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Sommaire

INTRODUCTION
A. LA CONSTRUCTION ET L’ÉLARGISSEMENT DE LA NOTION DE PATRIMOINE :
DE LA TRANSMISSION ENTRE INDIVIDUS À L’HÉRITAGE AU PROFIT DE L’HUMANITÉ
1. Le patrimoine familial
2. Du temps des collectionneurs (XVIe-XVIIIe s.) à la Révolution française
3. L’époque contemporaine (XIXe-XXe s.)
B. LE « PATRIMOINE MONDIAL » DE L’UNESCO : UNE CONSTRUCTION DES ÉTATS ET DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE, DE PLUS EN PLUS DIVERSIFIÉE MAIS SPATIALEMENT CONCENTRÉE
1. Une liste, des listes
2. Des enjeux, des tensions
CONCLUSION
I. USAGES SOCIAUX ET POLITIQUES DU PATRIMOINE (AXE 1)
A. RÉAMÉNAGER LA MÉMOIRE. LES USAGES DE VERSAILLES DE L’EMPIRE À NOS JOURS
1. De la résidence royale au musée d’histoire de France : Versailles et la nation
2. Versailles et la République : un rôle institutionnel et diplomatique
3. Versailles, haut lieu du tourisme mondial
Conclusion
B. CONFLITS DE PATRIMOINE. LES FRISES DU PARTHÉNON DEPUIS LE XIXE SIÈCLE
Introduction
1. Sauvetage ou pillage, l’histoire d’un contentieux
2. La demande de restitution, une « tragédie grecque »
Conclusion
CONCLUSION DE L’AXE 1
II. PATRIMOINE, LA PRÉSERVATION ENTRE TENSIONS ET CONCURRENCES (AXE 2)
A. URBANISATION, DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET PRÉSERVATION DU PATRIMOINE. PARIS ENTRE PROTECTION ET NOUVEL URBANISME…
Introduction
1. L’évolution d'une capitale : l’héritage patrimonial et sa gestion
2. Un pôle de commandement aux ambitions internationales
3. De la patrimonialisation à la muséification ?
Conclusion
B. LA DESTRUCTION, LA PROTECTION ET LA RESTAURATION DU PATRIMOINE, ENJEU GÉOPOLITIQUE. LA QUESTION PATRIMONIALE AU MALI
Introduction
1. Le patrimoine culturel malien, symbole d’une culture qui unit et qui divise
2. Restaurer et protéger le patrimoine culturel malien
Conclusion
C. LE TOURISME CULTUREL, ENTRE VALORISATION ET PROTECTION. VENISE, ENTRE VALORISATION TOURISTIQUE ET PROTECTION DU PATRIMOINE
Introduction
1. Venise : un patrimoine exceptionnel
2. Un patrimoine doublement menacé
3. Un patrimoine à protéger
Conclusion
CONCLUSION DE L’AXE 2
III. LA FRANCE ET LE PATRIMOINE, DES ACTIONS MAJEURES DE VALORISATION ET DE PROTECTION (OBJET DE TRAVAIL CONCLUSIF)
A. LA GESTION DU PATRIMOINE FRANÇAIS : ÉVOLUTIONS D’UNE POLITIQUE PUBLIQUE
Introduction
1. La consolidation de l’héritage de la Révolution et du XIXe siècle
2. La Vème République et le basculement des politiques publiques du patrimoine
3. Depuis les années 1970, poursuite de l’extension de la notion de patrimoine, déconcentration, décentralisation
Conclusion
B. LA PATRIMONIALISATION, ENTRE HÉRITAGE CULTUREL ET RECONVERSION. LE BASSIN MINIER DU NORD-PAS-DE-CALAIS
Introduction
1. Reconversion
2. Patrimonialisation
Conclusion
C. LE PATRIMOINE, FACTEUR DE RAYONNEMENT CULTUREL DE LA FRANCE DANS LE MONDE ET OBJET D’ACTION DIPLOMATIQUE (UN EXEMPLE DU PATRIMOINE IMMATÉRIEL : LE REPAS GASTRONOMIQUE DES FRANÇAIS)
Introduction
1. Un savoir-faire français reconnu….
2. ….Outil d’une diplomatie culinaire qui s’internationalise
Conclusion

 

Manuel p.238-303

Introduction du thème

Problématique p.238 + Repères p246- Ce thème a un double objectif : connaître ce que recouvre aujourd’hui la notion de patrimoine, matériel et immatériel, dans ses dimensions historiques et géographiques, et comprendre les enjeux géopolitiques qui lui sont associés.

Quelles fonctions politiques le patrimoine exerce-t-il ? En quoi sa valorisation et sa protection peuvent-ils être porteurs de développement mais aussi sources de tensions ?

Introduction

Introduction

Le patrimoine est « ce qu’une société considère comme digne d’intérêt et de conservation, comme témoignage de ce qu’elle est » et devant de ce fait être transmis aux générations futures, qu’il s’agisse d’un patrimoine historique (un monument, un site…), d’un patrimoine paysager (une forêt, un massif montagneux, une perspective urbaine) ou d’un patrimoine immatériel (une musique, une cuisine…). Ce n'est pas « l'ensemble des œuvres que les hommes doivent respecter mais de celles qui les aident à vivre », comme le disait André Malraux en 1936.

Il s’agit donc d’une construction sociale, ce qui soulève la question des acteurs et de leurs valeurs culturelles : que choisit-on de préserver ? Que peut-on accepter de détruire ? Comme pour toute construction sociale, on constate des variations selon les époques (tel monument détruit au XIXe siècle, car « dépourvu d’intérêt » serait aujourd’hui sauvegardé) mais aussi selon les cultures qui n’accordent pas la même importance à tel ou tel objet potentiellement « patrimonial ».

A.    La construction et l’élargissement de la notion de patrimoine : de la transmission entre individus à l’héritage au profit de l’humanité

1.     Le patrimoine familial

À l’origine, le mot patrimoine renvoie à des biens transmis au sein d’une même famille. Le terme désigne étymologiquement les biens hérités du père (patrimonium)[1]. C’est donc une notion juridique, dans le cadre légal d’une société à un moment donné qui fixe les modes de transmission des biens. Par exemple :

  • Le code de Gortyne en Crète (première moitié du Ve siècle avant JC) réglemente le sort du patrimoine quand le père décède avec pour seule progéniture une ou plusieurs filles. Appelées patrôoques, elles peuvent transmettre le patrimoine en le maintenant dans la lignée du père sans qu’il leur appartienne, et à condition de se marier.
  • Le droit d’aînesse intégral au Pays basque sous l’Ancien régime était unique en Europe car il ne faisait aucune distinction entre garçons et filles. L’ainé qu’il soit un garçon ou une fille, devenait l’héritier légal de la maison et de toutes les terres, forcé(e) ensuite de dédommager les cohéritiers, filles et garçons, qui dès lors quittaient la maison et allaient se placer ailleurs.

Progressivement, le patrimoine culturel -Vocabulaire p.240 dépasse le cadre de la seule propriété individuelle et familiale.

2.     Du temps des collectionneurs (XVIe-XVIIIe s.) à la Révolution française

Les premières initiatives de préservation ne sont pas le fait de l’État monarchique ni des institutions religieuses -Par exemple, sous l’Ancien régime, la Couronne comme l’Église

n’hésitent pas à démolir des bâtiments[2]. Ces initiatives sont individuelles : En Europe, dès la fin du XVIe siècle, des hommes de sciences ou des amateurs commencent à constituer des collections qu’ils rassemblent dans des meubles ou dans des pièces adaptées de leur demeure, tels les studiolo italiens ou les Wunderkammer allemands. Végétaux, minéraux, fossiles, animaux empaillés, coquillages et insectes prennent place dans des herbiers, dans des tiroirs ou dans des vitrines, à côté d’objets archéologiques, de médailles, de camées, de pierres, d’armes ou d’œuvres d’art. doc.1 p.240. Un exemple de patrimoine privé : un cabinet de curiosité au XVIIe siècle. Si elles n’ont pas encore vocation à constituer un patrimoine collectif, elles sont parfois ouvertes aux visiteurs.

C’est le cas de l’Ashmolean museum d’Oxford, ouvert en 1683 et premier musée britannique privé. C’est en 1759 que le British Museum devient six ans après sa fondation à Londres le premier musée national public -doc.2 p.240. Le British Museum… Il se donne avant tout une vocation pédagogique, dans le but d’édifier les contemporains et de former leur goût.

Mais c’est bien la Révolution de 1789 qui est un tournant dans la construction progressive de la notion de patrimoine. NB. Avant même ces destructions, l’expression « monument historique » était apparue pour la première fois sous la plume d’Aubin-Louis Millin dans son recueil d’antiquités nationales (1790)[3]. Cf. Décret du 16 septembre 1792 « il importe de préserver et de conserver honorablement les chefs d’œuvre des arts, si dignes d’occuper les loisirs et embellir le territoire d’un peuple libre ». Pour la Constituante puis pour la Convention, ce qui est artistique doit être préservé.

Or durant la Révolution française, nombreux sont ceux qui appellent à la démolition des édifices et monuments où s’inscrivent la gloire des rois et les emblèmes monarchiques -c’est-à-dire des symboles de l’oppression[4] : Cf. la destruction de la flèche de la Sainte Chapelle (alors surmontée d’une couronne), de la galerie des rois de Notre-Dame de Paris (28 statues qui représentent les rois de Judée -et non les rois de France comme l’ont cru les révolutionnaires, sont décapitées), ou encore, en 1793, la profanation des tombes royales de la basilique Saint-Denis[5]… Nombreux sont également ceux qui s’opposent à ces destructions, y compris parmi les révolutionnaires. Des intellectuels et des érudits se préoccupent de préserver certains ouvrages des « vandales », comme l’abbé Grégoire[6] -Vandalisme : vocabulaire p.250.

Deux nouvelles démarches sont alors dictées par les circonstances : l’inventaire et le musée. Par l’inventaire, on identifie, on reconnait et on inscrit au crédit de la nation des ouvrages et objets patrimoniaux. Par le musée, on rassemble des œuvres d’art en raison de leur intérêt pour la nation et de leur valeur esthétique et historique. C’est ainsi que le Louvre, à Paris, devient le Musée national de l’art en 1793. On y accumule les objets recueillis dans les collections royales, puis les œuvres confisquées par la Révolution… et, plus tard, celles pillées pendant les guerres révolutionnaires puis napoléoniennes.

3.     L’époque contemporaine (XIXe-XXe s.)

a.       XIXe siècle

Le XIXe siècle est marqué par l’apparition et le développement des musées. C’est aussi la période où l’effort d’inventaire et de préservation prend une certaine ampleur[7].

C’est ainsi qu’en

1830 est créé le poste d’« inspecteur général des monuments historiques ». Nommé à ce poste en 1834, l’écrivain Prosper Mérimée y jouera un rôle très important, aidé (à partir de 1837) de la commission des monuments historiques chargée de dresser la liste des monuments méritant une protection et (à partir de 1850) de la fameuse « mission héliographique »[8].

Préserver et restaurer, c’est aussi faire des choix. Par exemple, pour l’architecte Eugène Viollet-le-Duc, chargé en 1843 par Prosper Mérimée de restaurer la cathédrale Notre-Dame de Paris, émerge l’idée que la seule architecture nationale est celle du XIIIe siècle, et que l’art médiéval représente le patrimoine français par excellence. Conséquence : d’innombrables édifices des XVIIe et XVIIIe siècles sont négligés.

b.      XXe et début XXIe siècle

Les bombardements des deux guerres mondiales ont eu des conséquences sévères pour les monuments historiques d’Europe. Les lieux patrimoniaux détruits (Reims, Berlin, Varsovie...) se comptent par milliers. On distingue deux types de reconstruction :

  • rendre à la population le milieu urbain identique à ce qu’il était : phénomène dit de Varsovie [9].
  • reconstruire une autre ville, comme l’a fait au Havre (1945-1964) l’architecte Auguste Perret[10].

Outre les destructions, avec la Seconde Guerre mondiale, la question de la réparation des spoliations et pillages de patrimoines publics et privés est posée. Aujourd’hui, d’autres demandes de restitution lui font écho, notamment (mais pas seulement[11]) celles d’objet d’art africains accaparés durant la période coloniale.

Fin du XX° siècle et XXI° siècle, la notion de patrimoine a connu une formidable extension chronologique (protection des architectures des XIX° et XX° siècles), topographique (protection de quartiers, de paysages), catégorielle (témoignages de la vie quotidienne : fermes, lavoirs, boutiques, usines…). De l’unique, du plus élevé, du plus rare, le patrimoine est passé au quotidien le plus anodin, entraînant une augmentation considérable du nombre des objets patrimoniaux -à tel point que certains vont jusqu’à dénoncer une « inflation patrimoniale »[12].

B.    Le « patrimoine mondial » de l’Unesco : une construction des États et de la communauté internationale, de plus en plus diversifiée mais spatialement concentrée

Découvrir p.242-243. Le « patrimoine mondial » de l’UNESCO- L'UNESCO est l'Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture, dirigée par la française Audrey Azoulay depuis 2017. Selon sa présentation sur son site officiel[13], elle « cherche à instaurer la paix par la coopération internationale en matière d'éducation, de science et de culture » -L’UNESCO en bref p.242.

