rejeté. Georges Clemenceau intervint lui aussi pour repousser la tentation de punir l’outrage. Certes, le pouvoir prenait le risque d'être attaqué, mais Clémenceau se fit le défenseur du principe libéral et se saisit même de la définition de la République : puisque la liberté était son fondement, il ne fallait pas craindre de la défendre et de l'étendre, seule manière de conduire le régime à la pleine démocratie.
b. La liberté de réunion
Par la loi du 30 juin 1881, les réunions publiques sans autorisation devenaient légales, sous réserve d'une déclaration préalable et de la constitution, en début de réunion, d'un bureau responsable. Cette réforme accrut considérablement la démocratisation de la politique et l'expérience de ses pratiques par la société. Corollaire de la liberté de réunion, la liberté d'association fut en revanche écartée par crainte de favoriser les congrégations religieuses. Une ébauche de liberté d'association fut toutefois accordée, par le biais de la loi de 1884 dite « loi Waldeck-Rousseau » (du nom du ministre de l'Intérieur qui en prit l'initiative) autorisant la formation de syndicats -Vocabulaire p.170 + Documents p.181. La liberté syndicale (1884) par branche professionnelle. Près de vingt années allaient encore être nécessaires pour que la liberté d'association soit pleinement reconnue. Elle impliquera, en 1901, de redéfinir le statut des congrégations religieuses.
c. La vie politique municipale
La loi du 4 mars 1882, revenant sur les dispositions de 1876 qui imposait dans de nombreux cas la nomination des maires par décret, établit une liberté municipale longtemps différée. Tous les conseils municipaux[30] purent désormais élire leurs maires. Avec la loi du 5 avril 1884 sur l'autonomie municipale (qui fixait l'élection des maires et des adjoints, leurs pouvoirs et attributions, la publicité des séances, etc.), une véritable vie politique commença à animer tout le pays, jusqu'aux échelons les plus modestes. Les campagnes françaises s'ouvrirent alors à des formes de sociabilité et à des responsabilités civiques inconnues jusque-là, qui contribuèrent à la démocratisation de la République.
d. D'autres lois « exemplaires »
En 1880, une loi accorda la liberté d'ouverture et de transfert des débits de boisson. L'autorisation administrative, qui avait été une arme de tous les régimes antérieurs pour combattre la propagande républicaine, fut supprimée et remplacée par une simple déclaration à la mairie. Cafés, brasseries et cabarets devinrent des lieux privilégiés de la vie publique et de l'expérience politique, surtout pour les hommes. Une autre loi établit la liberté de colportage, faisant du camelot et de la rue de nouveaux acteurs de la vie politique. La loi du 27 juillet 1884 instaura le divorce, sous certaines conditions : l'adultère était plus sévèrement sanctionné pour les femmes que pour les hommes, morale familiale oblige ! En 1905, le service militaire devient obligatoire et universel : les dispenses et le tirage au sort sont supprimés -Conscription : vocabulaire p.170. Les républicains se méfient de l'armée, notamment par crainte des coups d’État. Ils souhaitent l’encadrer fermement (par exemple, les militaires n’ont pas le droit de vote -Cf. « la grande muette ») et la réformer.
Mais ce sont les lois sur l’enseignement qui jouent un rôle fondamental dans la diffusion de la culture politique républicaine. L’égalité, républicaine en effet, c’est d’abord la possibilité pour chaque individu de se forger une culture et un discernement politique (voire de s’élever dans l’échelle sociale), d’où le rôle de l’éducation. Ministre de l’Instruction publique, Jules Ferry -Biographie p.170 met en place la gratuité de l’enseignement primaire dans les écoles publiques (1881), puis l’obligation de l’instruction primaire pour les enfants de 6 à 13 ans, y compris les filles[31].
Après les tensions consécutives à la politique d’« ordre moral », les républicains veulent réduire l’influence d’une Église catholique qui leur est majoritairement hostile. Pour garantir l’indépendance de la morale et de la science face aux religions, Jules Ferry impose en 1882 la neutralité religieuse, ou laïcité, dans l’enseignement scolaire public. Et en 1886, la loi Goblet confie cet enseignement à un personnel exclusivement laïque[32].
2. Les valeurs de 1789 et les symboles
a. L’instauration de la fête nationale
À l'appel de Gambetta et des radicaux, les républicains en effet avaient décidé de commémorer, plus encore que la journée révolutionnaire de la prise de la Bastille, la fête de la Fédération de 1790, place de la Concorde. Le lien de la République avec la Révolution était proclamé, mais celle-ci était identifiée à sa phase démocratique. La loi du 6 juillet 1880 faisait de la fête nationale une fête civique, populaire et laïque -Laïcité : vocabulaire p.170. Avec l'instauration du 14 juillet, c'en était fini de la fête du 15 août instaurée sous Napoléon Ier et remise à l'honneur par Louis-Napoléon Bonaparte après son coup d'État.
