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Sommaire

INTRODUCTION DU THÈME
INTRODUCTION. OCÉAN ET ESPACE : QUELLES SPÉCIFICITÉS ?
INTRODUCTION
A. LES SPÉCIFICITÉS DE L’OCÉAN, UN MILIEU LIQUIDE CONTRAIGNANT ET MÉCONNU
B. LES SPÉCIFICITÉS DE L’ESPACE EXTRA-ATMOSPHÉRIQUE

I. CONQUÊTES, AFFIRMATIONS DE PUISSANCE ET RIVALITÉS (AXE 1)
A. LES ENJEUX GÉOPOLITIQUES D’UNE CONQUÊTE : DE LA COURSE À L’ESPACE DES ANNÉES 1950 À L’ARRIVÉE DE NOUVEAUX ACTEURS
1. L’espace comme lieu d’affrontements technologiques et idéologiques pendant la guerre froide
2. Le tournant post-guerre froide
Conclusion
B. AFFIRMER SA PUISSANCE À PARTIR DES MERS ET DES OCÉANS : LA DISSUASION NUCLÉAIRE ET LES FORCES DE PROJECTION MARITIMES
Introduction
1. Un club réduit de puissances pour un seul océan mondial
2. Les enjeux actuels

II. ENJEUX DIPLOMATIQUES ET COOPÉRATIONS (AXE 2)
INTRODUCTION
A. COOPÉRER POUR DÉVELOPPER LA RECHERCHE : LA STATION SPATIALE INTERNATIONALE
Introduction
1. Le défi technologique et scientifique
2. Le défi financier
3. Le défi géopolitique
Conclusion
B. RIVALITÉS ET COOPÉRATIONS DANS LE PARTAGE, L'EXPLOITATION ET LA PRÉSERVATION DES RESSOURCES DES MERS ET DES OCÉANS : DE LA CRÉATION DES ZONES ÉCONOMIQUES EXCLUSIVES À LA GESTION COMMUNE DE LA BIODIVERSITÉ
Introduction
1. De la mer libre à la découpe des océans
2. La protection des espaces maritimes et de la biodiversité
Conclusion : Vers un océan mondial retrouvé ?

III. LA CHINE : À LA CONQUÊTE DE L’ESPACE, DES MERS ET DES OCÉANS (OBJET DE TRAVAIL CONCLUSIF)
INTRODUCTION
A. UNE VOLONTÉ POLITIQUE D’AFFIRMATION (DISCOURS, INVESTISSEMENTS, APPROPRIATION)
Introduction
1. 1956-1986 : la Chine affirme sa souveraineté
2. 1986-2016 : des vecteurs d’affirmation de puissance
3. Depuis 2016 : affirmer sa puissance à l’échelle mondiale
B. DES ENJEUX ÉCONOMIQUES ET GÉOPOLITIQUES CONSIDÉRABLES POUR LA CHINE ET LE RESTE DU MONDE
Introduction
1. Les enjeux de l’expansion spatiale chinoise
2. Les enjeux des conquêtes maritimes chinoises
Conclusion

Manuel p.30-99

Introduction du thème

Introduction p.30-31- Par leur démesure et leur relative inaccessibilité, l’espace et les océans fascinent les sociétés, stimulant leur imaginaire et leur curiosité. L’exploration et la conquête de ces espaces présente des contraintes et des enjeux spécifiques.

De nature géopolitique, la conquête -Repère p.36 est essentiellement motivée par une volonté d’affirmation et de développement des États. Les grandes puissances -Repère p.36, au cours de l'histoire, se sont construites par la maîtrise et la domination des territoires terrestres, des mers et des océans, prolongées par la conquête spatiale.

Cette conquête, notamment pour le contrôle et l’appropriation des ressources, s’est accélérée dans la seconde moitié du XXe siècle, souvent dans un contexte de rivalités, en particulier durant la guerre froide. Elle implique aujourd'hui de nouveaux acteurs, et elle s'accompagne de fortes rivalités géopolitiques. Malgré les tensions, les défis technologiques, scientifiques et humains ont suscité des coopérations internationales -Repère p.36 afin de préserver des espaces vulnérables dans l'intérêt commun.

L’étude de ce thème a un double objectif : identifier, au-delà des territoires terrestres, les possibilités d’affirmation et de développement des États liées à la conquête de l’espace et de l’océan ; comprendre les défis et rivalités qui en découlent avec l’entrée en jeu de nouveaux acteurs, notamment les entreprises privées.

Comment la puissance s’affirme-t-elle dans les nouveaux espaces de conquête ?

Introduction. Océan et espace : quelles spécificités ?

Manuel p.32-37

Introduction

La pénurie prévisible des ressources terrestres et l’exploration achevée de toutes les terres émergées poussent les hommes à entreprendre la conquête de nouvelles frontières, où ils pourraient trouver d’abondantes ressources et affirmer leur puissance. Ces nouvelles frontières convoitées sont l’océan et l’espace extra-atmosphérique -Vocabulaire p.33, réservoirs potentiels de ressources, de connaissances scientifiques et de prestige pour qui parviendra à les découvrir, les explorer et les maîtriser. Océans et espace extra-atmosphérique peuvent être envisagés comme les nouvelles formes de la Frontier[1].

L’appropriation des espaces océanique et extra-atmosphérique a été et est encore l’objet de rivalités entre grandes puissances, puissances émergentes et nouveaux acteurs privés. Enjeu géopolitique majeur, la course à la mer et à l’espace appelle d’importants moyens militaires pour projeter la puissance des États dans ces dimensions nouvelles. Elle pose aussi la question des coopérations, des frontières reconnues, de l’appropriation et de l’exploitation au regard du droit international et enfin de la protection de ces nouveaux espaces de conquête encore méconnus.

Les limites de la technologie expliquent encore notre incapacité à appréhender globalement la totalité des espaces océanique et extra-atmosphérique et à les explorer réellement, car l’exploration de ces nouveaux espaces de conquête n’est pas achevée : douze astronautes seulement ont aluni à 300 000 km de la Terre, et moins de cinq personnes ont exploré le point le plus profond des fosses océaniques (-10 900 mètres) -Vocabulaire p.33. Les progrès technologiques réalisés depuis plusieurs décennies permettent cependant de repousser l’horizon de nos connaissances et de notre maîtrise de ces espaces spécifiques -Chronologie p.32.

Océans et espace : quelles spécificités ?

A.    Les spécificités de l’océan, un milieu liquide contraignant et méconnu

L’océan mondial désigne toute l’eau des mers côtières et des océans[2] formant autour de la Terre un volume continu, à l’exception des mers dites annexes (la Méditerranée, par exemple). Constituant une seule et vaste étendue d’eau salée. Les étendues marines représentent :

  • 70,8% du globe pour 361 millions de km2, soit près de 2,5 fois la surface des continents ;
  • 97% de l’eau disponible sur la Terre pour 1 332 milliards de km3 d’eau -Chiffres clés p.33.

La connaissance et la maîtrise de la surface des océans se sont approfondies avec les « grandes découvertes », à partir du XVe siècle -doc.1 p.32. Magellan, navigateur et explorateur. Dès lors et jusqu’à aujourd’hui, les États n’ont eu de cesse de s’approprier les espaces maritimes pour affirmer leur puissance et pour accéder à de nouvelles ressources -la maîtrise de la haute mer devient un enjeu économique majeur au XXe siècle avec la progression de la pêche hauturière -doc.1 p.34. Des géants des mers dédiés à la pêche intensive et de l'exploitation des hydrocarbures offshore -d’où les évolutions du droit de la mer.

Le développement technologique n'a permis qu'une connaissance récente et incomplète des abysses, difficiles à explorer par des ondes électromagnétiques (lumière, radio), qui ne se diffusent pas à travers l’eau : seuls 20% des fonds océaniques ont été cartographiés[3] et 2% seulement ont été explorés. Pourtant, les abysses sont très convoités -doc.2 p.35. Mir-1, un sous-marin russe au fond de l’océan glacial Arctique, et ces convoitises sont au cœur d’enjeux géopolitiques et environnementaux. D’où la nécessité de développer la connaissance de ce milieu -Chronologie p.32 + doc.4 p.33. L’Atlas des océans des Nations unies + Exercice 1. La course aux abysses[4].

B.    Les spécificités de l’espace extra-atmosphérique

Si l’astronomie, apparue en Mésopotamie il y a environ 5 000 ans, n’a cessé de fasciner les sociétés humaines -doc.2 p.32. L’astronome + chronologie p.32, la conquête spatiale est plus récente et suit également les progrès technologiques de nos sociétés.

L’espace extra-atmosphérique s’identifie en opposition à l’atmosphère terrestre, et désigne le vide spatial entre l’atmosphère terrestre et d’autres astres. L’atmosphère se raréfie progressivement au fur et à mesure que l’altitude s’élève, et la limite entre l’espace aérien (celui des avions, avec les règles qui s’y appliquent) et l’espace extra-atmosphérique est difficile à fixer. Un consensus s’est établi pour adopter la ligne de Karman, qui sépare ces deux types d’espace à 100 km au-dessus du niveau de la mer (même si l’atmosphère est présente jusqu’à 700 à 800 km d’altitude).

L’espace extra-atmosphérique, qu’il soit proche ou lointain, présente des contraintes spécifiques qui freinent son exploration :

  • La distance : l’espace s’appréhende à l’aide d’une métrique spécifique, l’année-lumière, c’est-à-dire la distance parcourue par la lumière en une année, soit 9 460 milliards de kilomètres.
  • L’absence de gravité et d’air.
  • Les températures extrêmes.

L’espace extra-atmosphérique proche est de plus en plus encombré de satellites placés en orbite autour de la planète[5] :

  • Les deux tiers d’entre eux sont envoyés en orbite basse entre 500 et 2 000 kilomètres d'altitude avec des objectifs variés (télécommunication, imagerie terrestre ou météorologie).
  • L’orbite moyenne (entre 2 000 et 36 000 kilomètres) sert aux satellites de navigation tels le GPS[6].
  • Les autres satellites naviguent sur une orbite géostationnaire, à 36 000 kilomètres d'altitude, et ils restent au-dessus du même point ; ils sont utilisés pour les services de communication.

L’univers observable est un horizon à repousser, limité par la capacité de nos télescopes et notre capacité d’investissement dans ce domaine de recherche. L’université Lyon 1 et le CNRS ont publié en 2019 la plus grande cartographie de l’Univers dans un rayon d’un milliard d’années-lumière autour de la Terre -alors que l’horizon de l’espace observable atteint aujourd’hui environ 45 milliards d’années-lumière.

I. Conquêtes, affirmations de puissance et rivalités (Axe 1)

Problématique p.38 + Carte p.40-41. Les puissances navales et spatiales dans le monde- Le premier axe met en avant les rivalités entre États, en donnant une large place aux enjeux militaires, à la fois dans l’étude de la course à l’espace depuis les années 1950 et dans celle de la dissuasion -Vocabulaire p.41 nucléaire et des forces de projection maritime.

La conquête des océans depuis l’Antiquité et celle de l’espace dans la seconde moitié du XXe siècle constituent à la fois une manifestation et un instrument de la puissance d’un État. Cette volonté d’explorer et de s’approprier de nouveaux territoires est étroitement liée à des appétits de richesse et de puissance qui ont pour effet d’accroître les rivalités internationales.