1.     Une liste, des listes

Le site officiel de l’Unesco propose une liste du patrimoine mondial[14], sous la forme d’une carte interactive assortie de dossiers sur chacun de ces sites. Cette carte reflète leur diversité et leur concentration spatiale.

a.       La Convention de 1972 et la « Liste du patrimoine mondial »

Chronologie p.242. Les principales conventions de l’UNESCO- L’UNESCO encourage l’identification, la protection et la préservation du patrimoine culturel et naturel considéré comme ayant une valeur exceptionnelle pour l’humanité. Dans la convention adoptée en 1972, l’UNESCO définit le patrimoine mondial de la manière suivante : « Le patrimoine est l’héritage du passé dont nous profitons aujourd’hui et que nous transmettons aux générations à venir. […] Ce qui rend exceptionnel le concept de patrimoine mondial est son application universelle. Les sites du patrimoine mondial appartiennent à tous les peuples du monde, sans tenir compte du territoire sur lequel ils sont situés. »

De cette convention est née une liste (mise à jour tous les deux ans) qui comporte 1 154 sites en 2022 répartis sur 167 États (897 « culturels », 218 « naturels » -doc.3 p.241. La nature, un patrimoine de l’humanité + Patrimoine naturel : vocabulaire p.240 et 39 mixtes). Dès l’origine, les sites européens étaient surreprésentés et c’est encore le cas (environ 40% des sites[15]), ce qui a valu aux décideurs de l’UNESCO le reproche de ne pas prendre en compte certaines aires culturelles -doc.3 p.243. Un patrimoine mondial spatialement concentré. Avec le classement de sites naturels exceptionnels, un grand nombre de lieux africains, asiatiques et sud-américains ont été inscrits.

La « Liste du patrimoine mondial en péril » est conçue pour informer la communauté internationale d’éventuelles menaces sur les caractéristiques mêmes qui ont permis l'inscription d'un bien sur la Liste, et pour encourager des mesures correctives. Cette liste de 52 biens en 2022, qui permet d’accorder des aides d’urgence, est éminemment politique car elle pointe les insuffisances structurelles de certains États dans leur gestion du patrimoine ou les difficultés conjoncturelles qui mettent en danger ces biens.

b.      Le programme Mémoire du monde (créé en 1992) et le patrimoine culturel immatériel (PCI)

Mémoire du monde

Le programme repose sur le postulat selon lequel il existe un patrimoine documentaire d’importance mondiale ayant une valeur universelle qui appartient à tous et doit être préservé, protégé, et rendu accessible à tous en permanence. Un élément du patrimoine documentaire peut être composé d’un document unique, d’une collection ou d’un fonds. Un document est défini comme un objet mobile, susceptible d’être conservé et reproduit, se composant d’informations, analogiques ou numériques, et d’un support. Le contenu peut comprendre des signes, des images, des codes, des sons, ou une combinaison de ces divers éléments. Le support peut présenter des caractéristiques esthétiques, culturelles ou techniques importantes.

Le patrimoine documentaire ainsi compris par l’UNESCO désigne de tels documents ou ensembles de documents qui sont d’une valeur significative et durable pour une communauté, une culture ou un pays ou pour l’humanité en général, et dont la détérioration ou la perte constituerait un appauvrissement dommageable. Face à ce risque, le programme Mémoire du monde a pour objectif de sensibiliser les États et leurs institutions en les incitant à recenser les éléments du patrimoine documentaire qui sont d’intérêt universel puis à les faire inscrire sur l’outil mis à leur disposition par l’UNESCO : le registre international de la Mémoire du monde, qui comporte 496 documents en 2024[16].

La Convention de 2003 sur la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI)

Entrée en vigueur en avril 2006 ratifiée par 178 États en 2018, elle vise la préservation des pratiques, représentations et expressions -doc.4 p.241. La musique, un exemple de patrimoine culturel :

  • les traditions et expressions orales, y compris les langues -Vocabulaire p.240;
  • les arts du spectacle ;
  • les pratiques sociales, rituels et événements festifs ;
  • les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ;
  • les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.

Elle compte 730 éléments en 2023 correspondant à 145 pays du monde[17], et répond à deux objectifs[18] :

  • Rééquilibrer la répartition du patrimoine protégé dans le monde en faveur des pays du Sud pauvres en patrimoine matériel, mais riches d’un patrimoine immatériel que rien ne protège.
  • Protéger plus généralement des effets néfastes de la mondialisation et des évolutions de la vie sociale les richesses qui, en raison de leur forme immatérielle, ne sont actuellement pas protégées.

Cette convention de 2003 s’intéresse aux communautés humaines. Elle vise à donner des lettres de noblesse patrimoniales à des éléments du quotidien qui n’en avaient pas. Elle cherche à faire accéder l’œuvre de tous, ou tout du moins celle d’un collectif, à la dignité patrimoniale naguère réservée à un petit nombre d’artistes, de souverains, d’architectes[19]. La notion de patrimoine devient donc de plus en plus diversifiée, comme en témoignent les critères de recevabilité des candidatures -doc.3 p.243. Les critères de classement au patrimoine mondial. Ce patrimoine immatériel n’est donc pas forcément géolocalisé, il est là où se trouvent celles et ceux qui le détiennent, sur l’ensemble de la planète (le tango argentin, l’art du pizzaiolo napolitain ou le repas gastronomique des Français) ou partagé entre plusieurs pays (l’alpinisme, la fauconnerie…).

2.     Des enjeux, des tensions

L’inscription sur la liste du patrimoine de l’UNESCO, comprise comme un gage d’authenticité et d’exceptionnalité, renforce la visibilité et l’attractivité des lieux. Elle peut être aussi à l’origine de tensions.

a.       Conflits liés à la muséification/dépossession

Exemple des églises rupestres de Lalibela (Éthiopie) : classé depuis 1978, ce patrimoine attire de nombreux touristes et de pèlerins, d’où le développement d’infrastructures d’accueil (hôtels notamment) et un empiétement urbain qui affecte le site. « L’effet UNESCO » sur les populations locales est contrasté, voire discutable : 700 ménages ont été déplacés par les autorités, et les mendiants ont été rassemblés dans un camp à l’écart des chemins empruntés par les touristes[20].

b.      Conflits liés à des aménagements

Exemple du retrait de Dresde de la liste du patrimoine (aout 2013)[21]. Cette partie de la vallée de l’Elbe est remarquable pour ses 18 km de « paysage culturel du XVIe au XXe siècle », notamment lorsque le fleuve traverse la ville du palais d’Ubigaü jusqu’au château de Pillnitz, avec son île, son opéra, son église Notre-Dame. La cause de la décision de l’Unesco est la réalisation d’un pont de béton et d’acier (635 mètres, 59 000 tonnes) doté de quatre voies destinées à détourner le trafic du centre-ville.

c.       Sous la menace des conflits armés

Par exemple en Afghanistan, avec la destruction à la dynamite par les talibans des vestiges archéologiques de la vallée de Bâmiyân (2001) ; ou en Syrie, durant la guerre civile (2011-2019), avec la destruction du temple de Baalshamin à Palmyre par l’État islamique -Sujet bac p.264.

d.      Le patrimoine comme levier de falsification de l’histoire

Au Xinjiang, les autorités chinoises s’efforcent de réactualiser un passé bouddhiste disparu depuis le XIe siècle pour recouvrir les témoignages architecturaux islamiques. Elles se livrent non seulement à la destruction de monuments musulmans majeurs[22] mais également à la construction de faux monuments antiques : il s’agit bien là d’utiliser le patrimoine comme une arme politique, et d’une falsification de l’histoire pour effacer la culture ouïghoure du paysage[23].

Le but est de siniser l’espace architectural et urbain, en consacrant la disparition de la culture ouïghoure qu’au passage, les touristes ne verront plus. À Kashgar, 85% de l’habitat traditionnel a été détruit. Les principaux bâtiments ont été reconstruits à l’identique mais pour les touristes : billetterie aux entrées, spectacles folkloriques payants. Les autorités chinoises ont fabriqué un produit touristique présentable, propre et impeccable -donc commercialisable. Malgré cette falsification, elles n’hésitent pas à demander la labellisation Unesco.

e.      Le patrimoine enjeu d’affrontements politiques : l’exemple d’Hébron

En juillet 2017, l’Unesco a inscrit sur sa liste la vieille ville d’Hébron, située dans le sud de la Cisjordanie, ainsi que sur sa liste du patrimoine en danger. En effet, l’Unesco estime que les propriétés palestiniennes de la vieille ville sont menacées de destruction ou de dégradation. Israël, pour sa part, dénonce une réécriture de l’histoire niant les liens millénaires des juifs avec la ville. Hébron est l’une des cités du monde les plus anciennement habitées, sacrée à la fois pour les musulmans, les juifs et les chrétiens[24]. Trois mois après cette décision de l’Unesco, les États-Unis et Israël se retiraient de l’organisation.

Conclusion

Découvrir. Le patrimoine dans le monde p.246-247.

Repères. Qu’est-ce que le patrimoine ? p.246.

I. Usages sociaux et politiques du patrimoine (Axe 1)

A.  Réaménager la mémoire. Les usages de Versailles de l’Empire à nos jours

Jalon p.254-255. Le château de Versailles, dont les origines remontent au XVIIe siècle, a été successivement un relais de chasse, un lieu d’exercice du pouvoir et dès le XIXe siècle un musée -Chronologie p.254.

Comment Versailles, symbole du roi soleil et de la grandeur monarchique française est-il devenu un lieu où la République se met en scène ?

1.     De la résidence royale au musée d’histoire de France : Versailles et la nation

Dès le 5 octobre 1789, Versailles a perdu sa fonction de résidence royale, Louis XVI étant forcé par le peuple de s’installer au Louvre[25]. À l’heure où sont créés les premiers musées, le château devient le « dépôt central des arts » du département de Seine et Oise (1792), puis en 1796 un musée central des arts, et en 1797 un musée spécial de l’École Française (le Louvre reçoit les œuvres des écoles hollandaise et italienne). Le 1er novembre 1804, Napoléon Ier réquisitionne le palais pour en faire sa résidence (jamais réalisée), et ferme le musée. Sous la Restauration, Louis XVIII dépense 6 millions de francs pour retrouver le Versailles de Louis XIV et Louis XV, mais Charles X s’en désintéresse. Tout change avec l’avènement de Louis-Philippe. En effet, « c’est avec Louis Philippe qu’est définitivement acté le passage d’une résidence privée et royale à une structure publique, patrimoniale et muséale » [26]. Entre 1833 et 1848, le « roi-citoyen » supervise à Versailles sous la direction de l’architecte Frédéric Nepveu le plus grand chantier de son règne, évalué à 18 millions de francs.

Document 1. p.254. Le château devient musée national- Le musée est inauguré le 10 juin 1837 par une grande fête royale. À ce moment, le musée dispose de 150 salles restaurées ou créées. Louis-Philippe fait composer une fresque de 1081 tableaux historiques et 1012 portraits dont 33 grands tableaux historiques destinés à la galerie des Batailles de 496 (Tolbiac) à 1809 (Wagram). Le grand public afflue massivement (une ligne de chemin de fer est créée en 1839).

La presse d’opposition dénonce « un monument d’infinie vanité » (Le Charivari), mais Victor Hugo remercie Louis-Philippe d’« avoir donné à ce livre magnifique qu’on appelle l’histoire de France cette magnifique reliure qu’on appelle Versailles » (Choses vues). D’autres lui reprochent d’avoir démantelé un joyau de l’Ancien Régime. En fait, l’ambition de Louis-Philippe est de rendre hommage au génie de la nation, tout en diffusant sa propagande : par exemple, cinq salles sont consacrées aux croisades, pour souligner sa foi chrétienne et son lien avec Louis IX[27]. Par ailleurs, de nombreux tableaux rendent hommage à la gloire militaire de la Révolution et de l’Empire, car l’objectif est de souder l’unité nationale autour du « roi-citoyen ».

Avec plus de 6 000 peintures et 3 000 sculptures, les galeries historiques aménagées dans le palais de Versailles sont devenues la principale source iconographique de l'Histoire de France sous le Second Empire, puis la République, et un modèle pour les musées de l'Europe entière. Napoléon III poursuit le projet historique de Louis-Philippe en faisant placer dans les salles d'Afrique les tableaux des grands événements de son règne, la guerre de Crimée (1854-1856), les campagnes d'Italie (1859) et du Mexique (1862). Les palais de Trianon deviennent à leur tour des musées. Mais avec Napoléon III, le château redevient un lieu de pouvoir et de réception : en 1855, l’empereur y reçoit Victoria, reine d’Angleterre, pour une fastueuse visite officielle célébrant l’alliance franco-britannique.

2. Versailles et la République : un rôle institutionnel et diplomatique

En septembre 1870, le roi de Prusse s’installe à Versailles, d’où il surveille le siège de Paris alors que le gouvernement français est à Bordeaux. Et c’est au château de Versailles, dans la galerie des glaces, qu’il choisit de proclamer l’Empire allemand devant tous les princes allemands (sauf Louis II de Bavière) -doc.2a p.254. La proclamation de l’Empire allemand.

À partir de la IIIe République, tout en conservant le rôle diplomatique que lui avait donné le Second Empire, Versailles devient le « temple du théâtre républicain » après avoir été celui du « spectacle monarchique » (Fabien Oppermann)[28]. En effet :

  • Le Sénat s’installe dans l’opéra de Louis XIV et la salle des congrès est construite pour les députés. Les élus retournent à Paris à partir de 1879, mais les assemblées gardent Versailles en réserve.
  • Le château continue d’être utilisé pour la réception des chefs d’État : le Shah de Perse en 1873, le tsar Nicolas II en 1896, le Bey de Tunis en 1930... Surtout, il accueille le traité de 1919 au lendemain de la Première Guerre mondiale -doc.2b p.254. La signature de la paix dans la galerie des Glaces.
  • Il est le lieu de l’élection de tous les présidents de la Troisième et de la Quatrième République.
  • En 1959, De Gaulle réaménage le Grand Trianon pour y accueillir les chefs d’État étrangers[29].
  • Sous la Ve République, Versailles[30] est le lieu où sont adoptées les révisions constitutionnelles, et où le président de la République a depuis 2008 le droit de s’exprimer devant le Congrès.