Le premier 14 juillet de l'histoire de la République se déroula de manière très officielle. Une importante revue militaire eut lieu à Longchamp, en présence du président de la République qui remit les drapeaux aux 400 colonels commandant les régiments, signe de l'union indissoluble entre l'armée, la patrie -Patriotisme : vocabulaire p.170, la République : la patrie et la nation sont bien au cœur de la culture politique républicaine[33]. Le soir, il donna au Palais-Bourbon une grande fête où se pressèrent des représentants de tous les corps de l'État ainsi que de très nombreux officiers de l'armée. Les peintres d'avant-garde, quant à eux, saisirent la passion populaire pour un événement qui amenait la société à la conscience d'elle-même. La fête du 14 juillet revêtait les significations de liberté et de fraternité qu'elle allait conserver jusqu'à nos jours.
Avec le retour de la Marseillaise comme hymne national (1879), ces deux décisions furent vécues par les opposants à la République comme des provocations. Elles prouvaient selon eux l'esprit de division du nouveau régime. Seule la Première Guerre mondiale et l'Union sacrée consacreront le caractère national et plus seulement républicain de ces emblèmes.
b. Un visage pour la République. L'avènement de Marianne
Tout un ensemble d'actes symboliques singuliers et localisés accompagne et démultiplie cette série de décisions. On baptise en grand nombre rues, places et avenues « de la République », en attendant d'honorer les héros bientôt disparus : Gambetta ou Victor Hugo. La coutume s'instaure d'orner les salles de mairie d'un buste de femme coiffée d'un bonnet phrygien -la République, dite « Marianne ». Vinrent ensuite les monuments à la République érigés sur les places du même nom, à Paris (en 1883) et en province, jusque dans les plus petites villes.
Paris était à la pointe du mouvement de statuomanie qui s'empara alors de la IIIe République. Voulu par les radicaux du conseil municipal, le monument à la gloire de la République fit l'objet d'un concours lancé en 1880. La monumentale statue en bronze des frères Morice, haute de trois mètres, fut installée place de la République, dans le Paris des barricades et des révolutions. Protégée par un lion majestueux et dominant des allégories de la devise Liberté, Égalité, Fraternité, elle incarnait une vision à la fois ardente et politique de l'idée républicaine. Le monument fut adopté par les Parisiens, y compris par ses groupes ouvriers les moins enclins a priori à reconnaître les réalisations d'une République bourgeoise en partie responsable de l'écrasement de la Commune : le matin de l'inauguration, le 14 juillet 1884, les chambres syndicales défilèrent devant la statue avec des drapeaux rouges, et un militant planta même le drapeau noir des anarchistes sur son socle. Le gouvernement n'avait pas souhaité toutefois assister à la cérémonie.
c. Victor Hugo au Panthéon
PDP#16 p.178-179. Les funérailles nationales de Victor Hugo[34]- Le 27 février 1881, le président de la République Jules Grévy en personne se rendit au 130 de l'avenue d'Eylau (rebaptisée avenue Victor-Hugo -Le saviez-vous ? p.178) pour lui offrir un vase de Sèvres pour ses 80 ans, et six cent mille Parisiens défilèrent sous ses fenêtres, à l'appel d'un comité présidé par Louis Blanc. Victor Hugo confondait en sa personne la République et le génie. Cette célébration incarnait le temps nouveau d'une République désormais victorieuse, et forte d'une histoire qui allait devenir une grammaire nationale. À sa mort le 22 mai 1885, la France républicaine entra en deuil ; et pas seulement la France des nouveaux pouvoirs et de l'aristocratie politique : le Paris populaire, celui des faubourgs et de la « zone », la France des instituteurs laïcs et des lecteurs des Misérables, jusqu'aux anciens Communards qui s'étaient souvenus que le dernier combat politique de Victor Hugo avait été pour leur réintégration dans la communauté nationale, tous donnèrent au disparu le visage de la République idéale, faite d'égalité, de dignité et de courage -doc.1 p.178. Un journal républicain annonce la mort de Victor Hugo.
Dès l'annonce de sa mort, une foule de badauds et d'attristés afflua vers l'avenue d'Eylau, tandis qu'à la Chambre des députés, le Panthéon (restitué en 1851 au culte catholique après sa vocation laïque retrouvée lors de la révolution de 1830) fut à nouveau désacralisé pour accueillir la dépouille de Victor Hugo. La droite catholique et royaliste riposta par une vive polémique -doc.4 p.179. Débat sur la laïcisation du Panthéon… + info p.179, mais la cause de la panthéonisation triompha et les aménagements nécessaires à la cérémonie débutèrent aussitôt.