Il s’agira ici de montrer que ces nouveaux espaces d’exploration, d’appropriation voire d’exploitation sont le théâtre d’une rivalité forte entre États, mais aussi entre acteurs privés. L’analyse de ces relations révèle les enjeux militaires affirmés tant dans la conquête spatiale depuis les années 1950 que dans la maîtrise navale des mers et des océans aujourd’hui.

Comment la puissance s’affirme-t-elle et évolue-t-elle dans la conquête de l’espace et des océans ?

A.    Les enjeux géopolitiques d’une conquête : de la course à l’espace des années 1950 à l’arrivée de nouveaux acteurs

Jalon p.46-47- L’objectif de ce jalon est de montrer combien, depuis plus de soixante ans, les rivalités entre les puissances sont les moteurs essentiels de la course à l’espace et du repoussement de la Frontier extra-atmosphérique. Théâtre d’affrontements aussi bien technologiques qu’idéologiques, l’espace est investi par les États pour asseoir leur souveraineté et leur ambition à l’échelle mondiale.

La fin de la guerre froide démultiplie le nombre d’acteurs nationaux et la course à l’espace se caractérise aujourd’hui par une implication croissante des entreprises privées, qui restent encore malgré tout sous la tutelle étatique.

Comment les rivalités de puissance s’expriment-elles dans la course à l’espace ?

1.     L’espace comme lieu d’affrontements technologiques et idéologiques pendant la guerre froide

Chronologie p.47- Les rivalités entre puissances sont les ressorts premiers et essentiels de la conquête et de la maîtrise progressive de l’espace. En articulant des logiques de puissance dure (hard power), par la recherche de la supériorité technologique et des stratégies d’influence, et de puissance douce (soft power), par la publicité de chaque nouvel exploit, les États font de la conquête spatiale une des composantes centrales de leur smart power. Les États-Unis et l’URSS ont longtemps fait seuls la course dans un contexte de guerre froide.

a.       Années 1950 : de la course aux lanceurs au premier homme dans l’espace

L’espace devient à partir des années 1950 l’un des théâtres d’affrontements technologiques et idéologiques des grandes puissances. Dans le contexte de la guerre froide, l’intérêt pour l’espace est, pour les États-Unis et l’URSS, lié au nucléaire. Pour caractériser les relations internationales au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on parle généralement des « Deux Grands », mais dans les domaines scientifique et technique, il y n’a alors qu’un seul « Grand » : les États-Unis[7]. Leur supériorité dans tous les secteurs, sur des Européens hors de combat et des Soviétiques en retard, est écrasante. Or la situation a commencé à évoluer avec l’acquisition de l’arme atomique par l'Union soviétique (1949). Pour menacer les cibles adverses, les Soviétiques choisissent de « sauter » l'étape de l'aviation[8] et de développer l'arme suivante, le missile -Vocabulaire p.42. Les conditions technologiques de ce choix sont réunies, car des stocks importants de V2 allemands[9] -Vocabulaire p.42 sont tombés dans les mains de l’Armée rouge.

Dès les années 1950, Soviétiques et Américains mettent en route des projets de missiles intercontinentaux capables de transporter l'arme thermonucléaire (ICBM[10]). L’ICBM est destiné à suivre un vol parabolique : il s'élève, parcourt 10 000 kilomètres et plonge en terre ennemie. Mais si l'on augmente sa vitesse, jusqu'à ce qu'elle atteigne 7,9 kilomètres-seconde, son étage supérieur ne retombe pas : il se satellise autour de la Terre[11]. Les États-Unis ont recruté l'essentiel des chercheurs de Peenemünde[12], dont Werner von Braun[13]. Son équipe est chargée du développement de la fusée -Vocabulaire p.42 Redstone à partir de 1953. En Union soviétique, Serguei Korolev reçoit commande, également en 1953, d'un ICBM pouvant transporter une bombe H.

Serguei Korolev a pour mission de jouer sur les deux tableaux : missile et satellite. En août 1957, c'est le succès total : l'Union soviétique dispose du premier ICBM jamais construit, la fusée R7. Le 4 octobre 1957, la version modifiée de la R7, Semiorka, met en orbite autour de la Terre un satellite de 87 kilos, Spoutnik 1[14]. L'impact psychologique et politique est inouï : cet évènement marque le début de la course à l’espace. Le satellite n’embarque pas de matériel scientifique : simplement un émetteur, particulièrement bavard (les bip-bip vont résonner pendant trois semaines environ). Les ICBM américains sont pratiquement opérationnels, mais les États-Unis enregistrent une immense blessure d'orgueil : pour la première fois, ils sont devancés dans un secteur de pointe, qui plus est dans un domaine largement fantasmatique -doc.1 p.46. Les Américains face au défi du Spoutnik.

À l’approche du quarantième anniversaire de la révolution d'Octobre, l'Union soviétique enchaîne les succès : Moscou lance le 3 novembre, Spoutnik 2, qui pèse 508 kilos[15]. La propagande insiste sur la compétition globale en cours : la théorie du rattrapage, dont Khrouchtchev fera un véritable credo politique, est née.

Aux États-Unis, on tente d’accélérer la cadence ; après l’humiliation de l’explosion, devant les caméras du monde entier, de la fusée Vanguard le 6 décembre 1957, on reprend le vieux projet Jupiter de Werner von Braun, et l’on parvient à lancer, le 31 janvier 1958, le premier satellite « US » : Explorer 1, qui pèse 14 kilos. Mais le 15 mai, Serguei Korolev met sur orbite Spoutnik 3, le premier satellite lourd de l'histoire : 1 327 kilos, cent fois Explorer[16].

L’avance soviétique conduit le président Eisenhower à créer la NASA (National Aeronautics and Space Administration) -Vocabulaire p.42 le 1er octobre 1958. Comme souvent en période de crise, les États-Unis font appel à une administration d'État. L’enveloppe financière de la NASA ne cesse de croître jusqu’à atteindre 4,4% du budget fédéral en 1966. Ce n’est pas qu’une question d’orgueil et de compétition symbolique : en effet, un grand nombre de satellites, qu'on peut déjà qualifier de satellites dédiés[17], sont d’ores et déjà mis sur orbite.

En attendant, l'Union soviétique multiplie les premières. Le 12 septembre 1959, le jour de l'arrivée de Khrouchtchev aux États-Unis, la sonde Luna 2 atteint la Lune. Le 4 octobre, Luna 3 contourne la Lune et prend des photos de sa face cachée. D'août 1958 à décembre 1960, les États-Unis lancent vers la Lune dix sondes -Vocabulaire p.42 Pioneer : neuf échoueront, la dixième passera à 60 000 kilomètres de son but.

Mais c'est sur le vol habité que se concentre la compétition :

  • Pour devancer les Soviétiques, les États-Unis lancent le programme de la capsule Mercury en novembre 1958 ; le premier lancement a lieu le 9 septembre 1959 et les premiers succès sont enregistrés en décembre 1960 et en janvier 1961.
  • En 1958, Serguei Korolev achève la conception du vaisseau Vostok[18], qui sera fabriqué en 1959 et lancé le 15 mai 1960. Il pèse 4 540 kilos, assez pour mettre un homme en orbite. Serguei Korolev réussit deux retours de Vostok les 9 et 25 mars 1961. Le 30 mars, il demande l’autorisation au Comité central d'effectuer un vol humain -il estime que les chances de succès sont d'environ 50%. Le 12 avril 1961, Youri Gagarine effectue une orbite autour de la Terre et reçoit un accueil délirant à son arrivée Moscou, devenant le nouvel archétype du héros soviétique -doc.2 p.46. Gagarine, un héros soviétique. Le premier vol spatial américain se déroulera finalement le 20 février 1962 -John Glenn à bord de Mercury Atlas 6…

b.      Années 1960 : la course à la Lune et l’exacerbation de la rivalité spatiale

Le 25 mai 1961, six semaines après le vol de Gagarine, John F. Kennedy modifie radicalement la donne. « Je crois que notre nation se doit de réussir, avant la fin de la décennie, à poser un homme sur la Lune et à le ramener sain et sauf sur la Terre. » (Discours du 12 septembre 1962, We choose to go to the Moon). Dans le contexte du retard des États-Unis au début de la course à l’espace, la quête de la Lune permet d’une part de souligner la réactivation de l’esprit pionnier, des mythes de la Frontier et de la « destinée manifeste » -doc.3 p.47. Les ambitions américaines + Exercice 2. Conquérir l’espace pour démontrer la supériorité de son modèle.

Les États-Unis vont mettre au point un projet remarquable par sa conception d'ensemble, sa simplicité, son niveau d'organisation :

  • Le vaisseau Apollo comprend trois éléments : une cabine de commande (Command Model, CM), embarquant trois astronautes ; une cabine de services (Service Module, SM) contenant notamment le système de propulsion, et une cabine lunaire (Lunar Module, LM, dite souvent LEM) à deux étages, qui atterrira avec deux astronautes[19].
  • La fusée utilisée est la Saturn 5, dont le premier essai est réussi le 9 novembre 1967.

Entre 1964 et 1966, dix missions d’entraînement sont organisées : changement d'orbite, sorties dans l'Espace, préparation de l’alunissage[20]… Toutes ces opérations sont effectuées dans un délai très rapide. D’ailleurs, le 27 janvier 1967, c'est la catastrophe : trois astronautes sont brûlés vifs dans la capsule Apollo placée au sommet de la fusée Saturn à Cap Canaveral. Le calendrier de la course à la Lune est suspendu pendant dix-huit mois, sans toutefois que les Soviétiques en tirent profit (le 27 mars 1969, Youri Gagarine se tue à l'entraînement). Le 16 juillet 1969, c'est le départ historique d'Apollo 11, et la réussite de l’expédition fait l’objet d’une mise en scène médiatique dans laquelle s’intriquent prouesses technologiques et communication. Les images des premiers pas sur la Lune de Neil Armstrong et Buzz Aldrin le 20 juillet 1969, retransmises en direct, revêtent un caractère planétaire et constituent un outil de propagande pour les États-Unis -doc.4 p.47. Le succès de la mission Apollo vu de Moscou.

Nikita Khrouchtchev sait que son pays ne peut suivre financièrement les Etats-Unis[21]. Après Gagarine, l’Union soviétique a certes à son actif quelques autres succès : le premier vol d'une femme[22] en juin 1963, la première sortie extravéhiculaire[23] en mars 1965. Mais à rivaliser avec un adversaire aux moyens supérieurs[24], elle s'est épuisée, et le problème va au-delà des seules questions budgétaires : alors qu'aux États-Unis, tout se fait sous l'égide de la seule NASA, en Union soviétique les centres de décision foisonnent, et si le Politburo a le dernier mot, il ne peut guère juger. Quel paradoxe ! Aux États-Unis, pays de la libre entreprise, c'est un organisme unique d'État qui mène rondement l'affaire ; en Union soviétique, pays de la bureaucratie centralisée, c'est l'émiettement et l'initiative non contrôlée[25].

c.       Années 1970-1980 : les nouvelles voies de la « course à l’espace »

Aux États-Unis : la navette spatiale et l’IDS

En 1969, le but politique est atteint : les États-Unis ont réaffirmé leur suprématie, mais ils doivent faire face désormais au gouffre financier de la guerre du Vietnam et à la montée des difficultés sociales. Les trois derniers vaisseaux Apollo, prêts pour le lancement, sont abandonnés[26]. Le contraste est net entre le programme pharaonique annoncé par la NASA[27] et la chute des crédits alloués à l'agence spatiale.