3.     Versailles, haut lieu du tourisme mondial

À partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, Versailles devient un lieu touristique et à partir des années 1980 un haut lieu du tourisme de masse (environ 7 millions de visiteurs annuels).

Alors que le château est quasiment vide et son parc à l’abandon à la fin du XIXe, des politiques de restauration et de remeublement permettent au XXe siècle de restaurer Versailles. Le château est aujourd’hui un haut lieu du mécénat -Vocabulaire p.250 de luxe (Cartier, Vuitton, Chanel, Hermès, Rolex…), et accueille des artistes contemporains de renommée mondiale (J. Koons…).

Conclusion

Le château est toujours un lieu politique mais il est surtout devenu un symbole de la puissance française et de sa culture, à la fois image nostalgique de la France et de sa puissance et fer de lance du soft power français.

B. Conflits de patrimoine. Les frises du Parthénon depuis le XIXe siècle.

Introduction

Jalon p.256-257- Après leur victoire sur les Perses à Platées en -479, les Athéniens entreprennent la reconstruction de l’Acropole dévastée par les Perses lors du sac d’Athènes en 480. Périclès veut alors faire de la cité le centre culturel et politique de la Grèce. C’est dans ce contexte que s’inscrit la construction du Parthénon, consacré à la divinité poliade d’Athènes, Athéna entre -447 et -438. Le sculpteur Phidias crée les frontons extérieurs, la statue chryséléphantine d’Athéna et la frise des Panathénées -Repère « Les frises du Parthénon » p.257.

Aujourd’hui, le Parthénon constitue, en plus d’un site touristique de rang mondial, un lieu patrimonial fondamental pour la Grèce. Pourtant, les 1,5 million de visiteurs annuels ne peuvent en admirer les frises, exposées au British Museum.

Les frises du Parthénon, patrimoine mondial partagé ou « essence même de la grécité »[31] ?
Patrimoine universel ou patrimoine sémiophore[32] ?

1.     Sauvetage ou pillage, l’histoire d’un contentieux

Au fil des siècles, le temple et ses chefs-d’œuvre sont soumis à divers occupants et à diverses dégradations. Le Parthénon est transformé en église (VIème siècle), puis en mosquée quand la Grèce est conquise par l’empire ottoman (XVème siècle), avant d’être bombardé par les Vénitiens (1687). Mais ce qui suscite un conflit aujourd’hui, c’est que la frise des Panathénées et d’autres éléments sculptés du Parthénon demeurent en la possession du British Museum[33].

Thomas Bruce, septième comte d’Elgin, ambassadeur britannique à Constantinople, aurait eu l’ambition de servir les arts en rendant ses compatriotes plus au fait des antiquités grecques. Il se justifie en soulignant que les Turcs et les Grecs étaient indifférents à la conservation des monuments et qu’à Londres, les marbres pourraient inspirer des artistes anglais. En 1801, il obtient un firman[34], c’est-à-dire une autorisation du sultan lui permettant « d’emporter quelques morceaux de pierre portant des inscriptions et des figures ».

Le démontage a commencé le 26 décembre 1801. Après des péripéties autour du prix, en 1816, les Marbres sont vendus au gouvernement et transférés au British Museum pour y être exposés, sous le nom de « marbres d’Elgin »[35] -Repère « Les marbres d’Elgin » p.257.

La dénonciation d’Elgin furent nombreuses, jusque sur le sol britannique -doc.1 p.256. Lord Elgin, un « spoliateur » Mais évidemment l’opposition la plus forte fut celle des Grecs qui n’ont de cesse depuis leur indépendance de réclamer le retour de leurs marbres. Depuis bientôt 200 ans, les deux pays s’opposent. Dès 1832, les Grecs ont fait cette demande ; en 1965, cette demande fut officiellement renouvelée par le ministre de la culture de l’époque et ce fut aussi le combat de la ministre Mélina Mercouri dès 1983, et tout récemment encore (en 2019) par le président de la République grecque, Prokópis Pavlópoulos.

2.     La demande de restitution, une « tragédie grecque »

Tous s’accordent à dire que la situation est complexe et dépasse largement le cadre de la loi. D’ailleurs comme le dit Spyros Mercouri « Comme Antigone et Créon, c’est ça la tragédie grecque : un conflit entre deux personnes qui ont raison »[36].

a.       Une question de droit ?

Entre autres arguments -doc.2. Les propos polémiques du directeur du British Museum, le British Museum fait valoir que les marbres lui appartiennent et que l’opération a été réalisée dans la plus grande légalité, en vertu du firman du sultan octroyé à Lord Elgin. Les Grecs contestent cet argument de droit en arguant que l’original du firman a disparu et que le musée ne dispose que d’une traduction dépourvue du tampon et de la signature adéquats. Surtout, elle fait valoir qu’au regard du droit international, les décisions prises par une puissance occupante sur le patrimoine d’un pays occupé sont illégales[37].

b.      La notion de patrimoine au cœur du conflit

Si l’on considère que le « patrimoine est la réunion des objets visibles investis de signification (sémiophores) que se donne, à un moment donné, une société » (Krzysztof Pomian) alors les Marbres du Parthénon occupent une place particulière, car ils rendent visible un certain ordre du temps dans lequel le présent ne peut se détacher du passé. Ils sont « la fierté et le symbole d’excellence le plus noble, l’aspiration et le nom » de la Grèce. Leur place est donc à Athènes, dans le somptueux Musée de l’Acropole, prêt à l’accueillir. En effet, l’argument de préservation n’est plus tenable depuis la construction du musée de l’Acropole (2009)[38] -doc.3 p.256. La Grèce a reçu le soutien de l’UNESCO (dont le Parthénon est du reste le symbole) -doc.5 p.257. L’UNESCO pour le retour des frises du Parthénon et de certaines puissances, comme la Chine.

Mais pour certains, à l’heure de la mondialisation culturelle, qui tend à forger une culture commune mondiale, on pourrait, plutôt que restituer, favoriser une plus grande mobilité des œuvres qui transmettent une histoire et portent en elles un héritage d’une culture ou d’une pensée. Ainsi, on glisserait de l’idée d’un patrimoine national à un patrimoine mondial partagé, et on donnerait aux œuvres une fonction « d’objets ambassadeurs ». C’est l’un des arguments du British Museum pour justifier son refus de restitution répété à la Grèce. Ce statut « mondial » dispenserait le British Museum de toute restitution… Pour lui comme pour les autorités britanniques, « l’Acropole n’appartient pas uniquement à la Grèce. C’est un monument de l’héritage culturel global. ».

Conclusion

Conscients de la fragilité de leur position, surtout depuis la restitution de marbres par l’université de Heidelberg en Allemagne en 2006 ou le Vatican en 2008, les dirigeants du British Museum ont proposé un prêt des sculptures du Parthénon en échange de la reconnaissance par les Grecs que les Britanniques en sont les propriétaires légaux. Condition évidemment jugée comme inacceptable par les Grecs.

Aujourd’hui, les autorités britanniques constatent que leur propre opinion publique est de plus en plus favorable à cette restitution[39]. Peut-être entrevoyons-nous l’issue de cette crise vieille de 200 ans... Mais plus largement cette querelle pose le problème des musées des anciens Empires et de la restitution éventuelle de tous les biens culturels spoliés dans un contexte colonial[40].

Conclusion de l’Axe 1

Révisions p.262-263

Sujets bac p.264-265

II. Patrimoine, la préservation entre tensions et concurrences (Axe 2)

A.    Urbanisation, développement économique et préservation du patrimoine. Paris entre protection et nouvel urbanisme…

Introduction

Jalon p.268-269. Paris, entre protection et nouvel urbanisme- Les phases successives de l'urbanisation ont façonné les paysages parisiens et la mise en scène de la ville autour de son fleuve[41]. L’homogénéité de son bâti et les perspectives aménagées autour de ses monuments lui confèrent une dimension esthétique et une forte identité, atout majeur de la première destination touristique au monde. Ville globale fortement intégrée à la mondialisation, Paris doit à la fois préserver son patrimoine et renforcer sa compétitivité. Défenseurs du patrimoine et détracteurs de la ville-musée s'opposent.

Comment concilier l'urbanisation et le développement économique de Paris avec la protection de son patrimoine ?

1.     L’évolution d'une capitale : l’héritage patrimonial et sa gestion

a.       Une capitale historique : lieux de pouvoir, lieux de contestation

Proclamée capitale par Clovis (481-511), la ville prend son essor sous le règne de Philippe Auguste (1180-1223), et concentre à partir du XVe siècle les rouages de l'administration royale. Les premiers plans dressés au XVIe siècle décrivent une cité idéale, reflet du bon gouvernement des rois[42]. Les rois de la Renaissance peuvent lui préférer le Val de Loire et Louis XIV s’installer à Versailles, Paris n'en reste pas moins l'unique capitale[43]. Les résidences royales ont été diverses à Paris, généralement sur l'île de la Cité et la rive droite de la Seine -qui a progressivement concentré les pouvoirs politiques et économiques[44] : on y trouve le Louvre, choisi par François Ier pour résidence officielle, l'hôtel de ville, et les principaux quartiers financiers, commerçants et artisanaux.

Doc.3 p.269. L’axe historique du pouvoir à Paris- À partir du XVIIe siècle, l'axe historique de la ville s’est imposé et étendu vers l'ouest, avec l'aménagement des futurs Champs-Élysées, jusqu’à l'actuelle place de l'Étoile, elle-même poursuivie sous le second Empire par l'avenue de la Grande Armée jusqu'à Neuilly et le pont de Neuilly qui ouvre l'accès à l'esplanade de la Défense. Symboliquement, les différents pouvoirs politiques ont marqué cet axe de portes et de places qui s'emboîtent visuellement depuis le Louvre (et la pyramide qui le prolonge depuis 1989) : l'arc de triomphe du Carrousel (Premier Empire), l'actuelle place de la Concorde (règne de Louis XV) et l'obélisque (monarchie de Juillet), l'Arc de Triomphe (décidé sous le premier Empire et inauguré sous la monarchie de Juillet), la porte Maillot (années 1970) et la grande Arche de la Défense (années 1980).

Les pôles de décision se concentrent dans l'ouest de Paris : Affaires étrangères sur le quai d'Orsay, à mi-chemin entre la résidence du chef de l’État, rive droite (palais de l'Élysée), et celle du chef du gouvernement, rive gauche (hôtel Matignon), non loin de l'Assemblée nationale, qui a la place de la Concorde en guise de parvis. L’Ouest parisien abrite donc les principales administrations de l'État et les bureaux de nombreux groupes privés français. Les tours de la Défense hébergent également les sièges sociaux de grandes sociétés comme AGF, Axa, Areva, EDF, Gan, GDF Suez et Total.

Concomitamment, les autorités ont eu à faire face aux mécontentements d'un peuple parisien turbulent et revendicatif[45]. Paris est associé à une mythologie historique de la révolte, et de lieux de mémoire à forte connotation politique : Cf. par exemple la manière dont le triomphe du régime républicain s’inscrit dans la toponymie parisienne, avec la place de la République (1879) ou celle de la Nation (1880), rehaussées chacune d'une statue allégorique. Cf. également, au XXe siècle, les lieux et les itinéraires de manifestations spécifiques qui s'imposent aux mouvements politiques, en fonction de leur charge symbolique[46].

b.      Du Paris d’Haussmann au Paris moderne, permanences et mutations

Pour Georges-Eugène Haussmann, préfet de la Seine de 1853 à 1870, les monuments[47] sont, avec la circulation[48] et les espaces verts[49], les éléments essentiels de l'urbanisme. Le profond réaménagement de Paris qu’il réalise à la demande de Napoléon III a fixé durablement quelques principes « historiques » : alignement sur rue, plafonnement des hauteurs, continuité avec les constructions mitoyennes… En même temps, Paris submerge ses environs immédiats, et en 1860, est décidée l'annexion d'une partie des communes limitrophes.

Après la Seconde Guerre mondiale, politiques et techniciens, confrontés à l’obsolescence des normes d’hygiène et de confort du bâti parisien et à un puissant essor démographique (« crise du logement »), ont mis en pratique les principes architecturaux et urbains du « mouvement moderne », bouleversant des quartiers entiers, notamment par la rénovation de certains îlots repérés comme « insalubres »… et suscitant de vives contestations.

Doc.1 p.268. Patrimoine et nouvel urbanisme à Paris- Une politique de grands projets, souvent dus à une impulsion présidentielle, a pris le relais :

  • L’aménagement de Beaubourg[50], avec la réalisation du Centre Pompidou (1969-1977), du Forum et du jardin des Halles, a donné le signal.
  • Ont suivi au nord-est les grands projets sur le site des anciens abattoirs de la Villette : Cité des sciences et de l'industrie (1979-1986), Cité de la musique (1982-1995).
  • Puis, sur la rive droite de la Seine, à l'emplacement des anciens chais de Bercy, construction du Palais omnisports, d'immeubles d'habitations, de bâtiments tertiaires, du ministère des Finances (1989) et de la Cinémathèque[51].
  • Des projets ponctuels ont été réalisés sur des sites prestigieux : l’Institut du monde arabe à l'extrémité est du boulevard Saint-Germain, l'opéra Bastille sur la place du même nom, le musée du XIXe siècle dans l'ancienne gare d’Orsay, le musée du Louvre (1988) et le musée du quai Branly[52] (2006).
  • À l’autre extrémité de Paris, l’opération de renouvellement urbain Clichy-Batignolles (2006-2020) s’efforce de préserver le patrimoine -doc.2 p.268. Clichy-Batignolles, une opération de renouvellement urbain.
  • À ces grands projets a été associée la création de parcs et de jardins : jardin des Halles (4,4 ha), parc de Bercy (13 ha), parc de la Villette (55 ha), parc André Citroën (14 ha sur le site des anciennes usines Citroën, quai de Javel).

c.       Des tours dans Paris ?