Le dimanche 31 mai au matin, le cercueil partit du dernier domicile de l'écrivain pour être d'abord exposé sous l'Arc de Triomphe -doc.3 p.178. Le cercueil est exposé sous l’Arc de Triomphe. Après cette première station, le cercueil repartit le lendemain 1er juin vers le Panthéon, par les Champs-Élysées, la Concorde, le boulevard Saint-Germain, le boulevard Saint-Michel et enfin la rue Soufflot[35].
Huit heures de défilé, dix-neuf discours, une ferveur populaire jamais épuisée scandèrent ce jour très officiel -doc.2 p.178. Un évènement populaire. Les obsèques furent véritablement nationales dans le sens où elles furent vécues et revendiquées par une foule très nombreuse et très diverse, représentative d'une République politique autant que sociale. Ces obsèques furent « les plus grandioses du régime, et constituèrent un modèle pour celles qui suivirent. Le corps de Hugo fut [...] accompagné jusqu'au Panthéon par une foule immense, de près de deux millions de personnes. Le pays tout entier suivit le compte-rendu détaillé, dans les journaux, des préparatifs de la cérémonie et de son déroulement. […] Les funérailles furent considérées comme un triomphe pour le régime. »[36]
Doc.5 p.179. Arrivée du cortège au Panthéon- Le régime républicain affirmait là son choix d'honorer, et même de sacraliser, les vertus littéraires, scientifiques et artistiques des héros de la République. Cela impliquait de reconnaître aussi le plein exercice des libertés de pensée, de conscience et d'expression nécessaires à l'épanouissement du génie intellectuel. Ces libertés, qui ne pouvaient être réservées à une élite et qui devaient toucher l'ensemble de la société, allaient provoquer cependant la méfiance du pouvoir républicain et la crainte de la subversion. Toute la tension de la République imaginée se tenait là, dans cette crainte et dans ce devoir.
II. Obstacles et limites
A. Les oppositions au projet républicain
1. La crise boulangiste
Après les élections d’octobre 1885, la Chambre apparaissait incapable de faire émerger des majorités fortes. Les combinaisons parlementaires étaient nécessaires. Le 7 janvier 1886, Jules Grévy, qui avait été réélu président de la République par le Congrès, appela Charles de Freycinet à former un gouvernement d'union républicaine. Au nombre des ministres se trouvait le général Boulanger -Biographie p.172, dont la popularité ne cessait de croître.
Le mouvement boulangiste est né, sur fond de vives tensions avec l'Allemagne et d'une sévère crise économique, de la rencontre entre une série de mécontentements dirigés contre le régime parlementaire et d'un général devenu en quelques mois l'« homme providentiel » sauveur de la France menacée. Rendu très populaire par une intense propagande des partisans de la Revanche, il fut exclu du gouvernement en mai 1887 et devint le champion du patriotisme guerrier et du moralisme politique.
Quand le scandale du trafic de décorations organisé par le gendre de Jules Grévy éclata et conduisit à sa démission (1887)[37], les nationalistes -Nationalisme : vocabulaire p.172 se déchaînèrent contre la République parlementaire -Antiparlementarisme : vocabulaire p.172 et ses représentants. Le mouvement ayant pris une ampleur inquiétante, et le régime finit par réagir en mettant le « général Revanche » à la retraite d'office (1888). Mais fort des soutiens nationalistes et monarchistes et d’une propagande efficace, il accumulait les succès électoraux. La gravité de la situation politique et le risque latent de dictature avaient fini par réveiller le camp républicain, qui s'unit contre la menace commune. Ils n'hésitèrent pas non plus devant les moyens : le gouvernement ayant menacé le général Boulanger de la Haute Cour, pour « attentat contre la sûreté de l'État », celui-ci décida alors de s'exiler à Bruxelles, le 1er avril 1889. Les élections de septembre 1889 consacrèrent la victoire des républicains. Mais les conséquences de cette contestation profonde de la République restaient à tirer : le nationalisme, le bonapartisme, le socialisme et l'anarchisme -Vocabulaire p.172 allaient bientôt menacer le régime -jusqu'au tournant de l'affaire Dreyfus où la question démocratique sera finalement posée et assumée.