Le « Shuttle »

La fusée coûte cher parce qu'elle n'est pas réutilisable. Américains et Soviétiques rêvent de l'avion-fusée qui prendra son envol, ira faire un petit tour dans le Cosmos, atterrira puis redécollera pour la mission suivante. Le 6 janvier 1972, le président Nixon annonce officiellement un programme de construction de navettes spatiales -Vocabulaire p.42. Le lobbying du complexe militaro-industriel  a sans doute joué auprès de l’ancien élu californien Richard Nixon[28].

L'engin sera tout d'abord propulsé pendant deux minutes par deux énormes moteurs à poudre (les boosters) qu’il éjecte et qui sont récupérés[29]. L'appareil utilise ensuite des moteurs à propergols liquides (hydrogène et oxygène) placés dans un énorme réservoir. L'orbiteur proprement dit, la navette elle-même, pèse 68 tonnes, et a environ la taille d'un Airbus 320.

Cet orbiteur se compose tout d'abord d'un poste de pilotage pouvant contenir quatre astronautes. Sous celui-ci se trouve une pièce de séjour aménagée pour quatre astronautes. Derrière ce premier ensemble, une soute de grande taille est destinée à recevoir soit des satellites et leur propulseur, soit divers appareillages scientifiques, soit même un laboratoire orbital comme le Spacelab européen. Le retour sur Terre est sans doute la partie la plus difficile du vol de la navette. Elle va devoir traverser l'atmosphère pendant près de 10 000 kilomètres, et atterrir à 385 km/h.

Le 12 avril 1981 (le vingtième anniversaire du vol de Youri Gagarine), Columbia décolle avec deux hommes à bord. Un million d'Américains y assistent à Cap Canaveral. Quatre navettes ont été successivement construites entre 1981 et 1985 (Columbia, Challenger, Discovery et Atlantis). Au milieu des années 1980, la navette brille de tous ses feux[30]. Ce bijou technologique (et esthétique) est pour les États-Unis une vitrine exceptionnelle[31]. Début 1984, un astronaute sort dans l'espace sans cordon ombilical, et s'éloigne à plusieurs centaines de mètres de l'appareil. Quelques mois plus tard, les occupants de la navette saisissent à la main un satellite en détresse, Solarmax, le font entrer dans la soute de Challenger, le réparent et le relancent dans l'Espace.

Mais bientôt, l'enthousiasme retombe. En fait, on ne sait plus quoi faire de la navette. Elle manque de missions, car celles qu'elle pourrait effectuer sont trop chères[32]. Elle reste huit jours dans l'Espace, et les Soviétiques en sont à huit mois avec Saliout. Très vite, le brillant jouet tombe dans l'obsolescence, d’autant qu’un lancement raté de Challenger, le 28 janvier 1986, coûte la vie à sept astronautes. Les vols sont alors interrompus pour près de trois ans (jusqu'en septembre 1988). À la suite de leurs mauvais choix stratégiques, les États-Unis n'ont plus de lanceur -Vocabulaire p.42 (les lanceurs traditionnels, Titan, Atlas, Delta, ont été délaissés au bénéfice du « Shuttle »), et les Européens se trouvent brusquement devant une rente de situation inespérée : Ariane est la meilleure fusée de l'hémisphère occidental, les contrats se multiplient...

L’Initiative stratégique de défense (IDS)

L'année 1983 est marquée par la « crise des missiles ». Alors que les missiles intermédiaires IRBM sont déployés partout dans le monde, en Europe notamment, Ronald Reagan, qui désigne l’Union soviétique comme the evil empire, a l’idée d’un bouclier, chargé d’intercepter dans la stratosphère les engins adverses. Il s’agit donc de déployer un réseau serré de satellites de détection, et de leur adjoindre d'autres satellites dotés de puissants lasers, ou de miroirs réfléchissants pour orienter des « tirs » venus de canons lasers situés au sol -L’I.D.S., annoncée quelques semaines avant la sortie du troisième épisode du film Star Wars, ne tarde pas à être surnommée « guerre des étoiles ».

Le projet est loin d'être au point technologiquement, et il est politiquement dangereux, car la riposte à ce genre d'initiative est connue : il faut tirer à saturation[33]. La « guerre des étoiles » reaganienne, d’un coût faramineux, n'aurait pu à long terme qu'inciter les protagonistes à gonfler encore leurs capacités destructrices. Tandis que l'Union soviétique se désagrège, le projet est progressivement abandonné. Les Etats-Unis, après l’échec au début des années 1990 de deux programmes très coûteux[34], mettent un terme à l’ère des grands projets spatiaux. Désormais, la doctrine de la NASA tient dans le fameux slogan « faster, better, cheaper ». Cependant, tout comme la géopolitique a fortement ralenti la dynamique d'exploration spatiale américaine à la fin de la guerre froide, elle est en grande partie responsable d'un retour en grâce de la NASA face à la nouvelle concurrence de la Chine.

En Union soviétique : Saliout, Soyouz, Bourane et Mir
Saliout, Soyouz, Bourane

Côté soviétique, une fois abandonnées les dernières chimères lunaires, l’Union soviétique travaille à l’amélioration du vaisseau Soyouz[35], répétant toutes les manœuvres sur orbite (arrimage, vol groupé). L’objectif est de réaliser une station orbitale, occupée de manière permanente. D’où l’expérience de Saliout, débutée en 1971, qui prend sa forme définitive en 1977 (Saliout 6) : un cylindre allongé pouvant recevoir un vaisseau Soyouz et un cargo Progress[36], et héberger deux cosmonautes pour de longs séjours[37]. Pendant la décennie 1980, 600 000 Soviétiques travaillent pour le secteur spatial (contre 300 000 Américains), qui effectue un lancement tous les trois jours.

L’Union soviétique a mis au point son lanceur lourd, Energya, la plus puissante fusée de tous les temps, qui peut lancer 100 tonnes en orbite basse. Son second tir en 1988 permet de placer en orbite Bourane[38], une navette mise en service au moment précis où les Américains font l'amère expérience d'une certaine inutilité du Shuttle. Il reste encore trois ans avant l'effondrement de l'Union soviétique, mais Bourane ne volera plus[39].

La station Mir : une réalisation spatiale majeure.

La station spatiale Mir[40], qui succède à Saliout 7, est mise en orbite en 1986. Au départ, elle pèse modestement 20 tonnes. Mais, en plus d'un vaisseau Soyouz et d'un cargo Progress, on peut y arrimer cinq modules. Elle atteint alors le poids respectable de 130 tonnes. Rustique, mais habitable, facile à approvisionner, permettant une relève aisée des équipages, Mir a accueilli des cosmonautes pour des durées de plus en plus longues[41].

Le temps passant, la station Mir vieillit et sa maintenance devient de plus en plus problématique... Il a été procédé à sa désorbitation en mars 2001. C’est l’ISS, la Station spatiale internationale, qui a pris son relais.

d.      Tout au long de la guerre froide, l’élargissement du club des puissances spatiales

Théâtre de la concurrence acharnée entre les deux Grands durant la guerre froide, la course à l’espace doit être également appréhendée comme le moyen pour d’autres États d’asseoir leur souveraineté au sein même des blocs :

  •  Ainsi, si l’aventure spatiale française commence dès 1948 avec la fusée Véronique, on ne peut véritablement parler de politique spatiale qu’avec le retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958. Pour lui, l’indépendance nationale de la France vis-à-vis de son allié états-unien exige le statut de puissance spatiale (et nucléaire). La création du Centre national d’études spatiales (CNES) en 1961 et le choix du site de Kourou en 1965, ainsi que le lancement la même année du satellite Astérix (qui fait de la France la troisième puissance capable de mettre un objet sur orbite) formalisent cette stratégie, avant son inscription, sous la présidence de G. Pompidou, dans une coopération européenne : création de l’ESA (ou ASE), Agence spatiale européenne en 1975[42] -Vocabulaire p.42.
  • Le cas chinois présente des similitudes : la création de la Cinquième Académie de recherche du ministère de la Défense en 1956 est à l’origine du programme spatial national (lanceurs « Longue Marche ») et l’une des étapes essentielles vers la rupture entre l’URSS et la Chine[43].

2.     Le tournant post-guerre froide

a.       Recomposition des stratégies de puissance

Adaptation et persistance du leadership étatsunien

Ces changements radicaux sont le fruit d'une stratégie déployée depuis les années 1990 : c'est à la présidence de Bill Clinton (1992-2000) que remonte le choix d'engager les programmes américains dans cette nouvelle ère, pour reconvertir le formidable potentiel construit au fil de la Guerre froide en une machine industrielle qui fasse sens au XXIe siècle. Alors que se repense le rôle politique des États-Unis dans le monde d'après-Guerre froide et que se développe une vision élargie de leur statut de puissance, l'administration démocrate est consciente de l'importance des technologies spatiales et de l'information au-delà des seuls aspects de défense ou de prestige : il s'agit de capitaliser sur des capacités constituées à une époque révolue, pour les transformer en outils pertinents dans les nouvelles conditions stratégiques. C’est ainsi qu’il a par exemple été décidé de libéraliser l’accès au système de navigation par satellite GPS, en dépit des objections militaires de l'époque ; se priver d'un tel vecteur de puissance pour les États-Unis aurait été malvenu à l'heure même où ils entrevoyaient une situation unique d'hégémonie politique et économique. C’est dans la même logique que s’inscrit l’initiative de l’ISS[44].

Le président George W. Bush, a annoncé sa Vision for Space Exploration (VSE) le 14 janvier 2004. Son programme Constellation prévoyait un retour sur la Lune en 2019, pour les 50 ans d'Apollo 11, la mise au point d’un lanceur géant (Ares V), d’un vaisseau spatial (Orion) et d’un atterrisseur lunaire (Altaïr). Puis Barack Obama (2008-2016) a arrêté le programme VSE[45], et a donné la priorité au développement du New Space. Par la suite, sous l’impulsion de Donald Trump, se sont ajoutés au programme déjà prévu, un atterrisseur, le Human Landing System, et une station en orbite autour de la Lune, la Gateway. En 2018, une accélération de ce programme a été décidée, dans une version simplifiée baptisée Artemis[46]. Aujourd’hui, les États-Unis conservent une position fortement dominante, que reflètent les budgets spatiaux publics -doc.2b p.86. Les budgets spatiaux des principales agences[47].

Après la guerre froide, le club des puissances spatiales s’est encore élargi. De plus en plus d’États investissent dans le spatial, tels les Émirats arabes unis, Singapour, le Maroc, le Chili, le Vietnam, les deux Corée, l’Iran ou encore Israël, nourrissent ainsi de fortes ambitions spatiales. Mais les États qui possèdent leurs propres moyens spatiaux restent peu nombreux : États-Unis, Russie, Europe, Japon, Inde, Chine[48] -doc.5 p.48. Les ambitions chinoises vues de Washington….