Dès l’apparition des gratte-ciel aux États-Unis, les architectes français ont conçu des projets de tours pour Paris[53]… qui n’ont pas vu le jour. La première tour d'habitation (la tour Albert, 60 mètres) n’a été édifiée qu’en 1960, et la première tour de bureau en 1966 (la tour Nobel, tête de pont du quartier de la Défense, tout juste 100 mètres). La majorité des tours parisiennes, conçues en réponse à des situations urbaines spécifiques (rive de fleuve, portes de Paris…), composent des ensembles cohérents (Front de Seine, Olympiades, la Défense, place des Fêtes…). Un plafond de hauteur a été imposé dans le secteur historique de la capitale et les 150 immeubles de grande hauteur (IGH) répartis sur l'ensemble de la capitale ont été édifiés par dérogation, comme la tour Montparnasse et ses 210 mètres. À la différence des autres grandes métropoles mondiales, le centre de Paris n'est pas dominé par des tours d'affaires, façon CBD, ce qui détermine un profil général inversé par rapport à New York, Shanghai ou même Londres, avec une hauteur du bâti plus importante en périphérie que dans le centre.

L’entrée des capitales des pays émergents dans la concurrence métropolitaine a fait resurgir le débat sur les tours à Paris. Dans ces métropoles, elles symbolisent l’intégration à la mondialisation. En France, la représentation de la tour longtemps associée aux grands ensembles, est désormais associée au skyline asiatique ou moyen-oriental, et aux réussites économiques de Hong Kong, Singapour ou Dubaï[54]. De nouvelles tours ont donc été construites -ou sont en projet. À la Défense, une nouvelle phase d’extension du quartier d'affaires et de rénovation des premiers bâtiments inclut la construction de tours atteignant 200 à 300 mètres (tour Phare, tour Signal). En recourant à des architectes contemporains pour dessiner ces bâtiments, Paris veut montrer qu'elle n'est pas la ville-musée que certains dénoncent. Les réactions hostiles sont nombreuses, par exemple autour du projet de la porte de Versailles, qui devait accueillir une tour Triangle de 211 mètres de hauteur -doc.4 p.269. Un urbanisme critiqué.

d.      Paris hors ses murs : l’agglomération métropolitaine

Depuis 1860, l’agglomération n'a cessé de s'étendre, sans voir sa structure administrative évoluer. Le boulevard périphérique[55] constitue une frontière qui compromet depuis cinquante ans le grand dessein d'un territoire élargi et cohérent.

Aujourd’hui, Paris s'ouvre à des horizons plus larges, dans le cadre d’interactions métropolitaines de plus en plus fortes[56], en posant la question du « Grand Paris ». Les enjeux de développement économique, de déplacement et d'habitat exigent désormais des coopérations accrues entre ville-centre et collectivités périphériques. Le principal projet qui émerge est le métro Grand Paris Express.

Le dynamisme de la région[57], jadis porté exclusivement par la ville-centre, a tendance à se diffuser vers la périphérie :

  • Les bureaux ont franchi la Seine vers La Défense[58], et plus récemment au Nord de la capitale, dans la Plaine Saint-Denis, abandonnée par les activités industrielles.
  • Par ailleurs, longtemps cantonné autour de la Sorbonne, l’enseignement supérieur s’est répandu sur tout le territoire de la capitale[59], puis à la banlieue[60].

2.     Un pôle de commandement aux ambitions internationales

a.       Un carrefour de réseaux et d’infrastructures

Sous l'Ancien Régime, les routes royales faisaient converger le réseau viaire vers Paris[61]. Complétant ce réseau radial, quelques rocades reliaient Versailles aux autres villes royales (Saint-Germain en Laye, Choisy, Saint-Denis, Fontainebleau). Par la suite, le réseau ferré a également associé voies radiales et rocades : Cf. la ligne de Petite Ceinture (1869), puis la Grande Ceinture (1883), tracée à 20 kilomètres du centre de Paris.

Mais c’est au début du XXe siècle que se développe une offre abondante de transports urbains et suburbains[62]. Le « chemin de fer métropolitain », le métro, inauguré en 1900, se développe dans un cadre strictement municipal. Il faudra attendre 1983 et la mise en place du Réseau express régional (RER) pour intégrer la périphérie. À compter des années 1950, s’impose la massification de la voiture individuelle, qui connaît une décrue aujourd’hui[63].

Après l’aéroport du Bourget, aménagé dès 1919, et avec le développement du trafic aérien, de nouveaux aéroports sont aménagés : Orly (1961), puis Roissy (1974) devenu l’une des plus importantes plateformes aéroportuaires mondiales, tirant notamment parti de la correspondance assurée avec le réseau des trains à grande vitesse (TGV).

b.      Une métropole mondiale au rayonnement culturel puissant

À l'échelle mondiale, Paris a de multiples atouts à faire valoir. Avec un PUB de 460 milliards de dollars, elle était en 2018 la sixième ville la plus riche du monde derrière Tokyo, New York, Los Angeles, Séoul et Londres. Plusieurs organisations internationales y ont leur siège, comme l’UNESCO (7e arrondissement, proche de la tour Eiffel) ou l’OCDE. Paris est aussi le centre historique et indiscuté du monde francophone.

Contrairement à d’autres métropoles au profil plutôt spécialisé (finances à Londres par exemple), Paris offre une palette étendue : ville de congrès et de tourisme, elle est aussi un lieu d'innovation, soutenue par une forte densité de services[64]. Les activités dynamiques, à forte valeur ajoutée productive, y sont surreprésentées :

  • les activités caractéristiques des grandes métropoles que sont les services aux entreprises, les activités financières et les activités culturelles ;
  • les entreprises liées à l’innovation (TPE et PME innovantes dans les technologies numériques, la santé et les biotechnologies, le design et la création), bénéficient dans la capitale d'un environnement favorable et d'une politique de soutien de la part de la Ville de Paris[65].

Pôle universitaire reconnu dès le Moyen Âge, Paris s'empare aux XVIIe et XVIIIe siècles du titre de capitale du bon goût. Au XIXe siècle, Paris incarne l'arbitre des élégances pour les uns, et pour les autres, il est le symbole de la Liberté, la capitale des droits de l'Homme. Ces deux images subsistent au XXe siècle, relancées par les grandes expositions internationales[66] :

  • « Capitale du goût et du luxe », Paris réunit la plupart des acteurs qui incarnent les spécificités attribuées à la culture française : gastronomie, mode vestimentaire, parfums, joaillerie, etc. Leurs activités sont à l'origine d'une industrie du luxe[67] qui s'exporte dans le monde entier. Luxe et culture sont de plus en plus associés dans le cadre de mécénats et de fondations[68].
  • L’aura intellectuelle de Paris reste forte tout au long du XXe siècle. Jusqu'à la Grande Guerre, la ville attire artistes et écrivains du monde entier, souvent réfugiés ou exilés, qui lui confèrent une primauté mondiale. Cette primauté est aussi scientifique (Cf. Pasteur, Becquerel ou Marie Curie), et Paris peut alors prétendre éclairer le monde[69]. L’influence de grands mouvements de pensée comme les Annales, l’existentialisme ou le structuralisme permet par la suite à Paris d’occuper le devant de la scène intellectuelle mondiale.

3.     De la patrimonialisation à la muséification ?

Aujourd'hui, le rayonnement culturel et artistique de Paris reste important mais a faibli : par exemple, le marché de l’art est désormais dominé par New York et, en Europe, par Londres et Berlin. Néanmoins, Paris demeure la première destination touristique au monde. Son rayonnement mondial tient, outre la présence de nombreux monuments emblématiques, à la cohérence d’ensemble, à la monumentalité et à la qualité d'ambiance de son espace bâti et de son patrimoine. Son attractivité provient aussi bien du Louvre, de Versailles, que du Paris nocturne héritier de l'esprit de la Belle Époque[70].

En effet, depuis le XIXe siècle, patrimoine et tourisme ont émergé en interaction et demeurent étroitement liés. Le patrimoine contribue au développement touristique, et réciproquement[71], l'intérêt des touristes suscite la patrimonialisation -Vocabulaire p.250 + Repère p.266… au risque de conduire à la muséification[72] -Vocabulaire p.267. C’est dans ce contexte que se déploient les polémiques autour de certains projets : ceux des tours notamment, mais aussi de certaines restaurations créatives, comme en témoigne le débat sur le toit et la flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris (détruits par un incendie en 2019), opposant « modernes » partisans d’un geste novateur aux « anciens » partisans d’une restauration à l'identique, conformément à la charte de Venise de 1964[73] -Vocabulaire p.250 + Points de vue p.260-261. Faut-il restaurer Notre-Dame de Paris à l’identique ?).

Conclusion

La place future de Paris dans le réseau des métropoles mondiales est liée à celle que la France pourra garder parmi les économies et puissances diplomatiques du monde, dans un contexte international aux équilibres changeants. Pour cela, l'agglomération doit jouer la carte francilienne, rester à la pointe de l'innovation culturelle et technologique, et se moderniser tout en gardant sa singularité.

B.    La destruction, la protection et la restauration du patrimoine, enjeu géopolitique. La question patrimoniale au Mali

Introduction

Jalon p.272-273- Le Mali possède un des patrimoines culturels les plus remarquables de l’Afrique subsaharienne, particulièrement avec quatre biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial[74] et huit sur la Liste du patrimoine immatériel.

Ce patrimoine, qui représente un fort potentiel pour le développement du pays, à travers le tourisme et ses retombées, a été ébranlé par la guerre civile à partir de 2012, un conflit à la fois territorial, religieux, politique et culturel. Cible de destructions intentionnelles, le patrimoine culturel est un de ses enjeux.

De quels enjeux géopolitiques le patrimoine culturel malien est-il porteur ?

1.     Le patrimoine culturel malien, symbole d’une culture qui unit et qui divise

a.       Un patrimoine riche et diversifié…

Le patrimoine culturel malien est un des plus riches du Sahel et d’Afrique subsaharienne. Il trouve son origine dans la position de carrefour du Mali au moment de l’extension de l’Islam en Afrique noire au VIIIe siècle, par les voies commerciales caravanières. L’Afrique subsaharienne importe des étoffes, du sel, des armes, et exporte des esclaves et surtout de l’or. Cet or fait la richesse de l’empire du Ghana[75].

Ce patrimoine culturel s’articule autour de quatre biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Ces sites architecturaux, principalement religieux, se caractérisent par un bâti spécifique à la région (terre crue soutenue par des poutres de bois). Il intègre également, en plus des paysages des falaises de Bandiagara (patrimoine naturel), un patrimoine immatériel important avec notamment les centaines de milliers de manuscrits de Tombouctou, joyaux de l’art musulman et preuves de la vitalité scientifique et littéraire du Mali jusqu’au XVIIe siècle.

Doc.2 p.272. Les acteurs locaux et la protection du patrimoine- Le Mali se caractérise par une grande proximité entre la population et son patrimoine culturel. Les lieux patrimoniaux sont entretenus directement par les populations locales, lors de manifestations festives réunissant les populations de tous âges : Cf. le crépissage annuel -doc.1 p.272. Le crépissage annuel… des mosquées et mausolées de Tombouctou ou de Djenné, qui est une sorte d’obligation religieuse et sociale pour tous ceux qui sont aptes.

b.      …En proie à des conflits dépassant le cadre national

Le Mali, théâtre de deux coups d’État en moins d’un an[76], subit une guerre civile depuis 2012. Elle oppose le gouvernement malien à des mouvements touaregs sécessionnistes et djihadistes (AQMI, Ansar Dine, MUJAO + GSIM) -Contexte p.270 qui ont pris le contrôle d’une large partie Nord du Pays et fait craindre l’effondrement de l’État. La France, ancienne puissance coloniale, a apporté son soutien militaire aux autorités maliennes pour repousser la menace terroriste à travers une mission de l’ONU (la MINUSMA -jusqu’à fin 2023) et un appui français (opération Barkhane -retrait en 2022 à la demande des nouvelles autorités maliennes[77].

L’insurrection au Nord Mali a ciblé intentionnellement les sites patrimoniaux. Ainsi, 14 des 16 mausolées de Tombouctou ont été détruits -doc.3 p.273. La destruction des mausolées de Tombouctou. L'Unesco estime que 4 203 manuscrits sont perdus -NB : 300 000 autres ont été déplacés en urgence à Bamako par les populations locales.

Ces destructions relèvent de motifs religieux : le courant salafiste wahhabite, qui domine au sein d’Ansar Dine et d’AQMI, revendique « la pureté des origines » et ne tolère pas que des mausolées d’imams fassent l’objet d’un culte de « saints »[78]. Ces destructions visent à imposer, par la force, des normes religieuses importées et mondialisées. Quant au classement UNESCO, il est interprété par les salafistes comme un marquage occidental et impie, et l’inscription des biens classés de Tombouctou sur la liste du patrimoine mondial en péril le 26 juin 2012 n’a fait que renforcer leur soif de destruction -doc.4 p.273. Une analyse de la destruction du patrimoine.