2. La République menacée
Si le succès de la journée des maires de France du 18 août 1889 à Paris ou bien l'accueil toujours chaleureux reçu par le président Sadi Carnot au cours des 70 voyages en province qu'il effectua durant son mandat, peuvent être interprétés comme l'expression d'une progression du sentiment républicain dans les campagnes et les petites villes françaises, il n'en demeura pas moins que la République et la forme qu'en donnaient les républicains au pouvoir demeuraient contestées et parfois même violemment attaqués par les extrêmes, qu'elles soient de gauche ou de droite.
a. La montée du nationalisme politique et l’affirmation d’une idéologie antisémite
Le boulangisme modifia en profondeur le nationalisme français. Jusque-là résolument républicains et majoritairement situés à gauche, les nationalistes glissèrent vers la droite à mesure qu'ils développaient une haine de la République, du moins dans sa version parlementaire et libérale, celle-là même qui avait résisté au mouvement boulangiste. D'un sentiment populaire partagé, il devint dans les années 1880 une véritable doctrine politique dressée contre la République qui laissa souvent les républicains sans défense. Le passage du nationalisme à l'antirépublicanisme fut clairement illustré par l'évolution de la Ligue des patriotes -Ligues : vocabulaire p.172. Fondée par des républicains pour honorer la nation, elle bascula dans l'antiparlementarisme et devint en dix ans une organisation militante prête au coup de force, voire au coup d'État.
Intimement lié à l'obsession nationale, puisant dans les registres historiques de la haine du « Juif », l'antisémitisme qui émerge dans les années 1880 profita des moyens de la culture de masse. Les peurs nationales, la crise économique, la détresse sociale, le rejet de la modernité, convergèrent progressivement vers la mise en cause d'un seul et unique responsable, « le Juif ». Celui-ci allait concentrer sur lui toutes les accusations rituelles de sans-patrie, de traître, de déicide, de capitaliste, etc. L'antisémitisme de plume grandit, servi par l'essor de la libraire et de la presse. Les pamphlets se multiplièrent chez des éditeurs de plus en plus nombreux, d'Albert Savine à Pierret et à Flammarion qui publia en 1886 La France juive, un essai de 1200 pages empreintes de haine fanatique. Sous-titré Essai d'histoire contemporaine, l'ouvrage affichait une véritable obsession du « Juif ». Pour se justifier, il écrasait le lecteur de chiffres et de références fantaisistes, sans s'encombrer du moindre respect des sources et de la vérité, tout en invoquant une « science des races » qui justifiait les notions de « race juive » et « d'inégalité des races ». Il n'hésitait pas à se proclamer « sociologue », pour mieux soutenir sa thèse de la domination de la France par le « péril juif ». Drumont se faisait le chantre de la « France aux Français » dressée, fière et conquérante, contre cette « France juive » fantasmée et obsessionnelle. Les huit années qui séparent La France juive de l'affaire Dreyfus furent ainsi le théâtre d'une exacerbation de l'antisémitisme et de sa mutation comme idéologie politique -Paragraphe B p.172-173. L’affaire Dreyfus, un combat idéologique + Documents p.184-185. L’affaire Dreyfus (1894-1906).
b. La renaissance du socialisme français
La répression qui suivit la Commune laissa le mouvement exsangue. Il fallut presque dix ans pour que le socialisme recommence à exister politiquement, tout en continuant de rester divisé et fragmenté. Jules Guesde fut à l'origine de la constitution du premier parti socialiste en France, de tendance marxiste et autoritaire. Avec l'aide de Karl Marx lui-même (qu'il rencontra à Londres en 1879), il rédigea un programme qui devint, au Congrès socialiste du Havre, la « Charte du Parti des travailleurs socialistes de France ». Il prit pour nom définitif « Parti ouvrier français ». Mais les scissions ne tardèrent pas à se multiplier[38].
Le risque de désintégration complète du socialisme naissant conduisit les députés socialistes de toutes tendances à se rassembler dans un groupe unique, l’« Union socialiste de la Chambre » (1893)[39]. Au sein de ce groupe, Jean Jaurès, élu radical républicain du Tarn et plus jeune député de France en 1885, se convertit au socialisme et prit une place prédominante dans le groupe[40]. Le socialisme jaurésien n'allait dès lors pas se séparer de la République, en devenant une force politique significative.
c. L’anarchisme
L'extrême-gauche se déployait aussi dans l'anarchisme -Vocabulaire p.172. Depuis 1879, le courant libertaire s'était séparé du mouvement socialiste. Cette doctrine de protestation contre l'ordre établi et la domination de l'État bourgeois avait été frappée, plus encore que le socialisme, par la répression de la Commune, une répression à la mesure de l'effroi qu'elle avait répandu parmi les groupes dirigeants de la société. Mais la fidélité intellectuelle et politique était l'une des caractéristiques des militants de cette cause, et l’évolution du climat politique avait relancé l'actualité de l'anarchisme. L’anarchisme français prit progressivement deux formes quasi-opposées :
- La première fut l'affirmation d'une pensée anarchiste dans les milieux politiques et artistiques d'avant-garde, par l'intermédiaire de revues ambitieuses.