La Russie, un effacement relatif

Après la chute de l’Union soviétique (1991), la création de la corporation d’État Roskosmos (1992), rassemblant la totalité des entreprises du secteur et l’agence spatiale du même nom, visait à ouvrir une transition entre les anciennes entreprises d’État et l’ouverture à des acteurs privés. Sans grand succès. Dès son arrivée au pouvoir en 2000, Vladimir Poutine affirme la nécessité pour la Russie de retrouver sa place dans le club spatial, et engage la reconstruction des capacités nationales avec la conception de nouveaux lanceurs, ainsi que le développement des cosmodromes de Svobodny et Vostotchny (Sibérie orientale) et de Plessetsk (oblast d’Arkhangelsk) afin de se libérer de sa dépendance vis-à-vis de la base de Baïkonour (Kazakhstan). Pourtant, longtemps première puissance spatiale en nombre de lancements, la Russie est désormais largement dépassée par la Chine et les États-Unis. Pour retrouver sa place, la Russie compte sur la mise en service de ses nouveaux lanceurs Angara-5 et Soyouz-5, 6 et 7. Ces faiblesses se retrouvent dans le domaine de l'exploration martienne, initialement planifié pour mai 2018, finalement prévu pour 2028… et suspendu depuis 2022. Ces difficultés se manifestent aussi, malgré la création du centre de recherche de Skolkovo[49], par la difficulté à favoriser en Russie l’émergence de nouveaux acteurs : les entreprises traditionnelles continuent à promouvoir les nouveaux programmes.

Cela n’a pas empêché Dmitri Rogozine, le directeur de Roskomos (remplacé par Iouri Borissov en 2022), d’annoncer, le 20 avril 2021, que la Russie se retirerait du programme de collaboration scientifique de l’ISS en 2025, et que dans la foulée, elle construirait sa propre station spatiale, pour la mettre en orbite en 2030[50].

L’Europe, des atouts mais une position à conforter

Conduite par l’ESA[51], la politique spatiale de l'UE s'appuie sur trois programmes phares :

  • Copernicus, le système d'observation de la Terre le plus avancé au monde ;
  • Galileo, projet d’élaboration par l’Europe de son propre système mondial de navigation par satellite, fournissant des données de positionnement global très précises ;
  • EGNOS, qui fournit des services de navigation critiques pour la sécurité aux utilisateurs maritimes, terrestres et de l'aviation en Europe.

Doc.7 p.48. Quelle place pour l’Europe dans le nouveau paysage spatial ? Entré en fonction en 2021, l’Autrichien Josef Aschbacher, nouveau directeur général de l’ESA, réclame une politique spatiale ambitieuse et demande à la Commission européenne de s’engager[52]. Pour lui, le monde du spatial est à un carrefour historique, entre l’irruption des acteurs privés du New Space et la montée en puissance de nouvelles nations comme la Chine. Un train est en marche et il s’agit de ne pas le manquer[53]… Et l’ESA cumule les retards : Cf. la mission ExoMars, ou encore les nouveaux lanceurs européens Ariane-6 n’ont toujours pas volé et ne seront de toute façon pas réutilisables, contrairement à la nouvelle reine du marché, Falcon-9. Josef Aschbacher souhaite importer sur le Vieux Continent la révolution américaine du New Space, au cours de laquelle des acteurs privés, en grande partie financés par des fonds publics, ont pu mettre en œuvre des innovations techniques et abaisser le prix d’accès à l’espace. Il a pour priorité la commercialisation et la privatisation des services spatiaux, en espérant des gains de coût et de temps.

L’Inde, un modèle original

La politique spatiale indienne s’est construite sur la priorité donnée à des technologies spatiales contribuant au développement du pays (moyens de cartographie, de gestion des ressources, de télé-enseignement et de télémédecine), avec un budget très restreint[54]. L’agence spatiale indienne, l’ISRO (Indian Space Research Organisation) est seule responsable de la mise en œuvre de la politique spatiale. Cette politique s’inscrit aussi dans la volonté d’une plus grande autonomie, par exemple avec la mise sur orbite de satellites géostationnaires (2014) ou la production de lanceurs Polar Satellite Launch Vehicle (PSLV)[55]. Ces compétences sont reconnues aujourd’hui par des nations et des entreprises du monde entier, qui confient à l’Inde le lancement de leurs satellites. L’ISRO demeure l’acteur central, dans un écosystème qui reste fortement marqué par la puissance publique. Mais l’ouverture à de nouvelles sociétés privées créées par de jeunes ingénieurs souvent formés dans des universités américaines a commencé, même si elle reste contrôlée.

Les activités d’exploration et de vols habités, jadis présentées comme étrangères au spatial indien, sont désormais la preuve du chemin parcouru. La maîtrise du lancement de capsules récupérables, les missions lunaires Chandrayaan dès 2008[56] et martienne Mangalayaan (2013), puis l’annonce faite par N. Modi en personne, d’un vol habité dans l’espace pour 2022[57], et d’une station spatiale pour 2030, ont consacré l’Inde comme puissance spatiale de plein exercice -doc.6 p.48. Les ambitions spatiales de l’Inde. Cette évolution, qui illustre le slogan des années 2000 « Shining India », offre désormais à l’activité spatiale indienne toutes les compétences de souveraineté, y compris militaires[58]. L’Inde rappelle ainsi aux deux autres puissances nucléaires qui l’entourent, la Chine et le Pakistan, qu’elle possède une indépendance totale, notamment depuis 2018 grâce au système de navigation par satellite dont elle dispose[59] pour le guidage de ses missiles.

Les spécificités du secteur spatial japonais

À la différence de la Russie, et plus encore de la Chine ou de l’Inde, le spatial japonais n’est pas porté par des besoins intérieurs. Outre son haut degré de performance technologique[60], la caractéristique principale du spatial japonais réside dans le choix d’activités excluant toute volonté de puissance. Le Japon maîtrise une large gamme de compétences spatiales, à l’exception des vols habités, qu’il aurait pourtant les capacités de réaliser.

Le secteur spatial intègre depuis maintenant vingt ans une dimension de sécurité nationale avec le déploiement d’un nombre croissant de satellites IGS de reconnaissance optique et radar dans un environnement régional difficile lié aux tensions avec la Corée du Nord, mais aussi en mer de Chine. Cette expérience dans la gestion des crises via les satellites d’observation est aussi exportée à l’échelle régionale dans le cadre des risques environnementaux. Après avoir été très présent dans le programme de l’ISS, le Japon annonce des projets ambitieux dans le cadre de l’exploration lunaire, comme un rover habité développé par Toyota et lancé à la fin des années 2020. Reconnu pour ses réalisations et des projets technologiques et scientifiques originaux, le spatial japonais souffre cependant d’un budget limité. Un fonds spécial dont peuvent profiter les start-ups spatiales a néanmoins été mis en place depuis 2018 par le gouvernement pour soutenir l’innovation.

b.      Une vision plus utilitariste, et un secteur privé en plein essor

Aujourd'hui, l'activité spatiale se raccroche à une vision plus utilitariste, celle des bénéfices pour le genre humain. Il n'est plus une Agence spatiale aujourd'hui qui ne doive justifier son existence par les bienfaits qu'elle apporte à l'économie. L'espace doit répondre à la perception générale d'une globalisation inévitable des enjeux. Les attentes ne sont plus locales mais mondiales et l'espace doit faire partie des outils permettant d'appréhender cette nouvelle dimension. Dès lors, les attentes des sociétés, d'ordre économique (rapidité des communications au service de la performance), social (bien-être, santé), culturel (accès à l'information, partage de la connaissance), sécuritaire (crises environnementales, cybersécurité…), prennent une dimension centrale. Dans ce contexte profondément renouvelé, la figure de l'entrepreneur innovant et visionnaire se substitue graduellement à celle du scientifique et de l'ingénieur qui dominait la période précédente. Cette transformation radicale résulte de la jonction réalisée entre les applications spatiales et des technologies de l'information et de communication. Si l’espace reste le lieu de confrontations gouvernementales, l’essor du secteur privé change la donne et l’activité spatiale se nourrit d'autres dynamiques.

L’âge du New Space

Longtemps apanage des États et de leurs agences publiques gérant des enjeux scientifiques et stratégiques, l’espace extra-atmosphérique devient désormais un théâtre où se projettent les ambitions et les rêves technologiques, économiques, voire philosophiques, de quelques industriels, à travers leurs sociétés : SpaceX (Elon Musk) -doc.9 p.49. Un entrepreneur de l’espace, Virgin Galactic (Richard Branson), Blue Origin (Jeff Bezos), Planetary Resources… Ces nouveaux acteurs, regroupés sous l’appellation New Space, développent une industrie orientée vers l’activité spatiale commerciale, rendue possible par la diminution du coût d'accès à l'espace et par l'effet multiplicateur des applications spatiales pour les politiques publiques.

Après le nouvel accident de la navette Columbia en 2003[61], l'arrêt des vols du shuttle (dernier vol en 2011) a été décidé. Les États-Unis se sont alors trouvés dans une situation absurde : premiers contributeurs au budget de l’ISS, ils n’avaient plus les moyens d’y transporter leurs astronautes ni leur matériel. C'est là que le New Space -Repère p.43 a révélé toute son importance, à la suite de décisions prises en 2006, sous l'administration G. W. Bush. À l'époque, au lieu de développer ses propres programmes, la NASA a décidé de sous-traiter complètement à des entreprises privées le transport de cargo vers I'ISS : c’était un vrai tournant, presque philosophique, pour la NASA qui avait toujours assuré la maîtrise d'œuvre de ses programmes. Et c'est la jeune entreprise SpaceX qui a remporté l'appel d'offres d'un programme qu'elle a su mener à bien grâce notamment à ses Falcon 9 et à ses vaisseaux Dragon et Crew Dragon. C’est cette décision historique qui, a permis le transport de matériel sur I'ISS à partir de 2012, puis l'envoi en 2020 de deux astronautes de la NASA. Ce succès marque la fin du monopole russe[62]. À l’offre de SpaceX doivent s’ajouter la capsule Orion de Boeing et le lanceur européen Ariane 6 (mise en service prévue en 2024).

Par ailleurs, en mettant le pied à l'étrier de SpaceX, la NASA a permis une vraie révolution technique. SpaceX a en effet développé non seulement son lanceur Falcon, mais aussi la Falcon Heavy, la plus puissante fusée existante au monde. SpaceX a également mis au point une technique de réutilisation des boosters du Falcon 9, ce qui a permis une forte diminution des coûts. Aujourd'hui, la NASA bénéficie directement de ces nouvelles capacités apportées par le New Space, y compris pour le programme Artemis (dans un contexte fortement concurrentiel), et peut-être demain pour l'aventure vers Mars.

Cette industrie s'est transformée d'une économie d'infrastructures, avec les lanceurs et les satellites, en une économie de la donnée. Les données issues des satellites permettent de créer de nouveaux services tout en créant de nouveaux écosystèmes économiques. Les satellites sont par exemple omniprésents dans nos poches puisque la majorité des applications de nos smartphones utilisent la géolocalisation spatiale. Ce sont également les satellites qui sont à la source des systèmes de navigation de nos véhicules (bientôt autonomes). L'imagerie satellitaire est de même utilisée pour l'aménagement du territoire, le suivi de l'urbanisation, l'aménagement du littoral, la modernisation des réseaux de transport. Elle sert également pour l’agriculture ou pour la gestion des catastrophes naturelles. L'agriculture de précision n'échappe pas à la donnée satellitaire. Ce modèle économique se caractérise par l'importation dans le secteur spatial des méthodes de développement et de gestion des acteurs du monde Internet.