2.     Restaurer et protéger le patrimoine culturel malien

Les enjeux de réhabilitation du patrimoine culturel sont majeurs pour le pays : Ce patrimoine joue un rôle de support de mémoire, d’histoire et d’identité pour les Maliens, en quête d’État et de développement.

a.       Un élan de mobilisation sans précédent pour préserver le patrimoine culturel malien…

Dès 2012, la communauté internationale a adopté une stratégie novatrice de protection du patrimoine culturel malien, d’une part par la classification des biens du patrimoine en péril[79], d’autre part par la mobilisation de nombreux acteurs étatiques pour le financement des actions de reconstruction (Suisse, Union européenne, etc.). Face à un monde confronté aux nouvelles conflictualités, l’exemple malien doit servir de modèle à la protection des patrimoines culturels dans les pays en guerre, y compris par l’action de la CPI[80] -Points de vue p.276-277. Peut-on sauver le patrimoine des pays en guerre ?

b.      …Mais qui ne résout que partiellement la question patrimoniale malienne

L’engagement international dans le chantier de réhabilitation du patrimoine culturel malien suscite néanmoins des tensions. En effet, le Mali ne consacrait en 2018 à la culture que 8,7 milliards de francs CFA (environ 13,3 millions d’euros)[81], l’abandonnant largement aux acteurs extérieurs. Dans ces conditions, L’UNESCO et les États qui financent les rénovations ont pris le pas sur les acteurs nationaux et locaux de la préservation du patrimoine (« aucune intervention n’est envisageable sur les sites sans l’accord préalable de l’UNESCO »), allant jusqu’à empêcher les travaux traditionnels comme le crépissage annuel, au mépris de la relation spécifique entre la population malienne et son patrimoine -doc.5 p.273. Les différentes conceptions du patrimoine à Tombouctou.

Conclusion

Le vaste programme de réhabilitation du patrimoine culturel entrepris par l’UNESCO au Mali a permis aux autorités maliennes de préserver la valeur universelle exceptionnelle de ces biens. Pour autant, cette politique patrimoniale, associant de nombreux acteurs locaux et internationaux divise et soulève de nombreux enjeux économiques, politiques, religieux, sociétaux et géopolitiques. Malgré les limites de son action, l’UNESCO en a fait un laboratoire des actions culturelles en territoire de conflit.

C.    Le tourisme culturel, entre valorisation et protection. Venise, entre valorisation touristique et protection du patrimoine

Introduction

Jalon p.272-273- La forte croissance touristique de Venise génère de multiples problèmes socio-économiques et environnementaux. Attachés à leur patrimoine et à un certain art de vivre, les Vénitiens dénoncent une saturation de la fréquentation de leur ville. La municipalité a pris des mesures de régulation des flux et des pratiques touristiques.

Quelles sont les limites de la valorisation du patrimoine à Venise ?

1.     Venise : un patrimoine exceptionnel

a.       Venise et ses lagunes

Capitale de la Vénétie, au Nord-Est de l’Italie, Venise a été fondée au Ve siècle après J.-C., sur les 118 îlots d’une lagune d’environ 550 km², formant un tout indissociable[82]. À l’origine, des populations vénètes se réfugient sur ses îlots sablonneux pour échapper aux incursions barbares, puis les habitats précaires deviennent des établissements permanents, et ce qui n’était qu’un refuge devient une des grandes capitales du monde médiéval. Grande puissance maritime dès le Xe siècle, elle défend ses comptoirs contre les Arabes, les Ottomans et les Génois.

Venise et son paysage de lagune sont le résultat d'un processus dynamique qui illustre l'interaction entre l’homme et son environnement naturel, témoignant d’un haut niveau de compétences techniques et créatives dans la réalisation des ouvrages hydrauliques et architecturaux de la lagune. La ville tout entière est un extraordinaire chef-d'œuvre architectural au sein duquel même le plus petit monument renferme des œuvres de certains des plus grands artistes, tels que Giorgione, le Titien, le Tintoret ou Véronèse.

b.      Venise et l’UNESCO

Dès 1973 l’État italien avait décrété la « protection de Venise intérêt national prioritaire » dans une Loi spéciale visant à garantir la protection du paysage, du patrimoine historique archéologique et artistique de la ville et de sa lagune tout en veillant à son développement socio-économique.

 Venise et son paysage de lagune sont admis sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO en 1987 avec le statut particulier de « valeur universelle exceptionnelle ». Venise est un des seuls sites classés à satisfaire aux exigences de six des dix critères de l’Unesco (Rome et Florence ne sont par exemple pas à ce niveau).

La structure urbaine a conservé les caractéristiques formelles et spatiales du Moyen-âge et de la Renaissance, avec de rares ajouts ultérieurs. L’ensemble du système urbain a gardé le même plan, les mêmes schémas d’occupation et la même organisation des espaces ouverts qu’à l'époque médiévale et à la Renaissance. Les nombreux monuments de la ville ont gardé leur authenticité grâce à la conservation de leurs caractéristiques architecturales.

2.     Un patrimoine doublement menacé

a.       Le phénomène d’« Acqua alta » en forte augmentation

L’inondation de novembre 1966 est restée dans les mémoires. Ce jour-là la mer était montée à près de deux mètres. Mais plus encore que la hauteur du phénomène, c’est sa fréquence qui inquiète. Au cours de la dernière décennie, la Place St Marc s’est retrouvée plus de 50 fois sous plus d’un mètre d’eau, soit dix fois plus souvent que dans les années 1930. Ces inondations à répétition ont une conséquence sur l’activité touristique et sur l’état des bâtiments.

b.      Le surtourisme

Doc.1 p.272. Deux siècles d’évolution du tourisme- « Le tourisme est très paradoxal : c’est à la fois un prédateur et un sauveur du patrimoine » (Hervé Barré, spécialiste du tourisme durable à l’Unesco). Si la pression touristique fragilise le site de Venise et de sa lagune, elle assure à la ville plus de 500 millions d’euros de retombées économiques. En 2018, Venise a accueilli 30 millions de touristes avec des pics à 100 000 par jour en haute saison et 600 paquebots.

Cette déferlante met à l’épreuve le site et ses habitants : rues bondées, nuisances sonores, hausse des prix de l'immobilier. Peu à peu, les services publics et les commerces de proximité ferment au profit des échoppes pour touristes, et chaque année, des centaines de résidents s’exilent. Aujourd'hui, un logement sur quatre n'est loué qu'à des touristes, ce qui laisse craindre la transformation de la ville en un parc d’attraction (« Veniceland ») -doc.3 p.273. L’évolution de la population et des touristes à Venise. Depuis quelques années. Les manifestations de la population vénitienne contre la construction de nouveaux hôtels, le développement des vols low cost, les plateformes de location d’appartements, les grands paquebots de croisière, se sont multipliées -doc.2 p.272. Une manifestation contre les bateaux de croisière.

3.     Un patrimoine à protéger

Face à la surfréquentation touristique et à la multiplication des épisodes d’acqua alta il y a urgence à prendre des mesures protectrices[83]. À tous les niveaux (associations, municipalité, région Vénétie, État italien, Unesco) des solutions sont imaginées et parfois même mises en pratique.

a.       Le projet Moïse

En italien, MOSE (« module expérimental électromécanique ») renvoie à Moïse, le personnage biblique (dont le nom signifie littéralement « sauvé des eaux »), par analogie entre le projet architectural et le passage de la mer Rouge. Il s’agit d’un ouvrage colossal (un système sophistiqué de parois métalliques mobiles) censé sauver Venise de la montée des eaux, avec le concours de la surélévation des rives et de la requalification environnementale de la lagune. Le 14 mai 2003, le président du conseil italien Silvio Berlusconi pose la première pierre de ce chantier. Initialement livrable en 2014 puis 2016, le chantier prend du retard, en raison de malfaçons et d’un scandale de corruption impliquant des dizaines d’entrepreneurs locaux et la quasi-totalité des responsables politiques de la région[84]…. Quant au coût du chantier, initialement prévu à 2 milliards d’euros, il en atteint 6.

Pour de nombreux observateurs, le Mose, imaginé un demi-siècle, est obsolète avant même d'entrer en service. L’équipement est jugé inefficace par les écologistes, qui pensent qu’il ne pourrait pas résister aux plus hautes marées. Surtout, certains chercheurs estiment que si le niveau de la mer augmente de 50 cm, les digues de Mose devront fermer presque quotidiennement pour protéger la ville, ce qui aggraverait la pollution de la lagune, dans laquelle une partie des eaux non traitées de Venise s'écoule directement.

b.      Faire cohabiter tourisme de masse et patrimoine

La ville s’efforce depuis plusieurs années de prendre des mesures pour tenter de contrôler le tourisme de masse et l’activité des bateaux de croisières -doc.4 p.273. Les mesures prises par la municipalité.

Doc.5 p.273. Une affiche à destination des touristes- Plusieurs solutions ont été envisagées : contrôler les locations de logements, instaurer un quota de visiteurs, etc. L’ouverture de nouveaux hôtels et restaurants fast-food est désormais interdite. Initialement annoncée pour l’été 2019, puis reportée, la taxe pour les touristes, plusieurs fois reportée, doit entrer en phase expérimentale en avril 2024. Concernant les gros navires, malgré leur interdiction dans la lagune depuis 2013, ils continuaient d’y accoster. Devant la menace de l’UNESCO[85] de mettre la ville sur la liste des « sites en péril », le gouvernement italien a décidé de dérouter les navires concernés hors du centre-ville depuis août 2021.

Conclusion

Venise fait partie des lieux singuliers et exceptionnels, où l’on côtoie le meilleur comme le pire de notre époque. Son exemple montre combien tourisme et patrimoine entretiennent des rapports complexes et paradoxaux. Les lieux touristiques les plus fréquentés sont menacés mais sont aussi très souvent mieux préservés, mieux entretenus que d’autres. « La destruction ou simplement l’oubli de lieux du passé est bien plus fréquente faute de touristes qu’à cause des touristes » (Olivier Lazzarotti, géographe).

Conclusion de l’Axe 2

Révisions p.276-277 - Sujets bac p.278-279

III. La France et le patrimoine, des actions majeures de valorisation et de protection (Objet de travail conclusif)

Introduction p.282- Dans l’Axe 1, nous avons abordé les usages sociaux et politiques du patrimoine. D'abord circonscrit aux beaux-arts, il s'est progressivement étendu à la nature et au patrimoine immatériel. Avec l'émergence des États-nations, il est devenu un bien collectif à protéger et à transmettre. Instrumentalisé à des fins politiques, le patrimoine est au cœur de conflits et de débats.

Dans l’Axe 2, nous avons étudié les enjeux géopolitiques de la préservation du patrimoine. Le patrimoine peut faire l'objet de représentations divergentes : sa destruction, mais aussi sa protection et sa restauration, s'avèrent souvent sources de conflits. La patrimonialisation se heurte par ailleurs à des dynamiques et à des usages concurrents (tourisme, urbanisation) qui sont aussi facteurs de tensions.

Cet « objet de travail conclusif » se donne pour objectif d’analyser les actions de valorisation et de protection du patrimoine en France. Le patrimoine est aujourd'hui une composante majeure des politiques d'aménagement des territoires. Parfois source de conflits, la protection du patrimoine est aussi un vecteur de développement et de rayonnement pour la France.

A.    La gestion du patrimoine français : évolutions d’une politique publique

Introduction

Jalon p.288-289- En France plus qu’ailleurs les relations entre État et création du patrimoine sont « profondes et durables », renforcées par la création d’un corps de fonctionnaires dédié à l’enrichissement, l’étude et la conservation de ces « trésors de la nation »[86].

S’interroger sur les relations entre État et patrimoine suppose d’envisager les différentes actions de l’État : législatives, administratives, budgétaires. Cela invite également à se demander comment les politiques menées participent à une transformation de la notion de patrimoine.

Que révèle l’évolution des politiques patrimoniales en France ?

1.     La consolidation de l’héritage de la Révolution et du XIXe siècle

Les lois adoptées sous la IIIème République complètent l’héritage de la Révolution et de la monarchie de Juillet. La loi du 30 mars 1887 « pour la conservation des monuments et des objets d'art ayant un intérêt historique et artistique » donne enfin une portée juridique aux classements effectués antérieurement, et permet la protection de nouveaux édifices. Le premier critère de sélection est l’appartenance à l’histoire ou à l’art de la nation. Toutefois, la portée de la loi demeure limitée puisqu’elle restreint le classement aux édifices ou objets appartenant à des collectivités publiques, les monuments privés ne pouvant être protégés sans le consentement de leur propriétaire. La loi de 1913 sur les Monuments historiques y remédie. Elle prévoit en outre des dispositions pénales en cas d’infraction comme l’exécution de travaux sans l’accord de l’administration, ainsi que la protection des vestiges antiques et elle élargit le cadre chronologique des édifices à protéger aux périodes postérieures au XVIe siècle. Ainsi en 1914, 4 454 monuments bénéficient du classement à l’ISMH alors qu’ils n’étaient que 2 646 classés à l’IMH en 1900.

Entre temps, est adoptée en 1906 une loi sur la protection des monuments naturels et des sites, marquée par la volonté de préserver des éléments ponctuels menacés et des curiosités naturelles -elle sera complétée et améliorée par une nouvelle loi en 1930.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le sentiment de perte ressenti face aux dégâts (Cf. la destruction de la cathédrale de Reims), agit comme un catalyseur en faveur de la conservation et la restauration du patrimoine. Dans ce contexte, l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques (ISMH), prévu par la loi de 1913, concerne tous types d’édifices, et peut même protéger des ensembles architecturaux comme la place des Vosges à Paris, ou « un village entier ayant conservé son caractère primitif » (Instruction du 1er juillet 1920). Dans ces conditions, le nombre d’édifices inscrits à l’ISMH continue de croître pour atteindre 12 000 dans les années 1930.