- La seconde consista dans le développement d'une action anarchiste violente qui résultait moins de cette influence intellectuelle que de la révolte sauvage contre l'injustice sociale et le pouvoir d'État[41]. Le sacrifice des militants anarchistes et la violence de la répression ouvrière engendrèrent de nouveaux actes désespérés[42].
Dans le même temps, les autorités réagissaient avec une violence disproportionnée qui témoignait de leur peur et de leur désarroi. La peine de mort fut systématiquement appliquée aux condamnés et le président de la République refusa toute mesure de grâce ; c’est également à ce moment que le gouvernement vote les lois dites « scélérates », qui interdisent notamment la publication de journaux anarchistes…
3. Le combat de la laïcité
La constitution, sous la direction de Waldeck-Rousseau, du gouvernement de gauche dit de « Défense républicaine » intervint en 1899 dans un contexte de crise dominé par les nationalistes[43]. C’est sous ce gouvernement que Dreyfus bénéficiera de la grâce présidentielle de Paul Deschanel (avant d’être finalement réhabilité en 1906). En plus de la lutte contre le nationalisme antirépublicain, La laïcité fut le second volet de cette politique.
L'établissement d'un pouvoir civil indépendant de la sphère religieuse (puisque l'Église avait été historiquement au fondement de la monarchie) découlait d'un processus de sécularisation entamé dès l'époque moderne, posé par la Révolution française et renforcé tout au long du XIXe siècle. Mais la nécessité de détacher le système constitutionnel, les institutions politiques et l'État administratif de la religion se voulait aussi une réponse républicaine à la propagande anti dreyfusarde des congrégations -Vocabulaire p.172 religieuses et l'engagement soutenu de parlementaires catholiques contre la justice due à Dreyfus.
La menace que faisait peser l'antidreyfusisme religieux sur les libertés publiques et la paix sociale exigeait, pour les républicains arrivés au pouvoir en juin 1899, une réponse ferme et des réformes nécessaires. Révélé par l'affaire Dreyfus, le cléricalisme, c'est-à-dire la revendication par l'Église catholique d'un engagement sur le terrain social et politique, menaçait l'ordre républicain et l'autorité civile. La loi de 1901 sur les associations prévoyait que les congrégations religieuses seraient soumises à autorisation. Avec leur richesse démesurée[44] et leur emprise sur l'éducation, Waldeck-Rousseau les considérait comme menaçantes, « nuisibles à l'État », dangereuses pour la jeunesse.
La politique anticléricale dans laquelle s'était engagé Waldeck-Rousseau se heurta à l'opposition de toute l'Église et suscita un intense débat entre les partisans de la tolérance et ceux qui voulaient que la loi s'applique avec toute la sévérité possible. Ce débat domina les élections législatives de 1902, dont les partisans du radical Émile Combe sortirent vainqueurs. Sous son autorité, l’application de la loi allait dès lors se révéler bien plus rigoureuse que dans les intentions initiales. Combes décida d'une application rigoureuse de la loi de 1901, qui aboutit à la dissolution des congrégations, l’armée étant mobilisée pour déloger les religieux récalcitrants. C’est dans un climat de haute tension qu’au total 10 000 établissements congréganistes durent fermer. Une loi supprimant tout enseignement congréganiste fut définitivement adoptée le 7 juillet 1904. La brutalité du style gouvernemental d'Émile Combes finit par indisposer certains de ses soutiens politiques, et fut remplacé par Maurice Rouvier en 1905.
C’est au gouvernement dirigé par Maurice Rouvier qu’incomba la responsabilité d’établir la loi sur la séparation des Églises et de l’État, finalement votée le 9 décembre 1905 après des débats passionnés à l’Assemblée -doc.1 p.186. Les républicains débattent de la loi, sous la direction d’Aristide Briand -PDP#17 p.186-187. La loi de 1905, débats et mise en œuvre. Ce texte, qui rompt avec un siècle de Concordat, est bel et bien une loi de compromis -doc.2 p.186. La loi de séparation…, même si son adoption débouche sur « la crise des inventaires » -doc.5 p.187. Le refus des inventaires. De fait, l'œuvre laïque de ce début de nouveau siècle devint un emblème puissant de la République et de son incarnation pour bon nombre des Français qui se reconnurent en elle, ou qui la combattirent pour cette raison précise[45].