Space mining, colonies spatiales : de la science-fiction à la réalité ?

Ces nouveaux acteurs s’inscrivent dans le mythe de la Frontier[63] : « nous allons construire une route vers l'espace. Ensuite, des choses étonnantes pourront se réaliser ». Jeff Bezos envisage d'abord l'avènement d'une économie cislunaire, comprise dans l'espace Terre-Lune et aux points de Lagrange de ce système[64]. Cette nouvelle économie devra s'appuyer sur l'exploitation minière des corps célestes, le Space Mining : l'eau de la Lune, mais aussi les ressources minières des astéroïdes. Une étude (2016), baptisée « Cislunar 1000 », évalue les potentialités de l'exploitation minière des astéroïdes ; elle envisage un réseau de stations spatiales et d'habitats lunaires desservis par des vaisseaux, occupant à plein temps un millier d'astronautes. Leurs activités viseraient la prospection et le raffinage du minerai, la production dans l'espace de matériaux nouveaux (fibres optiques pures, tissus biologiques à but médical sont donnés en exemple), l'assemblage de structures orbitales (comme des centrales solaires), sans oublier le nerf de cette économie : la production des ergols (hydrogène et oxygène liquides) destinés à alimenter les propulseurs des engins spatiaux indispensables au système. L’étude estime que la part du spatial dans l'économie mondiale pourrait s'élever à 2700 milliards de dollars par an, contre environ 350 milliards actuellement.

Pour certains visionnaires, il ne s'agit plus d'utiliser l'espace mais de l'occuper, voire l'habiter. Sous la forme, selon Jeff Bezos, de mégastructures orbitales où s'installeront les populations dont l'économie cislunaire aura de plus en plus besoin à mesure qu'elle se développera, selon le modèle d’habitat spatial imaginé par le physicien américain Gerard K. O’Neill[65]. Elon Musk, quant à lui, envisage plutôt une flotte de Starship, son vaisseau interplanétaire universel dont les premiers prototypes sont en cours de test, pour emmener vers Mars les colons terriens et des cargaisons de matériel -Point de vue (grand oral) p.72-73. Faut-il coloniser mars ?

Des acteurs qui restent liés à l’État

Mais si ces entrepreneurs se rêvent en pionniers, ils restent pour le moment très liés à l’administration états-unienne, tant juridiquement que financièrement :

  • Juridiquement, le Traité de l’espace de 1967[66] -Vocabulaire p.64, fait des États les seuls responsables des activités spatiales, même si celles-ci émanent du secteur privé. Cette charge juridique octroie à l’État une position tutélaire sur les entreprises privées en lui donnant le pouvoir de donner l’autorisation ou non à celles-ci d’accéder à l’espace[67].
  • Financièrement, les entreprises privées étatsuniennes dépendent aujourd’hui des commandes des différentes administrations états-uniennes et notamment du Département de la Défense, de la NASA et de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA)[68]. L’entrée de ces nouveaux acteurs privés dans le jeu spatial reste avant tout un moyen pour les États-Unis de conforter leur statut de puissance.

Conclusion

a.       Une nouvelle course à l’espace entre puissances ?

Le discours médiatique dominant consiste à faire une transposition du passé au présent, avec une nouvelle « course à la Lune » entre les États-Unis et la puissance géopolitique ascendante : la Chine. Mais cette vision est beaucoup trop réductrice : les rivalités spatiales ne sont donc plus, en 2020, une lutte d'image entre deux puissances se disputant la domination du monde, et considérant que les exploits spatiaux sont le meilleur moyen de démontrer leur supériorité technique et militaire. Il s'agit en fait, pour des pays de plus en plus nombreux, de tirer le meilleur parti, sur les plans stratégique et économique, de l'énorme potentiel des activités spatiales.

b.      Les conséquences géopolitiques de l’irruption du privé

Les conséquences géopolitiques de la contribution des entreprises privées au maintien de l’hégémonie états-unienne induisent de nouveaux enjeux de régulation de l’espace extra-atmosphérique. Doc.8 p.49. Vers une privatisation de la conquête spatiale ? En effet, le Traité de l’espace de 1967 affirmait notamment le principe de non-appropriation de l’espace par les États ou les personnes, mais le Space Act -Vocabulaire p.64 de novembre 2015, adopté unilatéralement par le Congrès des États-Unis, autorise les citoyens états-uniens (et donc les entreprises privées) à « l’exploration et l’exploitation commerciale des ressources spatiales »[69]. Cet unilatéralisme risque, à moyen terme, d’être au cœur de protestations des autres puissances -Exercice 3. Vers un Far West spatial ?

B.    Affirmer sa puissance à partir des mers et des océans : la dissuasion nucléaire et les forces de projection maritimes

Introduction

Jalon p.50-53- Les mers et océans jouent aujourd'hui un rôle essentiel dans la mondialisation et dans la géopolitique mondiale[70]. En reliant l’ensemble du globe en un seul système océanique mondial, ils s’imposent comme un enjeu majeur dans l’affirmation des ambitions et des rivalités entre puissances. L’objectif de ce jalon est de montrer, en se plaçant depuis les espaces maritimes, comment les États cherchent à accroître leur influence, leur rayonnement, voire leur domination sur les autres États du monde par la maîtrise des mers. Depuis l’Antiquité, de nombreuses nations ont voulu découvrir de nouvelles voies maritimes et s’assurer la maîtrise des mers pour protéger leur commerce et prolonger leur puissance sur les océans, qui offrent aujourd’hui :

  • une zone d’opérations en profondeur aux sous-marins participant à la dissuasion nucléaire[71],
  • un espace de liberté de navigation pour une flotte de projection[72] (avions, missiles, troupes et matériels militaires) en temps de crise ou de conflit.

« Ce qui se joue aujourd’hui, c’est le passage de la protection du territoire à la projection de puissance, de la menace aux frontières et de la défense aux frontières, à la menace sans frontières et la défense sans frontières, des enjeux liés aux limites terrestres et aux systèmes d’alliances à la dimension maritime de l’exercice de la puissance, dans les territoires de la mondialisation et du champ des possibles »[73].

Comment les puissances navales s’affirment-elles ?

1.     Un club réduit de puissances pour un seul océan mondial

a.       Les puissances nucléaires

Depuis 1945, l’équilibre des puissances se fait par la dissuasion nucléaire -doc.4 p.51. Les vecteurs de la dissuasion nucléaire. En 2019, neuf États sont reconnus comme des puissances nucléaires militaires : les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la France, la Chine, l’Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord -Doc.3 p.51. Les principales forces nucléaires mondiales. Ces États disposent de 13 865 armes nucléaires[74]. Sur ce stock, 3 750 armes (27%) sont actuellement déployées dans des forces opérationnelles et 2 000 sont rapidement mobilisables en cas d’alerte, soit 41,5% du stock mondial. Les États-Unis et la Russie disposent de 92% du stock mondial, mais un des grands enjeux réside dans la lutte contre la prolifération nucléaire afin de maintenir le statu quo prévalant depuis le TNP -Traité de Non-Prolifération entré en vigueur en mars 1970 et qui compte 190 États signataires[75].

Les armes nucléaires peuvent être mises en œuvre par trois types de vecteurs : aériens, terrestres ou maritimes[76]. Les États peuvent disposer de la panoplie complète comme les États-Unis, la Russie ou la Chine, ou bien de seulement deux composantes (France : sous-marins et avions), voire d’une seule (Royaume-Uni : sous-marins).

b.      Les puissances navales

Il convient de distinguer la puissance navale, qui relève de la puissance militaire, de la puissance maritime, qui est un concept plus large s’appuyant notamment sur les compagnies commerciales, sur les ZEE -Vocabulaire p.63…

Doc.7 p.53. Les principales forces navales mondiales- Depuis la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis se sont imposés comme une puissance globale notamment grâce à leur puissance de feu nucléaire et à leur capacité de projection maritime-doc.5 p.52. Les navires décisifs des forces de projection. Ainsi, l’US Navy (de loin la première marine du monde) mobilise 340 000 personnes et 28% du budget militaire des États-Unis. Ses forces navales, réparties dans 6 flottes quadrillant l’océan mondial, sont impressionnantes. L’US Navy est par exemple la seule à posséder 11 porte-avions[77], contre deux pour le Royaume-Uni et la Chine, et un seul pour la France[78], l’Inde et la Russie. Doc.6 p.52. Le porte-avions, l’atout majeur de la puissance navale- Les porte-avions sont des bases aériennes mobiles. Ils permettent de se protéger contre des flottes ennemies, de se rapprocher d’objectifs terrestres, de rester à distance et de les frapper massivement grâce aux forces aériennes embarquées et d’assurer des fonctions de renseignement.

La maîtrise de la propulsion sous-marine nucléaire est réservée à un club très fermé du fait du niveau scientifique exigé : États-Unis, Russie, France, Royaume-Uni, Chine et Inde. La propulsion nucléaire permet de rester plusieurs mois en immersion ; l'autonomie n'est limitée que par les vivres et le moral de l'équipage. On distingue donc deux types de sous-marins, en fonction de leur propulsion : les sous-marins conventionnels (la plus grande partie de la flotte mondiale), et les sous-marins nucléaires.

La grande majorité des sous-marins nucléaires sont des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) qui ont un panel de missions varié, mais ne mettent pas en œuvre d’arme nucléaire. L'essentiel du parc mondial est détenu par seulement cinq États : États-Unis et Chine (53), Russie (39), Italie (8) Royaume-Uni et France[79] (6), et Inde (16) -doc.8 p.53. L’affirmation des marines indienne et chinoise. Souple et puissant, le SNA joue un rôle essentiel dans le contrôle maritime et les opérations de projection à long rayon d’action. En particulier, une de ses fonctions est d’escorter un groupe aéronaval -Vocabulaire p.44.

Une petite part seulement des sous-marins nucléaires sont des SNLE, qui constituent les composantes océaniques de la dissuasion. Vocabulaire p.41- Le sous-marin nucléaire lanceur d’engins associe un sous-marin, une chaufferie nucléaire pour sa propulsion, et une base de lancement de missiles à têtes nucléaires. Les États-Unis ont 14 SNLE, la Russie 10, la Chine 4, la France et le Royaume-Uni 4 (basés à Brest) -doc.1 p.50. Le Terrible, un SNLE de nouvelle génération, l’Inde 1 -doc.8 p.53. L’affirmation des marines indienne et chinoise.