2.     La Vème République et le basculement des politiques publiques du patrimoine

Après la Seconde Guerre mondiale, la politique de construction intensive mise en œuvre par l’État conduit à une transformation des paysages urbains et à la destruction de nombreux quartiers anciens. À partir des années 1960, marquées par l’action d’André Malraux[87] à la tête du ministère des Affaires culturelles (créé par le président de Gaulle en 1959[88]), l’État décide que l’espace urbain doit conserver en son centre la « belle architecture » et le noyau historique.

a. L’État planificateur de la politique du patrimoine

L’État agit :

  • Par le Plan : le IVème plan (1962-1966) concentre le budget sur quatre célèbres monuments menacés de dégradation : l’Hôtel des Invalides, la cathédrale de Reims, le Louvre, Versailles[89].
  • Par la loi : en 1962, est adoptée la Loi Malraux portant sur les secteurs sauvegardés ; le ministère des Affaires culturelles est doté d’une procédure de restauration immobilière lourde, qui lui permet de définir des périmètres à sauvegarder[90], et des îlots à restaurer.

b. L’inventaire général des monuments et richesses artistiques

La loi de 1962 est complétée en 1964 par la création de l’Inventaire général du patrimoine culturel, présidé par l’historien de l’art André Chastel.

Son objectif est d’« identifier tout ce qui est repérable sur le terrain, de manière à provoquer une prise de conscience des populations intéressées ; étudier et classer selon les techniques les plus performantes édifices et objets, de manière à les introduire dans la mémoire nationale ; exploiter le thesaurus ainsi élaboré en fournissant une documentation renouvelée aux administrations centrales et régionales, aux enquêtes des services d’aménagement, à l’histoire nationale et régionale, à l’enseignement, aux loisirs. »

Cet inventaire s’ouvre à de nouvelles formes de patrimoine. Selon André Chastel, « Il y a lieu de suivre attentivement l’affaiblissement progressif de la notion d’œuvre d’art et l’affirmation correspondante de celle d’objet. Le développement de cette enquête exhaustive sur toutes les manifestations de l’art humain aligne assez nettement l’histoire de l’art sur l’histoire des choses. Les arts mineurs, l’architecture mineure sont pris en considération et obligent à trouver des articulations neuves pour rendre compte de leur histoire lente et lourde, qui émerge peu à peu, région par région (…) L’irruption d’un point de vue largement anthropologique conduit à une extension elle aussi inévitable du domaine : les frontières entre l’artistique et l’utile sont difficiles à tracer… Les lignes de démarcation entre l’œuvre d’art, l’objet d’équipement, domaines emboîtés les uns dans les autres dont on éprouve le besoin d’embrasser l’unité et d’expliciter les valeurs différentielles. (…) Il s’agit [pour la discipline de l’histoire de l’art] de passer de l’ère du musée à celle de l’Inventaire général. »

L’inventaire est considéré comme jamais complet, une partie de la création contemporaine entrant déjà au patrimoine : Cf. l’œuvre de Perret et de Le Corbusier, dont certaines réalisations seront protégées alors que le premier était mort en 1954 et le second toujours vivant au moment des arrêtés de classement).

3.     Depuis les années 1970, poursuite de l’extension de la notion de patrimoine, déconcentration, décentralisation

a.       L’extension de la notion de patrimoine

L’historien Pierre Nora relève différents indices de l’extension de la notion de patrimoine dans les années 1970, par exemple avec :

  • La transformation en musée de la gare d’Orsay, promise à la destruction sous Pompidou[91] (1977) ;
  • La mise en place de la Mission et du Conseil du patrimoine ethnologique en 1980[92];
  • La signature de la charte des écomusées en 1981[93].

Selon l’historien Philippe Poirrier[94], par l’action du ministère de la Culture, l’État a joué un rôle prépondérant dans l’élargissement du sens de la notion de patrimoine dans les années 1980-90. L’expression « nouveaux patrimoines » apparaît dans les années 1980, avec Jack Lang[95] : ethnologie, photographie, patrimoine industriel, et des campagnes thématiques ont lieu : protection de gares, de théâtres, de cinémas, du patrimoine industriel -doc.1 p.288. L’élargissement de la notion de patrimoine dans les années 1980 -Cf. également la création de la Journée du Patrimoine en 1984.

On assiste à une formidable extension de la notion de patrimoine allant jusqu’au présent, depuis les sites de centre-ville aux paysages, à tous les témoignages de la vie quotidienne : fermes, lavoirs, boutiques, usines…. D’où un changement de sens, pointé par l’historien Dominique Poulot : « La métamorphose de la notion de patrimoine a fait de lui (…) le contraire de ce qu’il était : du plus élevé et du plus rare de la création, il est passé au quotidien le plus traditionnel. Il relevait par définition de ce qui était hors d’usage, soustrait à l’univers marchand, appartenait au monde des archives, des musées. Il joue un rôle central dans l’économie des sociétés démocratiques. Il était l’expression de la culture et même de la plus haute, il a envahi la nature elle-même. Bref, c’étaient autrefois les traces les plus remarquables du passé : c’est aujourd’hui la totalité des traces du passé en tant que passé. Le patrimoine a quitté son âge historique, national et monumental pour entrer dans un âge mémoriel, social et identitaire. »[96]

Cartes p.284-285- Tandis qu’on observe une diminution des mesures de protection du bâti ancien[97], la notion s’étend au « patrimoine immatériel », fait de traditions orales, de spectacles vivants, de modes de vie, savoir-faire liés au travail, rituels, langues, loisirs, dont on ne peut pas identifier l’origine ou les auteurs. La France a rejoint tardivement ce mouvement international de reconnaissance du patrimoine immatériel, faisant reconnaître au titre du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO le fest noz breton (2012)[98], l’équitation de tradition française (2011), le compagnonnage, réseau de transmission des savoirs et des identités par le métier (2010), la fauconnerie, un patrimoine humain vivant (2010), le repas gastronomique des Français (2010), le savoir-faire de la dentelle au point d’Alençon (2010), les ostensions septennales limousines[99], le Maloya, un genre musical de la Réunion (2009), le cantu in paghjella de Corse (2009)[100], la tapisserie d’Aubusson (2009), la tradition du tracé dans la charpente française (2009), les Géants et dragons processionnels (2008).

b.      Les transformations des politiques patrimoniales

L’historien de l’art Jean-Michel Leniaud avait mis l’accent[101] sur le lien entre construction nationale, centralisation de l’État et politique patrimoniale pour constater in fine que les politiques patrimoniales contemporaines se détachaient des intentions unitaires initiales pour correspondre de plus en plus à des « mémoires singulières » ; analyse confirmée deux décennies plus tard par le philosophe Krzysztof Pomian[102], selon qui le patrimoine culturel est désormais mis au premier plan comme moyen de définir une identité nationale non plus homogène et consensuelle mais constituée d’une diversité de mémoires particulières.

Ce processus accompagne le vaste mouvement de déconcentration et de décentralisation opéré par la France depuis les années 1980 : Cf. mise en place des commissions régionales du patrimoine historique, archéologique et ethnologique (COREPHAE), avec les lois de décentralisation de 1983 -Vocabulaire p.286, ou encore la création en 1987 de l’École du patrimoine[103], école d’application chargée d’assurer la formation des conservateurs de l’État et des collectivités locales. Cf. également la loi de décentralisation de 2004, qui confère aux régions la responsabilité de l’Inventaire.

Dans leur (modeste) budget culturel, le patrimoine représente le premier poste de dépenses des collectivités territoriales. En effet, les retombées économiques liées au tourisme autant que les aspects symboliques et identitaires liés au patrimoine constituent pour elles un enjeu important.

Conclusion

La tentation d’une privatisation ?

À sa fondation en 1996, les missions attribuées à la fondation du patrimoine[104], née en 1996 (identifier le patrimoine en danger, le sauver et le valoriser) n’ont rien de nouveau. En revanche, l’évolution du financement de ses projets (bibliothèque Fesch d’Ajaccio, beffroi de Béthune…) montre l’importance croissante du mécénat, directement (10 millions en 2019) ou par le biais des lotos du patrimoine (25 millions en 2019)[105].

 Dans un contexte de désengagement patrimonial de l’État -doc.5 p.289, la mission « patrimoine en péril » confiée Stéphane Bern par le président en 2017 incarne cette tendance à l’appel au mécénat -doc.3 p.289. L’importance croissante du mécénat.

B.    La patrimonialisation, entre héritage culturel et reconversion. Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais

Introduction

Jalon p.290-291- Le Bassin minier du Nord-Pas de Calais correspond à la partie française du filon charbonnier du Nord-Ouest européen. Au sein d’une plaine largement ouverte, il s’étend sur environ 120 km, traversant les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais -Carte p.291. Après trente années de désindustrialisation et d'effacement des traces de son passé minier, le Nord-Pas-de-Calais fait l'objet, depuis les années 2000, d'une revalorisation de sa mémoire ouvrière.

Comment la valorisation et la protection du patrimoine contribuent-elles à la reconversion de ce bassin minier ?

1.     Reconversion

La reconversion des friches industrielles consiste à accompagner la mutation des territoires et de leurs infrastructures vers d’autres usages ; l’exemple le plus souvent cité de reconversion est celui de l’aménagement d’une base de loisirs sur l’ancien site minier de Nœux-les-Mines (fermé en 1962), « Loisinord » (1994), dotée en 1996 d’une piste de ski synthétique installée sur un terril. Ces friches industrielles du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais accueillent également, en plus des services courants, des infrastructures touristiques -doc.4 p.291. La mise en tourisme d’un site minier, ou culturelles comme Le Louvre Lens, et de nouvelles activités économiques, comme l’audiovisuel à Arenberg ou la « serre numérique » de Valenciennes.

Ces reconversions portent souvent la marque d’une forte préoccupation environnementale, qui se traduit non seulement par un nécessaire effort de dépollution des sols, mais aussi par des aménagements ambitieux, qui visent à faire de ces anciens « pays noirs » des « pays verts » : renaturation des terrils -doc.1 p.290. La reconversion du site minier de Loos-en-Gohelle, installation d’itinéraires de randonnées, de réserves naturelles, etc.

2.     Patrimonialisation

Rappel : la patrimonialisation est un processus par lequel un territoire, compte tenu de son histoire, de ses traditions, de ses paysages, devient un patrimoine culturel ou naturel. La patrimonialisation concerne de plus en plus l’industrie, avec l’émergence de la notion de patrimoine industriel, qui tend à valoriser et à conserver ses traces matérielles en même temps que sa mémoire. En France, la notion de « paysage culturel » s’appuie sur certaines initiatives des années 1980 et 1990, comme les travaux de la Mission du patrimoine ethnologique du Ministère de la Culture. Elle peut également être reliée à la multiplication des revendications mémorielles locales, c’est-à-dire également une exigence de reconnaissance d’identités sociales et communautaires propres à chaque pays et région.

C’est le sens qu’il faut donner à l’inscription du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais par l’UNESCO en 2012 -doc.2 p.290. L’inscription… Pour l’UNESCO, ce bassin minier donne un exemple important et bien conservé des charbonnages et de l’urbanisme qui lui est associé. Ses paysages, résultant d’une quasi-mono-industrie extractive, comprennent :

  • des éléments physiques et géographiques[106],
  • un patrimoine industriel minier[107],
  • des vestiges des équipements de transports dit cavaliers[108],
  • un habitat ouvrier et un urbanisme caractéristique[109],
  • des éléments monumentaux et architecturaux témoins de la vie sociale[110],
  • enfin des lieux de mémoire et de célébration de l’histoire du Bassin et de ses mineurs[111].

Conclusion

Inscrit en 2012 au patrimoine mondial de l'UNESCO, l’héritage culturel et paysager du bassin minier du Nord-Pas-De-Calais, valorisé et préservé, est désormais mis au service de la reconversion et du développement local.

C.    Le patrimoine, facteur de rayonnement culturel de la France dans le monde et objet d’action diplomatique (un exemple du patrimoine immatériel : le repas gastronomique des Français)

Introduction

Jalon p.292-293- La France dite « gastronomique », cette terre de produits d’exception, d’une cuisine fabuleuse, de cuisiniers magiciens et de consommateurs connaisseurs est au cœur d’un vaste débat. Alors que la cuisine française se mondialise à grande vitesse (plus de 4 milliards de burgers ont été consommés en France l’année dernière) nombreux sont ceux qui entretiennent la mythologie d’un pays hyper-gastronomique, à commencer par le premier des citoyens à la table présidentielle. Cette résistance à l’uniformisme est d’autant plus vigoureuse qu’elle repose sur un ensemble de textes qui renforcent cette idéologie nationaliste, l’idée qui « va-de-soi » sur le plan national (comme international) d’une supériorité de la cuisine française. Cette argument politique, géopolitique, s’est affirmé avec la reconnaissance du repas gastronomique des Français par l’UNESCO en 2010 -Vocabulaire p.292. Cette patrimonialisation d’une des fiertés de la culture française donne un nouvel élan à une diplomatie culinaire toujours plus d’actualité.

Dans quelle mesure le repas gastronomique des Français est-il devenu un outil du soft power français ?