B. Les limites du projet républicain
1. Le combat des femmes pour l’existence civique
La « société des citoyens » demeurait sérieusement amputée par l'injustice qui consistait à en écarter plus de la moitié de la population. Les femmes n'ont alors pas d'existence civique[46].
Les femmes de la IIIe République subissent un statut civil réduit. La Révolution française, si elle avait refusé l'avènement de la femme civique, avait néanmoins reconnu l'existence d'une femme civile qui pouvait hériter, contracter, se marier librement, divorcer. Mais le Code Napoléon avait imposé des restrictions nombreuses. En vertu de ses dispositions, c’est surtout le mariage qui fait la différence : si la célibataire disposant de droits égaux, la femme mariée est une mineure, soumise à son mari jusque dans le secret de la correspondance. Si elle travaille, elle ne perçoit même pas son salaire[47]. L'engagement pour l'égalité des sexes et la promotion des femmes se saisit donc de la question du travail, contre les conditions extrêmes faites aux femmes ouvrières, et pour un accès des femmes aux carrières « nobles » comme les professions libérales ou les fonctions scientifiques. Quelques succès jalonnèrent ce chemin vers l'égalité professionnelle[48], mais ils prenaient davantage valeur de symbole que de progrès généraux.
Elles ne faisaient pas oublier non plus la lutte plus politique d'accession à la pleine citoyenneté -doc.1 p.182. Hubertine Auclert revendique le droit de vote et d’éligibilité pour les femmes[49]. Formulée dès les années 1880 par des femmes combattantes comme Louise Michel, la revendication du droit de vote fut la première des demandes citoyennes. Un mouvement suffragiste -Suffragettes : vocabulaire p.182 + doc.2 p.182. Les manifestations de suffragettes se développa grâce à des intellectuelles de premier plan comme Hubertine Auclert -Biographie p.182, Marguerite Durand ou Madeleine Pelletier. L'Union française pour le suffrage des femmes (U.F.S.F.), fondée en 1909, fut présidée par Cécile Brunschvicg –qui deviendra, en juin 1936, la première femme ministre dans l'histoire. Toutefois, le rempart des institutions et de l'opinion interdit de véritables avancées -Passé/Présent p.182-183.
2. L’impossible question sociale et les impasses du colonialisme
Voir chapitres 2 et 3 du thème 3
Conclusion
Révisions p.188-189
Sujets Bac p.190-193
[1] « Nous ne sommes pas le gouvernement d'un parti, nous sommes le gouvernement de la Défense nationale. Nous n'avons qu'un but, une volonté : le salut de la patrie par l'armée et par la nation groupées autour du glorieux symbole qui fit reculer l'Europe il y a quatre-vingts ans. » (L. Gambetta)
[2] …et reprendre presque aussitôt, le 28 mars suivant, après la proclamation de la Commune
[3] La « Délégation de Tours ».
[4] Mal formés, peu disciplinés, ils avaient été rejoints par de nombreux volontaires, paysans vendéens et bretons emmenés par le chouan Henri de Cathelineau, Italiens conduits par le célèbre Garibaldi qui était sorti pour l'occasion de sa retraite.
[5] « M. Gambetta a pour instructions de faire connaître et exécuter les volontés du gouvernement. Il s'attachera à maintenir l'unité d'action indispensable au succès. Il délibérera avec ses collègues et, en cas de partage, aura voix prépondérante. De concert avec eux, il fera exécuter le décret par lequel les élections à la Constituante sont ajournées jusqu'au moment où les circonstances de guerre permettront de consulter le pays. Comme ministre de l'Intérieur, il est revêtu des pleins pouvoirs pour le recrutement, la réunion et l'armement de toutes les forces nationales qu'il conviendrait d'appeler à la défense du pays. En ce qui touche l'organisation de l'action militaire, les résolutions prises par la Délégation seront exécutées par les ministres de la Guerre et de la Marine. »
[6] À lire en détail sur le site Retronews. La scène des adieux fut solennelle, à la hauteur des espoirs mis dans la mission du jeune républicain de 32 ans et des risques qu'il prenait en effectuant cette sortie. Louis Blanc donna l'accolade aux voyageurs. Le photographe Nadar immortalisa la scène. La postérité retint Ia phrase qu'il dit à Jules Favre : « Je reviendrai avec une armée et, si j'ai la gloire de délivrer Paris, je ne demanderai plus rien à la destinée. » Lorsque le ballon, suivi d'un second, le George-Sand, s'éleva dans les airs, « une immense clameur » retentit : « Vive la République ! Vive Gambetta ! ».
[7] Cf. « Levons-nous en masse et mourons plutôt que de subir la honte du démembrement. Si la France a une armée qui sait mourir, elle est sauvée. »
[8] Un tiers des élus, soit 225 députés, appartenaient à la noblesse, la plus forte proportion jamais enregistrée dans l'histoire de France.