2.     Les enjeux actuels

a.       Un nouveau cycle technologique coûteux

Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et la Russie se sont engagés dans un cycle de modernisation de leurs flottes de SNLE, ainsi que la Chine. Ainsi, aux États-Unis, le remplacement de 14 SNLE de type Ohio par 12 SNLE de type Columbia est programmé d’ici 2030 afin de répondre aux nouveaux défis posés par la Russie mais surtout, de plus en plus, par la Chine. Dans son sillage, le Royaume-Uni en fait de même : les quatre SNLE Vanguard actuellement en service sont conçus et construits au Royaume-Uni mais sont armés de missiles Trident II fournis par Washington. Londres projette de les remplacer à partir de 2030 par quatre SNLE nouvelle génération de classe Dreadnought. En France, le programme de renouvellement s’étale entre 2020 et 2033 avec l’entrée en service de la nouvelle génération de SNLE remplaçant Le Triomphant vers 2035 et Le Terrible -doc.1 p.50. Le Terrible, un SNLE de nouvelle génération vers 2048 -Exercice 4. Compétition entre puissances navales : acteurs et enjeux.

b.      La Russie demeure un acteur majeur

La Russie fait du maintien de sa dissuasion nucléaire en mer une priorité. Les unités d’ancienne génération de classe Delta III et Delta IV, entrées en service pour l’essentiel entre 1982 et 1986, sont remplacées à partir de 2013 par la nouvelle génération des Boreï (12 appareils mis en service entre 2013 et 2031). Chaque Boreï emporte 16 missiles Bulava RSM-56[80].

c.       L’irruption de la Chine

L’essor maritime et naval de la Chine constitue en tout cas l'un des principaux facteurs de bouleversement des équilibres géostratégiques mondiaux actuels, en particulier en mer de Chine orientale et en mer de Chine méridionale (Paracels et Spratleys). Sur le plan nucléaire, après avoir fait porter ses efforts sur son arsenal nucléaire terrestre et aérien, Pékin a lancé un important programme de SNLE afin de disposer d’une force de dissuasion sous-marine crédible[81].

Exercice 3. Compétition entre puissances navales : acteurs et enjeux.

Conclusion de l’Axe 1

Révisions p.56-57

Sujets bac p.58-59

II. Enjeux diplomatiques et coopérations (Axe 2)

Introduction

Problématique p.60 + Carte p.62-63. Les puissances navales et spatiales dans le monde- Le second axe s’intéresse, à travers les exemples de la station spatiale internationale et de la gestion internationale des mers et des océans, aux négociations diplomatiques qui permettent d’encadrer les rivalités interétatiques ainsi qu'aux coopérations internationales rendues nécessaires par des intérêts communs.

La conquête des espaces océaniques et extra-atmosphériques est historiquement une source de rivalités, de tensions et d’inégalités entre États. L’absence de statut juridique de ces espaces renforce dans un premier temps les enjeux diplomatiques et nécessite de définir leur gouvernance. Tant pour leur découverte et leur exploitation qui appellent des efforts technologiques et financiers considérables, que pour leur gestion et leur préservation, les États ont été amenés à coopérer. Les États sont à la fois les acteurs de la conquête, mais aussi les législateurs d’une gestion négociée de ces nouveaux espaces. Ils participent à des négociations internationales à l’échelle mondiale sous l’égide de l’Organisation des Nations unies, mais aussi à l’échelle continentale dans le cadre d’organisations de coopération régionale.

L’appropriation et l’usage de nouveaux espaces océaniques et extra-atmosphériques appellent donc une gestion concertée et la définition commune d’un cadre légal pour réguler leur exploration, leur exploitation et leur protection. Les négociations diplomatiques permettent de réguler les rivalités entre États, alors que les intérêts communs pour développer la Station spatiale internationale ou gérer de façon globale les océans appellent des coopérations internationales.

Comment répondre aux enjeux géopolitiques de la découverte et de l’exploitation de l’espace, des mers et des océans ?

A.    Coopérer pour développer la recherche : la station spatiale internationale

Introduction

Jalon p.68-69- Alors que le jalon sur la course à l’espace insiste sur la concurrence comme moteur de la conquête, ce jalon vise à analyser comment l’impossibilité de résoudre seuls certains défis (aussi bien financiers, techniques, scientifiques que géopolitiques) conduit les États à coopérer. Dans une approche coûts-bénéfices, les coopérations internationales permettent d'abord de mener à bien des projets ambitieux, notamment sur le plan scientifique, qu'aucun acteur ne pourrait lancer seul. En étudiant l’assemblage et l’exploitation de la Station spatiale internationale depuis 1998 -doc.1 p.68. Un projet ambitieux et multinational, nous soulignerons ici que l’espace, n’est pas qu’un motif de rivalité dans les relations internationales, mais peut également œuvrer à l’enrichissement de la connaissance humaine et, tel un symbole, à la coopération entre les nations.

Quels défis techniques et économiques obligent à coopérer pour développer et exploiter la Station spatiale internationale ? En quoi témoigne-t-elle de l’évolution des rapports entre puissances ?

1. Le défi technologique et scientifique

Doc.2 p.68. L’ISS en 2019- Avec une masse de 420 tonnes et une surface de 108 mètres par 74 mètres, la station spatiale internationale (ISS) -Vocabulaire p.64, est la plus grande construction en orbite (basse) de l’histoire. Son montage a nécessité l’association de 16 nations[82] pendant une dizaine d’années, et sa structure continue d’évoluer.

C’est donc un immense défi technologique, qui n’a pu être relevé qu’avec l’invitation adressée en 1992 par le président George Bush à son homologue russe, Boris Eltsine. Il s’agit de tirer parti des compétences inégalées de l’héritière de l’URSS dans le domaine des stations orbitales. En effet, si les autres partenaires occidentaux ne sont pas en reste d’un point de vue technique[83], les expériences soviétiques dans ce domaine sont anciennes : Saliout 1, première station spatiale satellisée (1971), est suivie par six autres qui accueillent des cosmonautes pour une durée de plus en plus longue et dans lesquelles se matérialisent les premières coopérations dès 1978, d’abord limitées aux pays communistes (Vietnam, RDA, Pologne, Cuba, Hongrie...), puis ouvertes aux pays occidentaux (le français Jean-Loup Chrétien séjourne sur Saliout 7 en 1982). L’apothéose est atteinte avec la mise en orbite de Mir (1986-2001), où se multiplient les expériences scientifiques et les défis techniques.

Concernant le défi scientifique, en plus d’accueillir un observatoire terrestre et astronomique, l’ISS est aujourd’hui un laboratoire en microgravité dans lequel sont développées les expériences nécessaires au succès d’une future mission sur Mars. On y teste aussi bien la protection contre les radiations, la production d’oxygène et de ressources énergétiques autonomes, que la robotique ou les combinaisons spatiales des astronautes. Pour ces recherches, les États-Unis ont sollicité dès le milieu des années 1980 les services des autres grandes puissances scientifiques alliées : Européens, Japonais et Canadiens. Aujourd’hui, l’Europe, par le biais de l’ESA, joue un rôle de plus en plus nodal dans l’ISS. Grâce à l’assemblage depuis 2008 du laboratoire de recherche Colombus, elle s’est spécialisée :

  • Dans les études en sciences de la vie (physiologie et biologie) à travers différents programmes tels qu’Energy, sur la nutrition spatiale. Des missions plus récentes ont permis de déterminer les conditions de survie de microorganismes dans des environnements extrêmement hostiles, proches du vide spatial. Le retour des astronautes sur Terre et la capacité du corps humain à se régénérer sont impressionnants. Sébastien Barde, sous-directeur au sein du CNES (le Centre national d’études spatiales) rappelle « un séjour de 6 mois dans l’espace, sur les artères, c’est comme si elles prenaient 20 ans. » Mais une fois de retour sur Terre, le corps humain retrouve des capacités quasiment identique à celles qu’il avait avant de partir en orbite. Si cette régénérescence est encore assez mal comprise, elle est très étudiée, notamment dans la recherche de traitements contre le cancer ou le virus du Sida.
  • Dans les études en physique (mécanique des fluides et science des matériaux). Le travail autour de la physique des fluides a permis d’analyser le comportement de ces derniers dans un environnement de microgravité et de leur découvrir de nouvelles propriétés -doc.3 p.69. Des tests dans l’espace. Ils sont aujourd’hui utilisés dans le bâtiment.

2.     Le défi financier

Concernant le défi financier, la Station spatiale internationale, bien qu’en projet dès les années 1960, n’est assemblée que trois décennies plus tard, victime dans un premier temps de la priorité donnée au programme Apollo et à la conquête de la Lune, puis, comme tous les programmes spatiaux, des conséquences de la crise économique des années 1970. L’ISS prend le relais du premier laboratoire états-unien Skylab qui, envoyé en orbite en 1973, a dû être abandonné en 1979 pour des raisons budgétaires.

Le coût de ce projet oblige les États-Unis à chercher la collaboration de partenaires privilégiés (et solvables !) dès le milieu des années 1980. Ainsi, l’Europe, le Japon et le Canada, sont associés au projet. Quand la Russie rejoint le programme en 1993, elle voit dans cette collaboration la possibilité de résoudre en partie son impécuniosité dans un contexte d’après-guerre froide[84].

Depuis 20 ans qu’elle est habitée, le coût complet de la station est estimé à 150 milliards de dollars. C’est une somme qui peut paraître excessive pour faire tourner 6 astronautes dans 450 tonnes d’acier à plus de 350 kilomètres au-dessus de nos têtes. D’un point de vue purement comptable, l’ISS n’est pas rentable… Même si ce n’est pas son but[85], les critiques persistent, surtout de la part des Américains, qui financent à hauteur de 3,5 milliards d’euros annuels l’ISS, contre 300 millions pour les Européens[86].

3.     Le défi géopolitique

La station spatiale internationale a vu le jour grâce à la fusion de trois projets plus anciens : la station spatiale américaine Freedom, la station soviétique Mir et le laboratoire européen Columbus. D’un point de vue géopolitique, la participation russe est perçue comme une des réponses à la plus grande rupture de la fin du XXe siècle, l’implosion de l’URSS en 1991. L’ISS est pensée comme un projet collaboratif pour gommer petit à petit les rivalités de la guerre froide. Avec la fin du monde bipolaire, les États-Unis endossent le « fardeau du leadership » (Bill Clinton). Ils souhaitent imposer au monde une Pax Americana qui s’appuie tant sur leur hégémonie militaire que sur la promotion du multilatéralisme, auquel ils décident d’associer la Russie pour éviter toute velléité vindicative. En échange de son intégration au programme de l’ISS, la Russie s’engage à mettre fin à sa propre station spatiale, Mir[87].

Cependant, les questions de ravitaillement de la Station soulèvent par la suite de nouveaux défis géopolitiques, par exemple, quand les États-Unis renoncent aux navettes en 2011, et se trouvent sous la dépendance des Soyouz russes pour acheminer leurs astronautes et ceux de leurs partenaires -doc.4 p.69. Le témoignage d’un astronaute américain. Ce nouveau rapport de forces est d’autant plus insupportable pour les États-Unis qu’il se conjugue avec les ambitions internationales retrouvées de la Russie. Il explique en grande partie l’aide apportée par les États-Unis aux entreprises du New Space pour ravitailler l’ISS, par exemple auprès de SpaceX, qui en profite pour développer son vaisseau Dragon 2 et sa fusée Falcon 9[88].