1.      Un savoir-faire français reconnu….

a.       Le repas gastronomique, partie intégrante de l’identité du pays

C’est entre la fin du XVIe siècle et la première moitié du XVIIe qu’une nouvelle cuisine aristocratique en France diffuse un goût « à la française », avant qu’un nationalisme culinaire prenne forme à partir du XIXe siècle, d’abord dans l’œuvre du plus grand cuisinier de ce siècle, Marie-Antoine (dit Antonin) Carême (1783-1833).

Carême proclame ainsi dès 1815 que la cuisine française est « la plus savante et la plus estimée de toute l’Europe ».

La IIIème République (1870-1940) voit une dramatisation de cette mythologie gastronomique. Le sentiment national, surtout après les défaites et crises de 1870-1871, surgit plus fort que jamais. Les théoriciens français de l’art culinaire comme Pampille[112] veulent mettre à l’honneur « quelques-unes des bonnes traditions françaises », et insistent sur le lien indissoluble entre la terre de France et une construction proprement nationale. À la fin du XXe et en ce début de XXIe siècle, la cuisine française vit toujours intensément sa mythologie, notamment via les médias sociaux, mais aussi des émissions gastronomiques rassemblant des millions de téléspectateurs comme Top chef, ou Un diner presque parfait.

b.      La patrimonialisation du repas gastronomique des Français, une étape décisive

Doc.1 p.292. L’inscription au patrimoine culturel immatériel de l’humanité- Le classement par l’UNESCO du repas gastronomique des Français en 2010 vient parachever ainsi plusieurs siècles d’exception culinaire française[113].

L’organisation onusienne a choisi de reconnaître non pas une recette en particulier ou un élément culinaire, mais plutôt une pratique sociale liée à la gastronomie. C’est donc le plaisir de préparer les mets mais aussi de les gouter et partager, du temps passé à table qui sont reconnus et célébrer ici. Ainsi derrière l’appellation « gastronomique » on souligne la convivialité inhérente au repas. La gastronomie est ainsi associée à une culture intégrant des valeurs et fait partie intégrante de l’identité nationale.

Ce savoir-faire gastronomique français attire. Il s’est depuis largement diffusé en Amérique du Nord et au Japon notamment où il est synonyme de raffinement. L’installation de chefs étoilés français à l’étranger comme Alain Ducasse et Joël Robuchon constituent des marqueurs culturels du prestige français et de la puissance de son soft power : La cuisine et plus particulièrement le repas gastronomique français sont en effet des éléments indissociables de la puissance français et de son influence…

2.     …Outil d’une diplomatie culinaire qui s’internationalise

La gastronomie, très tôt, a été considérée comme un outil politique et diplomatique de premier plan. Dès le règne de Louis XIV avec le maître d’hôtel François Vatel[114] et surtout sous l’Empire avec le chef Antonin Carême, l’art culinaire et la politique sont liés. Au congrès de Vienne (1814-1815), l’ambassadeur Talleyrand affirme ainsi « Donnez-moi de bons cuisiniers, je vous ferai de bons traités ». Son cuisinier, Antonin Carême, se chargea d’étourdir les grands de l’Europe en faisant défiler jusqu’à 48 entrées (!) sans parler des pâtisseries dont il avait le secret, en forme de châteaux ou d’architectures imaginaires.

Doc.3 p.293. La gastronomie, un objet d’action diplomatique-

La politologue américaine Johanna Mendelson-Forman distingue deux concepts liés à la gastronomie dans les relations internationales :

  • La diplomatie culinaire. La diplomatie culinaire désigne l’utilisation des repas, dans un contexte de relations intergouvernementales, pour transmettre un message non verbal. Cette définition ne se limite pas aux bons plats et aux vins fins servis pour détendre l’atmosphère et faciliter des négociations. Le repas peut aussi amener à mieux « ingérer » des paroles ou « digérer » un accord. Cela a notamment été le cas en 1961 lors d’un diner fastueux organisé au palais de Versailles entre les présidents De Gaulle et Kennedy pour apaiser les tensions entre les deux pays[115].
  • La gastrodiplomatie : Formulé pour la première fois en 2002 dans un article de The Economist, ce terme désigne la stratégie d’un État qui consiste à utiliser ses traditions culinaires comme un vecteur de puissance. L’utilisation de la gastronomie comme outil du soft power s’est intensifiée depuis le classement par l’UNESCO, la France multipliant les initiatives pour promouvoir le rayonnement français à l’échelle mondiale, comme la semaine du goût -doc.2 p.292. Le rayonnement gastronomique de la France ou l’organisation annuelle de l’évènement « goût de France / Good France », lancé en 2015[116] -doc.4 p.293. La nourriture devient donc à la fois un argument touristique, attirant les étrangers en quête de dépaysement ; un facteur de dynamisme économique, stimulant les exportations[117] -doc.5 p.293. Le poids économique des produits français; et un outil de soft power, valorisant l’aura symbolique du pays. La gastrodiplomatie revient donc à utiliser son pays comme une marque, en misant sur l’identité culturelle d’un État. D’après le géographe Pierre Raffard[118], certains pays (Italie, Thaïlande, Corée du Sud, Pérou…) semblent avoir pris une certaine avance sur la France dans le développement de l’arme de la gastrodiplomatie.

Conclusion

La gastronomie constitue une vitrine politique ainsi qu’une source de rentabilité, de fierté et d’influence, pour la France bien sûr, mais aussi pour toutes les nations[119] soucieuses de leur soft power. De plus en plus de pays ont donné comme mission à leur gastronomie de renforcer leur soft power, ouvrant un nouveau champ de compétition dans les relations internationales.

Conclusion de l’objet de travail conclusif

Révisions p.296-297

Sujets bac p.298-299

Conclusion du thème

Révisions du thème p.300-301

Grand oral p.302-303


[1] « Patrimoine vient du latin patrimonium, dérivé de pater, signifiant père. Le patrimoine est un bien d’héritage qui descend suivant les lois, des pères et des mères à leurs enfants » (Le Littré, 1960).

[2] Sous l’Ancien régime, des demeures de la Couronne comme le château de la Muette ou le château du bois de Boulogne, jugées trop difficiles trop difficiles à entretenir, sont détruites.

[3] Monument signifie ici édifices, tombeaux, statues, vitraux, tout ce qui peut fixer, illustrer, préciser l’histoire nationale.

[4] Cf. la Bastille, par exemple.

[5] Cf. https://histoire-image.org/etudes/vandalisme-revolutionnaire

[6] Pour l’abbé Grégoire, le premier à parler de « vandalisme » en référence aux Vandales qui saccagèrent Rome en 455, il s’agit d’une « atteinte criminelle au patrimoine ».

[7] Victor Hugo : « Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde ; c’est donc dépasser son droit que de le détruire. »

[8] La première mission photographique publique de l’histoire, bien avant Dorothea Lange !

[9] À consulter sur le site de l’UNESCO : le centre de Varsovie.

[10] À consulter sur le site de l’UNESCO : la reconstruction du Havre.

[11] Cf. ci-après, Axe 1, Jalon 2.

[12] « Il y a un trop plein mémoriel et patrimonial (« tyrannie de la mémoire »). Affolés par l’emballement de l’histoire, la crise perpétuelle, accablés par le « devoir de mémoire » qui nous enjoint de ne rien oublier, nous serions enclins à vouloir tout garder, tout conserver » (Laurent Martin, Les politiques du patrimoine en France depuis 1959)

[13] https://fr.unesco.org/about-us/introducing-unesco

[14] https://whc.unesco.org/fr/list/

[15] Parmi les dix premiers États comptant le plus de sites inscrits dans la liste, on trouve six pays d’Europe (Italie, Espagne, Allemagne, France, Royaume Uni, Russie)

[16] Gérald GRUNBERG, « De quoi « Mémoire du monde » est-il le nom ? : patrimonialisation générale et patrimoine documentaire », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2016, n° 7, p. 32-45 (en ligne).

[17] La France compte 18 éléments inscrits dont le carnaval de Granville, le gwoka (musique, chants, danses de la Guadeloupe), le repas gastronomique des Français, la tapisserie d’Aubusson ou encore les ostentions septennales limousines...

[18] https://ich.unesco.org/fr/qu-est-ce-que-le-patrimoine-culturel-immateriel-00003

[19] https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/data/788/reader/reader.html?t=1443796550005#!preferred/1/package/788/pub/789/page/22

[20] Cf. « Mondialisation, patrimoine et tourisme en Éthiopie : la petite ville sacrée de Lalibela », sur le site Géoconfluences.

[21] Cf. https://whc.unesco.org/fr/actualites/522

[22] Cf. https://www.dailymail.co.uk/news/article-7106855/Wrecked-mosques-police-watch-A-tense-Ramadan-Xinjiang.html

[23] Par exemple, la fausse préfecture de Tourfan : présentée comme ancienne par les tours opérateurs, elle a été construite en 2004 et au temps des Tang (VIIe-IXe siècles), il n’y a jamais eu de préfecture sur ce lieu. Un magnifique bâtiment neuf d’opérette rivalise avec la mosquée d’Imin toute proche, véritable joyau du XVIIIe siècle.

[24] Cf. https://www.france24.com/fr/20170707-hebron-unesco-patrimoine-mondial-israel-proteste-palestiniens-cisjordanie-occupation

[25] Cf. « le boulanger, la boulangère et le petit mitron ! »

[26] « Louis-Philippe fait son histoire de France », Eric Landgraf, L’Histoire n°453, novembre 2018

[27] NB : Louis-Philippe s’enorgueillit alors de la conquête de l’Algérie.

[28] Cf. https://www.franceculture.fr/conferences/ecole-nationale-des-chartes/le-versailles-des-presidents + https://www.chateauversailles.fr/actualites/vie-domaine/fabien-oppermann#sa-biographie

[29] C. de Gaulle y recevra les Kennedy en 1961, F. Mitterrand un G7 en 1982 et B. Eltsine en 1992, F. Hollande Xi Jin Ping en 2014, E. Macron V. Poutine en 2017 -doc.4 p.255, Versailles, lieu de rencontre diplomatique, etc.

[30] …où le président de la République dispose d’une résidence : La Lanterne.

[31] Discours de Mélina Mercouri  en 1986 à l’Oxford Union : « Vous devez comprendre ce que représentent pour nous les Marbres du Parthénon. Ils sont notre fierté. Ils sont nos sacrifices. Ils sont notre symbole d’excellence le plus noble. Ils sont notre contribution à la philosophie démocratique. Ils sont notre aspiration et notre nom. Ils sont l’essence de notre grécité ».

[32] « porteur de sens »

[33] …qui les expose pour ses millions de visiteurs annuels.

[34]   L’original du document écrit et signé par la chancellerie du sultan en arabe a disparu ; seule une traduction en italien est conservée à Londres et c’est sur elle que s’appuie le British Museum.

[35] La dénomination même de marbres d’Elgin hérisse au plus haut lieu les Grecs dans leur ensemble. Ainsi dans son discours de 1986, la ministre grecque de la Culture Mélina Mercouri n’hésita pas à dire : « Car il s’agit bien des Marbres du Parthénon. Il n’existe pas de Marbres d’Elgin. Il y a un David de Michel-Ange. Il y a une Vénus de Léonard de Vinci. Il y a un Hermès de Praxitèle. Il y a un Pêcheur en mer de Turner. Il n’y a pas de marbres d’Elgin ! ».

[36] Besoin de vous rafraîchir la mémoire sur Antigone, l’héroïne de Sophocle qui brava la volonté royale de son oncle Créon pour accomplir les rites funéraires dus à son frère Étéocle ? Merci Wikipédia !

[37] Imparable ? Non : Cf. principe juridique de non-rétroactivité de la loi.

[38] Le président grec Karolos Papoulias lors de l’inauguration du nouveau musée de l’Acropole : « Aujourd’hui le monde entier peut voir rassemblées les plus importantes sculptures du Parthénon, mais certaines manquent, c’est le moment de cicatriser les plaies du monument avec le retour des marbres qui lui appartiennent ».

[39] Dans un sondage de 2018, 56% se disent favorables à une restitution contre 20% opposés et le 23 février 2020 le quotidien « The Guardians » a même publié un article en faveur de ce retour.

[40] Cf. la position officielle de la France, qui vient d’adopter une loi pour restituer un nombre limité d’objets au Bénin et au Sénégal -Points de vue p.258-259. Faut-il rendre des œuvres d’art aux États africains ?

[41] Depuis 1991, les rives de la Seine sont inscrites au patrimoine de l’UNESCO.

[42] https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/ac/Plan_de_Paris_vers_1550_color.jpg

[43] La Révolution achève de lui donner cette primauté, avec le symbole de la prise de la Bastille.

[44] Le pouvoir religieux demeurait sur l'île de la Cité avec l'évêque de Paris.

[45] Le peuple de Paris est à l'origine de mouvements aussi différents que les révoltes menées par Étienne Marcel, prévôt des marchands (1358), la Révolution française (1789), les révolutions du XIXe siècle (1830, 1848) ou la Commune de Paris (1871), auxquelles s'ajoutent des mouvements plus contemporains comme celui des étudiants en mai 1968, ainsi que des mobilisations plus récentes : « gilets jaunes », retraites, agriculteurs…

[46] Nous pouvons distinguer les espaces de l'unité nationale comme le Panthéon ou les Champs-Élysées, lieu des défilés du 14 juillet et de leur descente par le général de Gaulle à la Libération de Paris. Les partis de droite parcourent volontiers ce secteur pour leurs manifestations, comme celle en faveur de De Gaulle en 1968 sur les Champs-Élysées ou les victoires à l'élection présidentielle en 1995 et 2007 place de la Concorde. Les mouvements d'extrême droite ont pour repère la statue de Jeanne d'Arc place des Pyramides. Les partis et syndicats de gauche défilent plus volontiers à l'Est de la ville, entre les places de la République, de la Nation et de la Bastille. Le mur des Fédérés est un autre point de repère de l'histoire de la gauche et de l'extrême gauche françaises.