[9] « L'Assemblée nationale, dépositaire de l'autorité souveraine, considérant qu'il importe, avant qu'il soit statué sur les institutions de la France, de pourvoir immédiatement aux nécessités du gouvernement et à la conduite des négociations décrète : M. Thiers est nommé chef du pouvoir exécutif de la République française. Il exercera ses fonctions sous l'autorité de l'Assemblée nationale, avec le concours des ministres qu'il aura choisis et qu'il présidera. » Il s'agissait surtout pour le chef du pouvoir exécutif de ne pas choisir, de ne pas trancher entre les deux options (République ou monarchie), conservant l'ambiguïté sur la forme du régime. La décision quant à la forme du régime était renvoyée à un vague futur, « lorsque le pays sera réorganisé ».
[10] « Pacifier, réorganiser, relever le crédit, ranimer le travail, voilà la seule politique possible et même concevable en ce moment ».
[11] Gambetta se justifia dans le discours qu'il adressa lors des obsèques du député-maire de Strasbourg, Küss, saisi par la mort le soir même de ce 1er mars tragique.
[12] …ignorant en cela l'avertissement dramatique lancé à la tribune par Louis Blanc : « Croire que Paris restera sans un battement de cœur devant une telle atteinte portée à sa dignité politique, c'est une erreur tellement funeste que je frémis rien que d'y penser. [...] ce serait achever par des mains françaises ce démembrement de notre France bien-aimée, que des mains ennemies ont commencé, et faire sortir peut-être des cendres de l'horrible guerre étrangère qui finit à peine, une guerre civile) plus horrible encore. »
[13] Place de la Bastille, des attroupements avaient crié : « Vive la République universelle ! », « Vive la Commune ! ».
[14] Cf. William Serman, historien de la Commune : « Que demandaient-ils au fond ? La République et la victoire sur l'envahisseur, du pain et un toit pour tous, la justice et la solidarité sociales, la reconnaissance de leurs droits et de leur dignité, et, couronnant le tout, la liberté. »
[15] Les 227 canons financés par les Parisiens par souscription étaient répartis entre différents sites, en particulier à Belleville et sur la colline de Montmartre, sous la surveillance des gardes nationaux.
[16] Recevant une délégation à l'Hôtel de Ville, Jules Favre avait rompu les négociations en déclarant : « On ne discute pas, on ne parlemente pas avec l'émeute, on ne traite pas avec les assassins »
[17] Les résultats des élections se caractérisèrent d'abord par une très forte abstention (229 000 votants sur 485 000 inscrits), et l’expression d’une défiance vis-à-vis de l’évolution révolutionnaire du mouvement.
[18] Celui-ci fut effrayé par de telles audaces, dont la peur s'ancra profondément dans la République. Jusqu’en 1899, même la simple exposition publique d'un drapeau rouge sera totalement interdite.
[19] La présence des troupes prussiennes au-delà des fortifications empêchait toute perspective de fuite.
[20] Avec moins de 900 morts, les pertes de l'armée versaillaise furent très légères comparées à celles de la Commune. Les arrestations et les exécutions furent massives. Longtemps estimées à près de 20 000, leur nombre a été ramené à 10 000, ce qui suffit à faire des massacres de la « Semaine sanglante », « une boucherie sans équivalent dans l'Europe du XIXe siècle », hors périodes de guerres.
[21] Le gouvernement se voyait confier le pouvoir de nomination des maires des chefs-lieux d'arrondissements et de départements, ainsi que des villes de plus de 20 000 habitants.
[22] Intransigeant, le comte de Chambord conservait comme idéal la monarchie de « droit divin »…
[23] F. Furet : « En face des grands notables toujours si imbus de leur naissance, comme s'ils étaient toujours des nobles et que la Révolution n'avait pas eu lieu, la République de Gambetta est une méritocratie de talents. Elle réussit enfin à parler ensemble les deux langages qu'attend le pays, ou à réconcilier ses deux aspirations les plus profondes : la passion de l'égalité et la peur des révolutions ».
[24] Cf. déclaration d’utilité publique de la souscription pour la construction de la basilique du Sacré-Cœur en vue d’« effacer les crimes de la Commune »
[25] L’« Ordre moral » se caractérisa aussi par la surveillance des établissements de boisson, l'interdiction des enterrements civils, la création d'aumôniers militaires dans l'armée. Enfin, la répression s'attaqua aux symboles : dans le « Midi rouge », des Mariannes et des bustes de la République furent retirés des mairies.
[26] Ce dernier serait donc le prochain souverain, dans l'hypothèse d'une restauration. Mais comme il n'avait pas d'enfants, le trône reviendrait à un Orléans après sa mort.