Conclusion

Les défis techniques, financiers, géopolitiques et scientifiques à l’origine de la collaboration sont tels qu’ils vont jusqu’à occulter les tensions susceptibles d’exister entre les nations qui collaborent. En effet, le travail collaboratif sur la Station spatiale internationale ne connaît aucune suspension avec l’invasion de la Crimée en 2014, puis l’agression de l’Ukraine en 2022, alors même que se multiplient les sanctions économiques et diplomatiques à l’égard de la Russie par l’Europe et les États-Unis.

Où en sommes-nous ? Après avoir annoncé son retrait en 2024 a annoncé étendre la durée de vie de l'ISS jusqu'à janvier 2031, date à laquelle il est prévu de « désorbiter » l’ISS. Après avoir elle aussi annoncé son retrait, la Russie a décidé prolonger la durée de vie du segment russe jusqu'en 2028. L’aventure se poursuit donc, même si la NASA prévoit d’employer moins de modules : certaines des expériences pourraient être suivies depuis le sol et les astronautes y seraient moins présents. Mais « le Congrès américain a annoncé qu’il ne comptait pas laisser l’orbite basse aux Chinois […] Cela fait vingt ans que l’on s’est habitué à n’avoir que l’ISS, il va falloir s’habituer à avoir les Chinois dans l’espace en permanence et à voir naître de nouvelles initiatives privées. »[89]

B.    Rivalités et coopérations dans le partage, l'exploitation et la préservation des ressources des mers et des océans : de la création des zones économiques exclusives à la gestion commune de la biodiversité

Introduction

Carte 1 p.62. Les puissances navales et spatiales dans le monde- Les espaces maritimes sont une source de revenus et d’affirmation géopolitique dans une mondialisation des économies de plus en plus marquée par les enjeux environnementaux. Les mers et les océans suscitent des prétentions, voire des rivalités interétatiques. Les conflits maritimes sont aujourd’hui nombreux et concernent tout aussi bien les délimitations maritimes, le respect des droits de pêche ou de prélèvement des ressources, l’accès et la libre navigation, ou les dispositions juridiques décidées par un État sur les espaces maritimes relevant de sa juridiction. Pour prévenir et résoudre les conflits, les États recherchent des règles communes, un droit susceptible de prévenir, de réguler et de résoudre les conflits interétatiques sur les mers et les océans. Avec le droit de la mer, les océans et les mers ne sont pas sans règles. Le droit de la mer vise à définir la gouvernance juridique des mers et océans. L’océan est depuis la deuxième moitié du XXe siècle devenu un objet de convoitise des États et des sociétés récemment. Les ressources immenses, énergétiques, minérales ou alimentaire des eaux et des fonds marins ont changé la relation des sociétés à l’océan. « La prise de possession juridique suit de près sa prise de possession technique »[90] : la mer n’est plus seulement une surface, elle prend du volume et devient un réservoir de ressources d’où des rivalités entre États et la construction d’un nouveau droit international en cours.

Comment concilier exploitation et préservation des espaces maritimes ? Comment intervient la gouvernance mondiale ?

1.     De la mer libre à la découpe des océans

Salué comme l’un des instruments juridiques les plus importants du XXe siècle, le droit de la mer couvre l’ensemble de l’espace marin et de ses utilisations, la navigation et le survol, l’exploration et l’exploitation des ressources, la conservation des ressources biologiques, la protection et la préservation du milieu marin et la recherche scientifique. Le droit de la mer est le seul droit international à s’appliquer de manière unique à l’ensemble des parties du monde. Sa rédaction est ancienne, souvent conflictuelle, fruit de longues négociations diplomatiques et de coopérations internationales menées lors de grandes conférences, comme c’est le cas actuellement pour la haute mer. Les mers et les océans ont longtemps été considérés comme « sans frontière ». Tous les navires « inoffensifs », c’est-à-dire ne portant pas atteinte à la sécurité des États côtiers, pouvaient naviguer sans entrave. Cette doctrine de la liberté des mers fut établie par les juristes néerlandais et anglais Hugo Grotius et John Selden au XVIIe siècle. Travaillant comme juriste pour la Compagnie hollandaise des Indes orientales, Grotius défend dans son Mare liberum (De la liberté des mers, 1609) le principe d’une liberté générale de la mer, « jusque dans les approches terrestres ». C’est un autre néerlandais, Cornelius van Bynkershoek (1673-1743) qui pose le principe d’une mer territoriale -Vocabulaire p.66 aux dimensions réduites, correspondant à la distance sur laquelle un État peut faire valoir la puissance de ses armes sur la mer pour assurer sa sécurité[91]. L’Italien Ferdinando Galiani établit en 1782 le principe d’une largeur de mer territoriale fixée à une lieue marine[92]. Le reste des océans était déclaré libre pour tous et n’appartenant à personne.

Cette quasi-indivision de l’océan mondial a perduré jusqu’au milieu du XXe siècle.

 Après cela, l’océan subit un véritable processus de découpe[93], lors de deux phases successives de codification du droit international de la mer, en 1958 puis surtout en 1982. Le droit de la mer -Vocabulaire p.66 qui en résulte est le résultat de négociations longues et difficiles, qui ont amputé d’un tiers de sa superficie l’ancien espace international de haute mer -Vocabulaire p.62. Après une première codification par les quatre conventions de Genève de 1958[94], plus de vingt ans s’écoulent entre le début des négociations en 1973 sur le droit de la mer et l’entrée en vigueur en 1994 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM -Vocabulaire p.62) -dite de Montego Bay du nom de la ville de Jamaïque où l’accord est adopté en 1982 avant d’entrer en vigueur en 1994. Cette « constitution pour les océans » accélère un processus de découpage et de territorialisation des espaces maritimes -Vocabulaire p.66 + doc.3 p.71. Le partage et la gouvernance des océans, selon un principe simple : plus on est proche des côtes d’un État, plus les droits souverains sont importants[95].

La limite des eaux territoriales a été élargie par la Convention de Montego Bay à 12 milles marins (22 km)[96] -Vocabulaire p.66 depuis le trait de côte[97]. La souveraineté sur les eaux intérieures et mers territoriales confère aux États côtiers des droits exclusifs pour l’exploitation de leurs ressources minérales, énergétiques et biologiques. Sur 12 milles marins supplémentaires, s’étend la zone contiguë (elle empiète sur la ZEE), dans laquelle l’État côtier a le droit de prévenir et réprimer les infractions à ses lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires ou d’immigration.

Il ne s’agit toutefois que de droits souverains et d’un exercice de juridiction et non d’une souveraineté pleine et entière. Les autres États y bénéficient des libertés de navigation (« droit de passage inoffensif »), de survol ou de poser des pipelines et des câbles sous-marins. La limite des eaux territoriales ne constitue donc pas une frontière au sens terrestre du terme. L’État peut néanmoins garantir sa sécurité, y compris environnementale, en imposant des réglementations aux navires qui exercent leur droit de passage.

Au-delà des eaux territoriales, s’étend la zone économique exclusive (ZEE), jusqu’à 200 milles marins du trait de côte (370 km). La liberté de navigation et de survol est garantie, mais en échange, les États côtiers y disposent de « droits souverains » pour l’exploitation des ressources. Il s’agit donc d’une souveraineté économique et non politique. NB : la CNUDM prévoit une extension possible des droits sur le sous-sol marin en cas de reconnaissance de l’extension du plateau continental[98] -Vocabulaire p.66 de l’État côtier, jusqu’à un maximum de 350 milles marins (480 km) par les Nations unies. L’État riverain y exerce des droits exclusifs d’exploration et d’exploitation des fonds marins, souvent très riches en nodules polymétalliques, minéraux ou espèces biologiques sédentaires.

Au-delà de 200 milles depuis le trait de côte, s’étend la haute mer : la liberté des mers y règne, le droit applicable est celui du pavillon national des navires qui y croisent. Les fonds marins font partie du patrimoine commun de l’humanité -doc.4 p.71. La haute mer à l’épreuve de la diplomatie.

Ainsi, à l’exception des eaux intérieures (en-deçà du trait de côte) assimilées au territoire national, la liberté de circulation est garantie par le droit sur toutes les mers, même pour des navires militaires. Il est important de bien préciser la dimension quasi universelle de ce droit de la mer. La recherche du consensus et de l’unanimité dans les négociations a permis d’adopter une convention ratifiée par presque tous les États du monde. Hormis certains pays enclavés, seuls quelques pays côtiers comme Israël, la Turquie, le Venezuela ou les États-Unis ne l’ont pas ratifiée[99].

Le phénomène de mondialisation a renforcé le processus d’appropriation des espaces maritimes. Depuis 1982, 35% du domaine maritime mondial ont été appropriés par les États, et certains d’entre eux possèdent d’immenses espaces maritimes[100]. Néanmoins,

  • le régime des détroits internationaux (Bosphore, Malacca…) garantit le libre transit de la navigation internationale, qui ne peut être suspendu par leurs États côtiers.
  • « Biens communs mondiaux » selon la CNUDM, les espaces maritimes internationaux ne peuvent être appropriés ni revendiqués, et sont donc sans frontière.

Plus on multiplie les zones maritimes avec des compétences reconnues aux États côtiers, plus les risques de litige sont importants. La délimitation maritime, opération consistant à tracer une ligne de partage de souveraineté, résulte de considérations géographiques, mais aussi de l’évolution des rapports de force et de l’histoire des relations internationales. Elle relève alors, en pratique, de trois techniques différentes :

  • Elle peut être unilatérale et destinée à séparer un territoire national d’un espace international.
  • Elle peut également être conventionnelle et résulter d’un traité signé par deux États portant sur la séparation de leurs territoires maritimes.
  • Enfin, en cas d’échec des négociations, le tracé des frontières peut être juridictionnel ou arbitral. Dans cette hypothèse, l’utilisation de la ligne médiane s’impose, sauf exception.

Depuis le milieu du XXe siècle, près d’une trentaine de litiges ayant trait à la délimitation de zones maritimes ont abouti à des contentieux internationaux, qui relèvent de la Cour internationale de justice (CIJ) et du Tribunal international du droit de la mer (TIDM), instauré en 1996 par l’ONU. Pour les juges, il s’agit de rechercher ce que la convention de Montego Bay appelle la « solution équitable ». Aujourd’hui néanmoins, d’inquiétantes rivalités de puissance s’expriment dans l’Arctique[101], mais aussi en mer de Chine[102] -Exercice 5 : rivalités de puissances dans l’Arctique.

2.     La protection des espaces maritimes et de la biodiversité

Les eaux internationales représentent 60% des océans où la seule la loi qui compte pour le moment est celle de la liberté absolue « premier arrivé, premier servi »[103]. Le fond de l’océan est balisé par la notion de patrimoine commun de l’humanité avec la conférence de Montego Bay[104], mais les menaces qui planent sur les océans sont multiples. Parmi les objectifs de l’ONU pour 2030[105], le quatorzième s’intitule « conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines ».

a.       Les enjeux sont nombreux et cruciaux

Agnès Michelot, juriste spécialisée en droit de l’environnement, souligne l’importance des enjeux[106] :

  • Climatiques : l’Océan présente des dynamiques physiques, chimiques et biologiques complexes[107]. Une modification de la circulation océanique pourrait avoir de lourdes conséquences, car elle joue un rôle fondamental dans notre système climatique (circulation des masses d’air) mais aussi dans les équilibres chimiques de l’océan.
  • Nutritionnels et médicaux : l’océan est une source majeure de protéines alimentaires pour une bonne partie de la population mondiale mais l’étude du milieu marin révèle également toutes les richesses et les potentialités de la diversité biologique. L’étude d’organismes marins a permis des avancées scientifiques, notamment sous l’angle de l’immunologie naturelle. La découverte de nouvelles bactéries ouvre des perspectives thérapeutiques.
  • Économiques : Des ressources minérales marines (nodules polymétalliques, encroûtements cobaltifères, sulfures hydrothermaux…), rendues accessibles par des technologies de pointe font l’objet de projets d’exploitation. Ceux-ci sont soumis à l’Autorité internationale des Fonds Marins (AIFM[108]), qui attribue des permis en tenant compte de l’impact environnemental de ces activités extractives.

b.      Vers une gouvernance mondiale avec La BBNJ ?