[47] Par exemple : le boulevard de Strasbourg (avec au sud, le Tribunal de commerce et au nord la gare de l'Est) et l'avenue de l'Opéra qui relie ce dernier au Louvre.

[48] Des circuits articulés autour de vastes places-carrefours et de grands boulevards rectilignes sont établis, au prix de nombreuses destructions (« percées »).

[49] Multiplication des plantations d'alignement et des squares. Les bois de Boulogne et de Vincennes prennent alors leur aspect actuel, comme les parcs qui recyclent des espaces délaissés, comme la carrière des Buttes Chaumont. La multiplication des espaces verts répond à des préoccupations esthétiques et hygiénistes exprimées depuis le XVIIIe siècle. C'est dans cette logique que les cimetières sont installés à la périphérie (Montparnasse, Père Lachaise), libérant de nouveaux espaces, comme la place des Innocents, et que sont chassées les tueries du cœur de la ville transfert des abattoirs à la Villette et à Vaugirard.

[50] Cf. notamment le transfert en 1969 des Halles installées en plein centre depuis le XIIe siècle à une quinzaine de kilomètres au sud de la capitale, à Rungis.

[51] En face de Bercy, l'opération Paris Rive gauche s'est développée sur les emprises ferrées de la gare d'Austerlitz, autour de la Bibliothèque nationale de France, entrainant la construction d’une nouvelle génération de tours d’habitation.

[52] D’un certain point de vue, les grands projets présidentiels, du centre Georges Pompidou (1977) au musée du Quai Branly (2006), en passant par le musée d'Orsay, le parc de la Villette, et les projets mitterrandiens du Grand Louvre, de l'Opéra Bastille ou de la bibliothèque F. Mitterrand, font écho à la monumentalisation du Second Empire, volonté de Napoléon III.

[53] Cf. le plan Voisin de Le Corbusier dès 1922, avec des immeubles de 60 étages au cœur de la rive droite parisienne, puis les projets élaborés en 1930 dans le cadre du concours Rosenthal pour l'aménagement de la porte Maillot auquel ont participé les frères Perret, Mallet-Stevens, Le Corbusier... Tous intégraient systématiquement des tours dans une composition générale axée sur la « voie triomphale » de développement de la capitale vers l'ouest. À lire pour approfondir sur le site Retronews, les « échos de presse » sur Le Corbusier et le brutalisme.

[54] Cf. Anne-Lise Carlo, « Le retour en grâce des gratte-ciel à Paris », Le Monde, 15 septembre 2017.

[55] Voie rapide en rocade, aérienne sur la plus grande partie de son parcours, réalisée entre 1953 et 1973.

[56] Deux tiers des emplois parisiens sont occupés par des banlieusards, tandis qu'un Parisien sur trois travaille hors de la capitale.

[57] Moteur économique national produisant 29% du PIB annuel, la région Île-de-France rayonne aussi hors des frontières. Première région d'accueil des investissements étrangers, elle est, après Tokyo, le deuxième pôle d’implantation des 500 plus grandes entreprises du monde.

[58] L'opération principale de déconcentration des activités de bureaux au profit des périphéries immédiates de la capitale depuis les années 1950 a été la création du quartier d’affaires de la Défense.

[59] Cf. le campus géométrique de Jussieu, tout de métal et de verre, ou les étranges tours accolées du site de la rue de Tolbiac.

[60] À Vincennes puis à Saint-Denis, mais surtout à Nanterre, Orsay, Créteil et Villetaneuse, sur des campus d'une étendue impensable à Paris.

[61] C’est de cette période que date la grande perspective est-ouest dessinée par Le Nôtre à partir du Louvre et prolongée à l'ouest par les Champs-Élysées, en direction de Saint-Germain-en-Laye.

[62] Omnibus hippomobiles, puis automobiles à partir de 1906 ; chemin de fer inauguré en 1837 ; bateaux-poste sur la Seine et le canal de l'Ourcq ; lignes de tramway, d’abord hippomobiles, puis électriques à partir de 1900 (supprimés en 1932)

[63] Cf. la piétonnisation des voies sur berges, par exemple. Aujourd’hui, les Parisiens sont les Français les moins motorisés : moins de 50% des ménages possèdent un véhicule

[64] La moitié des emplois français dans les services aux entreprises sont concentrés à Paris, de même que dans le secteur des banques et des assurances. Par ailleurs, la valeur ajoutée francilienne dans les services aux entreprises équivaut à 82% de celle du reste de la France.

[65] Les pépinières Paris Santé Cochin dans le XIVe arrondissement pour les biotechnologies et rue des Haies dans le XXe arrondissement pour la vie numérique et les jeux vidéo ont été ouvertes en 2007, l’Institut de la vision (hôpital des Quinze-Vingts) en 2008 et l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (hôpital de la Pitié-Salpétrière) en 2010.

[66] La ville y gagne même, en 1889, le monument qui la symbolise le plus clairement aux yeux du monde : la tour Eiffel. Illustration du savoir-faire des ingénieurs français et réalisation d'une grande audace lors de son érection, le monument semble avoir étrangement perdu son caractère industriel pour se draper aujourd'hui dans un voile de ce romantisme que le monde entier se plaît à attribuer à Paris. La légèreté de la silhouette de « la vieille dame » conçue par Gustave Eiffel, son emplacement privilégié et l'habileté de ses promoteurs, qui ont su l'exalter par un nouvel éclairage nocturne, ont contribué à en faire le phare idéal de la Ville-Lumière.

[67] Guerlain, Chanel, Dior, Hermès, Cardin ou Gaultier…

[68] Cartier, Pierre Bergé-Saint-Laurent…

[69] Cf. le choix de cette ville pour l'exposition internationale universelle de 1900, « l'exposition du siècle ».

[70] NB. Le parc d’attraction Disneyland Paris contribue également à cette attractivité.

[71] Le lien entre muséification et tourisme est interrogé par des chercheurs de plus en plus nombreux. Cf. par exemple A. Martin, « Le tourisme urbain et la muséification : Décryptage d’une notion méconnue- Concept, processus et enjeux spatiaux à Paris » (mémoire de master consultable en ligne)

[72] …à ne pas confondre avec muséalisation -Vocabulaire p.266.

[73] Cf. deux tribunes publiées dans Le Monde en 2020 : « Une reconstruction ‘à l’identique’ ne peut être que réactionnaire » (par l’universitaire Augustin Besnier), et « Notre-Dame : l’architecture et l’amnésie » (par l’architecte Jean Nouvel)

[74] Villes de Tombouctou et Djenné, falaises de Bandiagara (paysage + culture), tombeau des Askia à Gao.

[75] Du IIIe au XIIIe siècle, cet Empire s’étend dans la zone frontalière actuelle entre le Mali et la Mauritanie.

[76] Le dernier coup d’État remonte au 28 mai 2021. Cf. Cyril Bensimon, Morgane Le Cam (Bamako, envoyée spéciale) et Élise Vincent « Comment le Mali a vécu un deuxième coup d’État en moins d’un an », Le Monde, 31 mai 2021.

[77] Cf. Communiqué de la présidence de la République (15 août 2022).

[78] Cf. Julien Loiseau, « L'islam, ses tombeaux et ses saints au Mali », Le Monde, 11 juillet 2012.

[79] Ainsi, grâce à la résolution 2100 du Conseil de sécurité, créant la MINUSMA, le mandat de l’ONU intègre la protection du patrimoine culturel. Les 1800 militaires déployés ont même bénéficié d’une formation aux enjeux patrimoniaux.

[80] Cf. « Procès de Tombouctou : un pas décisif vers la paix et la réconciliation au Mali », Site officiel de l’UNESCO.

[81] …contre 278 milliards (plus de 423 millions d’euros) à la défense.

[82] Venise est le résultat d’une organisation en un système urbain de plusieurs dizaines d’ilots qui associent dans une agglomération, une petite ville, une bourgade de pêcheurs ou un village d’artisans comme les verriers de Murano.

[83] À écouter, le Podcast de l’émission de France Culture « Géographie à la carte » (2022) : Plongée dans la carte de Venise.

[84] Le chantier a été l’occasion d’un gigantesque système de surfacturations et d’appels d’offres truqués.

[85] …menace récurrente, à nouveau répétée durant l’été 2023, mais pas mise à exécution (septembre 2023)

[86] C. Hottin, Y. Potin, « Le patrimoine pourquoi, comment, jusqu’où ? », La documentation photographique 8099, 2014

[87] André Malraux est ministre des Affaires culturelles de 1959 à 1969

[88] Cf. décret fondateur du ministère : « Rendre accessibles les œuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre de Français, assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et favoriser la création des œuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent »

[89] Plus précisément les Trianon à la fois comme Musée et palais « princier » pour la République.

[90] Premiers secteurs sauvegardés : Lyon, Sarlat, Uzès.

[91] Doc.1 p.288. Quand l’opinion s’empare d’une question patrimoniale- La destruction des Halles de Baltard en 1971 avait avivé la conscience de l’intérêt du bâti industriel ou utilitaire, déclenchant un grand mouvement de réhabilitation de l’architecture et de l’art du XIXe siècle, en réaction au modernisme des années 1950 et 1960.

[92] Cf. https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Ethnologie-de-la-France/Qu-est-ce-que-l-ethnologie-de-la-France-et-du-patrimoine

[93] Un écomusée est une institution culturelle permettant la recherche, la présentation, la conservation et la mise en valeur d'un ensemble de biens naturels et culturels sur un territoire, représentatifs d'un milieu et des modes de vie qui lui sont rattachés.

[94] P. Poirrier, « L’évolution de la notion de patrimoine dans les politiques culturelles menées en France sous la Ve République », in Le Regard de l’histoire. L’émergence et l’évolution de la notion de patrimoine au cours du XXe siècle en France, Actes des Entretiens du Patrimoine 2001, Fayard 2003

[95] Jack Lang : ministre de la Culture de 1981 à 1986, puis de 1988 à 1993.

[96] D. Poulot (dir.), Patrimoine et modernité, Paris, 1998

[97] En 2010, indique Françoise Benhamou dans Économie du patrimoine culturel (2012), on comptait 43 720 monuments protégés, dont 14 428 classés, 1 216 musées nationaux et 627 zones protégées. Le nombre d’arrêtés de protection de monuments est passé de 1 299 pour la décade 1990-2000 à 629 pour 2000-2010.

[98] Cf. site de l’UNESCO.

[99] Cf. site de l’UNESCO.

[100] Cf. site de l’UNESCO.

[101] Jean-Michel Leniaud, L’Utopie française, essai sur le patrimoine (1992)

[102] Pomian, Krzysztof. « Patrimoine et identité nationale », Le Débat, vol. 159, no. 2, 2010, pp. 45-56

[103] École nationale du patrimoine depuis 1990

[104] https://www.fondation-patrimoine.org/

[105] https://www.missionbern.fr/

[106] Terrils, terres agricoles, étangs d’affaissement minier, bois…

[107] Carreaux de fosses, bâtiments industriels résiduels, chevalements…

[108] Canaux, chemin de fer…

[109] Corons, cités-jardins, immeubles locatifs…

[110] Églises, écoles, châteaux des dirigeants, sièges sociaux des compagnies, locaux du syndicalisme ouvrier, gares, hôtels de ville, hôpitaux et centres de soins, salles des fêtes, équipements sportifs…

[111] Cf. les nombreux « musées de la mine » dans ces sites reconvertis -doc.3 p.291. Un ancien site minier à Arenberg, qui célèbrent la mémoire de la mine, y compris ses tragédies, comme la catastrophe de Courrières (1906).

[112] Alias Marthe Allard Daudet (1878-1960), journaliste, épouse du chroniqueur polémiste Léon Daudet, de L’Action française.

[113] Cf. site officiel de l’UNESCO.

[114] Au service de Nicolas Fouquet, surintendant des Finances, puis du prince de Condé (le Grand Condé)

[115] À l’inverse, certains faux pas culinaires sont à même de provoquer des incidents politiques comme cela a été le cas en 2015 lors de la visite du président iranien Hassan Rohani.

[116] Chaque année, sur tous les continents, sont organisés des « diners à la française ». 5 000 chefs français ont été ainsi mobilisés en 2019 pour la 5ème édition. « Goûts de France – Good France » a pour objectif de passer à 10 000 restaurants participants en 2022, avec l’ambition de promouvoir la cuisine française et ses produits, associés à l’art de vivre à la française. Cela comprend les arts de la table, la beauté de la vaisselle, des verres, des couverts, dont la France est aussi l’artisan à travers ses fameuses fabriques (porcelaine de Sèvres, cristalleries Daum ou de Baccarat, argenterie, etc.).

[117] Inversement, La gastronomie française est aussi un objet d’affrontements ; Cf. taxations à 100% des fromages et vins importés aux États-Unis, boycott des produits français dans certains pays du Golfe à la suite de l’hommage présidentiel à Samuel Paty…

[118] Pierre Raffard, « En avoir (ou pas) ? La France face à la tentation de la gastrodiplomatie », Les Grands Dossiers de Diplomatie n°75, août-septembre 2023.

[119] Vraiment toutes les nations : Cf. Hillary Clinton, en tant que candidate à l’élection présidentielle en 2016 face à D. Trump, qui  avait réuni un panel de chef américain afin de renforcer le soft power culinaire Made in USA.

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