[27] L'adoption du septennat donnait au chef de l'État au mandat d'une durée supérieure à celle de l'Assemblée.
[28] Elle fut la plus longue constitution jamais en vigueur en France, le plus long régime jamais établi depuis 1789.
[29] Celui que défendra la Résistance dans les années 40 lorsque la nation sera menacée de se dissoudre dans la Collaboration.
[30] À l'exception notable de Paris, exclue du champ de la loi en raison de la Commune de 1871 -Le saviez-vous ? p.169.
[31] La loi Camille Sée de 1880 avait déjà créé des « lycées de jeunes filles », comme le fut à l’origine notre Lycée A. Calmette.
[32] Toutefois, afin de permettre aux enfants de suivre une instruction religieuse, Jules Ferry leur accorde un jour libre par semaine en plus du dimanche (loi du 28 mars 1882).
[33] Léon Gambetta, qui assistait à la cérémonie en tant que président de la Chambre, écrivit à sa maîtresse Léonie Léon des phrases chargé d'un grand lyrisme : « J'ai senti remuer au fond de mon âme mes plus ambitieuses et mes plus sacrées espérances, et les grands desseins dont je ne puis m'abstraire aussitôt que je suis en présence de nos jeunes régiments. Je suis revenu de là le cœur gonflé des plus fortifiantes pensées... »
[34] A lire pour approfondir : le dossier proposé par le site Rétronews.
[35] Un parcours très bourgeois, ignorant les quartiers populaires, déplora-t-on dans les rangs de l’extrême gauche.
[36] Avner Ben Amos, Dictionnaire critique de la République.
[37] Sadi Carnot lui succède alors à la présidence de la République.
[38] Partisans d’Auguste Blanqui, hostiles au marxisme, « possibilistes » groupés autour de Paul Brousse, Parti ouvrier socialiste révolutionnaire créé en 1890, socialistes « indépendants »…
[39] Cette dynamique était l'une des conséquences de la crise boulangiste.
[40] Fondateur du journal L’Humanité en 1904, il s’engagea pour la paix à l’approche de la Première Guerre mondiale, et le paya de sa vie.
[41] Arrêté le 30 mars 1892 après quatre attentats à la dynamite, Ravachol fut condamné à mort et guillotiné le 11 juillet de la même année et devint un martyre de la cause anarchiste, qui suscita de nombreuses vocations. Le 9 décembre 1893, une bombe lancée par Auguste Vaillant explosait dans l'enceinte même de la Chambre des députés. Vaillant fut guillotiné le 7 février 1894. L'étudiant Émile Henry, fils d'un Communard, décida à son tour de venger sa mort. Le 12 février, il fit exploser une bombe à l'hôtel Terminus en face de la gare Saint-Lazare… Etc.
[42] Geronimo Sante Caserio, un ouvrier boulanger italien de vingt ans, qui assassina Sadi Carnot, le président de la République, le 24 juin 1894 à Lyon. Condamné à mort, Caserio fut guillotiné le 16 août 1894.
[43] Cf. l’« Affaire Déroulède » (1899)
[44] Richesseestimée à plus d'un milliard de francs-or pour le seul patrimoine immobilier
[45] Un siècle après la promulgation de la séparation des Églises et de l'État et la proclamation de la liberté de conscience, on se passionne toujours pour la « laïcité à la française », on s'interroge encore sur la pertinence d'une révision des lois, on s'alarme de la mise en cause de principes aussi fondamentaux que l'autorité civile de l'État ou la tradition de libre-pensée.
[46] « Citoyens ! Le mot, commun aux radicaux et aux socialistes, rapproche les amants du suffrage universel mais exclut ceux qui n'y participent pas, les étrangers, les jeunes, les femmes. » (Madeleine Rebérioux)
[47] Et quand la loi de 1907 lui reconnaît enfin ce droit, elle prend pour argument la santé de l'économie domestique et le soin des enfants qui du moins bénéficieront du salaire de leur mère, en cas d'incurie du père.
[48] En 1900, mademoiselle Bloch fut la première femme candidate à l'École polytechnique. En 1906, Marie Curie, accéda à la Sorbonne, d'abord en remplacement de son mari décédé, puis comme professeur titulaire en 1909. Le 10 décembre 1911, elle recevait son second prix Nobel. La même année, le Grand prix de Rome de sculpture était décerné à une femme, Adelaïde Heuvelmans. En 1912, Maria Vérone plaidait pour la première fois en Cour d'assises, en vertu de la loi ouvrant les barreaux aux femmes.
[49] Cf. également le dossier détaillé sur le site Retronews.