Si les aires marines protégées (AMP) -Vocabulaire p.71

 sont depuis une vingtaine d’années des territoires où les États se fixent des objectifs de protection de la nature dans leurs eaux territoriales, la haute mer est au cœur des préoccupations de l’ONU. En effet, celle-ci a organisé (2018-2020) une conférence intergouvernementale pour enrichir la CNUDM d’un instrument juridique contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà des juridictions nationales (BBNJ) -Vocabulaire p.66. C’est dans ce cadre que s’inscrit le One Ocean Summit, dont la prochaine édition doit se tenir à Nice en 2025.

Conclusion : Vers un océan mondial retrouvé ?

« Osons anticiper que le droit de la mer du XXIe siècle sera un droit fonctionnel transcendant limites et exclusivités. Outre la probable persistance des zones maritimes et des découpages créés au cours du XXe siècle, ce sont les grandes fonctions maritimes assumées par les États et les acteurs intervenant en milieu marin qui devraient tendre à prévaloir : fonctions environnementale et de protection du milieu, de sécurité, , de sauvegarde de la vie humaine, de gestion raisonnée des littoraux, de régulation de l’exploitation minière des fonds marins… fondées à l’échelle universelle sur des normes contraignantes permettant une gouvernance des océans. L’évolution du climat global de la planète, la croissance démographique, la raréfaction des ressources halieutiques conjuguée à une demande accrue d’accès à ces dernières sont autant de défis qui ne seront affrontés qu’à ces conditions »[109].

Conclusion de l’axe 2

Révisions p.74-75

Sujets bac p.76-77

III. La Chine : à la conquête de l’espace, des mers et des océans (objet de travail conclusif)

Introduction

Problématique p.78 + Carte 1 p.80. Les ambitions mondiales de la Chine- Avec l’axe 1, nous avons étudié les dynamiques d'exploration et d'appropriation des espaces maritimes et extra-atmosphériques par les hommes. Nous avons vu en quoi celles-ci illustrent la quête de puissance des États et s’inscrivent dans des logiques de rivalité. Nous avons également étudié l'implication croissante d'acteurs non étatiques dans ces dynamiques.

Avec l’axe 2, nous avons étudié les enjeux diplomatiques et de coopération de la conquête de ces nouveaux espaces. De la station spatiale internationale à la gestion des océans à l'échelle mondiale, nous avons analysé l'importance des négociations diplomatiques pour réguler les rivalités entre États et permettre, par des intérêts communs, les coopérations internationales.

Dans ce chapitre, nous étudierons l'affirmation de la Chine dans la conquête de l'espace, des mers et des océans. En effet, au XXe siècle, « l'Empire du milieu » est passé en quelques décennies du statut de pays périphérique à celui de superpuissance mondiale. Ce développement sans précédent s’est accompagné au niveau international de l’affirmation du pays dans la course à de nouveaux espaces d’influence en mer et dans l’espace, où les rivalités et les enjeux géopolitiques sont forts.

Comment la Chine affirme-t-elle sa puissance par la conquête spatiale et maritime ?

A.    Une volonté politique d’affirmation (discours, investissements, appropriation)

Introduction

Ce jalon a pour objectif d’étudier comment la Chine élabore une politique d’affirmation sur ces nouveaux espaces de conquête. En effet, les mers et les océans comme l’espace extra-atmosphérique sont désormais les vecteurs de projection de la puissance chinoise. Ils sont l’objet d’une stratégie qui s’appuie sur un triptyque théorique (des discours), pragmatique (des investissements) et effectif (des appropriations) dont les différents éléments évoluent simultanément.

Trois dates, séparées chacune de trente années, permettent de refléter les mutations de ce triptyque depuis la naissance de la République populaire de Chine : 1956, 1986 et 2016 :

  • La perception des espaces marin et extra-atmosphérique est, durant la première période (1956-1986), imprégnée de l’esprit de Bandung et du Grand Bond en avant -Vocabulaire p.81, relève de l’affirmation de la souveraineté -Vocabulaire p.87.
  • La deuxième (1986-2016) est marquée par le développement de l’esprit de puissance à l’échelle mondial, faisant des mers et de l’espace de véritables fronts pionniers. La décennie 1986-1996 marque une rupture profonde dans la manière dont la Chine perçoit ces et la manière dont elle en parle. Jusqu’alors vecteurs de souveraineté, ils deviennent vecteurs de puissance.

Comment la Chine construit-elle sa stratégie d’affirmation de puissance sur les nouveaux espaces de conquête ?

1.     1956-1986 : la Chine affirme sa souveraineté

a.       Dans l’espace extra-atmosphérique

La création de la Cinquième Académie de recherche du ministère de la Défense nationale en 1956, qui lance concomitamment le programme spatial et le programme atomique, est un moyen pour le pays, un an après la conférence de Bandung, de déclarer son indépendance vis-à-vis des deux Grands, en particulier de l’URSS. Quand en 1957 l'URSS lance son Spoutnik, Mao Zedong, lance alors : « nous aussi nous fabriquerons des satellites ! ». Au début, des experts soviétiques forment les ingénieurs chinois, puis avec la détérioration des relations sino-soviétiques, la Chine poursuit son programme spatial sans aide étrangère[110] et parvient à lancer en 1970, depuis son site de lancement de Jiuquan dans le désert de Gobi (Mongolie intérieure), le premier satellite chinois Dong Fang Hong (« L’Orient est rouge »), mis en orbite par un lanceur Longue Marche[111]. Par ce tir, la Chine devient le cinquième pays du monde capable d’envoyer des satellites dans l’espace[112].

b.      Dans les espaces maritimes

Si, dans les recherches spatiales, discours et investissements sont liés, l’articulation avec l’appropriation se fait exclusivement sur le théâtre maritime. Le lexique de la « Déclaration du gouvernement concernant la mer territoriale » (4 septembre 1958), notamment dans son article 4 (« intégrité », « souveraineté », « affaires intérieures », « ingérences extérieures »), démontre l’esprit de souveraineté qui anime alors la Chine. Ce discours entend légitimer les appropriations maritimes énumérées dans le premier article qui portent sur une distance de 12 milles marins à partir des lignes de côte (dont Taïwan et les îles plus éloignées comme les îles Paracels ou Spratleys[113]). Ainsi, la Chine inscrit ses revendications dans l’esprit de Bandung. La marine a alors pour unique mission de défendre les côtes du pays. Les premières décennies de la RPC ne marquent donc aucune rupture avec la perception historique des mers par la Chine, considérées comme un glacis protecteur. Il faut attendre 1986 pour que les espaces maritimes et extraatmosphériques changent de statut et deviennent des vecteurs d’affirmation de puissance.

2.     1986-2016 : des vecteurs d’affirmation de puissance

a.       Dans l’espace extra-atmosphérique

À partir du milieu des années 1980, les fruits de la politique de réforme et d'ouverture engagée par Deng Xiaoping ont permis à la Chine d'élargir ses ambitions spatiales. L'objectif est désormais de se doter des caractéristiques des grandes puissances. L’affirmation des ambitions chinoises dans l’espace extra-atmosphérique se révèle avec le programme « 863 » (pour mars 1986), qui fixe comme objectifs les vols habités et la construction d’une station spatiale. La Chine profite du délitement de l’Union soviétique, qui intervient à un moment où, sous l’impulsion de Deng Xiaoping et des « Quatre modernisations » -Vocabulaire p.81, l’économie chinoise connaît une forte croissance qui génère des moyens financiers importants, rendant accessibles les technologies soviétiques (Soyouz) et possible l’entraînement des futurs taïkonautes -Vocabulaire p.81 dans la Cité des Étoiles de Moscou. Les missions Shenzhou[114] (« Vaisseau divin ») -Vocabulaire p.81 répondent aux ambitions du programme « 863 » :

  • Shenzhou 1 envoie son premier vaisseau spatial sans équipage pour le 50ème anniversaire de la République populaire de Chine en 1999.
  • Shenzhou 5 permet à la Chine de devenir en 2003 la troisième puissance capable de lancer des hommes dans l’espace : le taïkonaute Yang Liwei fait 14 fois le tour de la Terre en 21 heures.
  • Exclue de l’ISS, la Chine construit sa propre station spatiale : Shenzhou 8 et 9 assurent en 2011 un amarrage avec la première station spatiale chinoise, Tiangong 1 (« Palais céleste 1 »)[115].

b.      Dans les espaces maritimes

Dans le domaine maritime, la doctrine de la défense côtière est révisée sous l’impulsion de l’amiral Liu Huaqing par une stratégie qui devient la doctrine officielle de la force marine en 1986 : la décennie suivante est marquée par la transformation du discours de souveraineté en un discours de puissance. Il s’agit ainsi d’assurer la présence chinoise dans l’espace fermé par la « première chaîne d’îles », soit l’aire qui s’étend du Japon aux Philippines et jusqu’au sud de la mer de Chine méridionale. Celle-ci a pour objectif de dissuader tout adversaire potentiel d’intervenir dans un conflit localisé aussi bien en mer de Chine orientale qu’en mer de Chine méridionale. L’esprit de puissance qui souffle à partir de 1986 se traduit par des investissements plus conséquents permettant à la Chine de rattraper rapidement son retard. Tout en renouvelant sa flotte côtière, elle investit massivement dans une flotte militaire hauturière (frégates et destroyers).

Ces investissements trouvent rapidement leur application concrète dans des phénomènes d’appropriation. En 1988, la décision d’établir une station météorologique dans l’archipel des Spratleys, revendiqué par la Chine, entraîne des affrontements qui ont coûté la vie à au moins 140 soldats vietnamiens -Points de vue p.90-91. À qui appartient la mer de Chine méridionale ?

3.     Depuis 2016 : affirmer sa puissance à l’échelle mondiale

Ainsi, la Chine construit pas à pas sa stratégie d’affirmation sur les espaces maritimes et extra-atmosphériques et y consacre des investissements de plus en plus importants.

a.       Dans l’espace extra-atmosphérique

Dans l’espace, la Chine ne souhaite plus simplement combler son retard, elle se donne les moyens de devenir pionnière : le secteur spatial s’inscrit pleinement dans l’objectif du « rêve chinois » vanté par Xi Jinping. C’est l’objectif exprimé dans son Livre blanc de 2016, intitulé « Les activités spatiales de la Chine en 2016 » dans lequel est affirmée la volonté de faire de la Chine la première puissance spatiale d’ici 2045 -Doc.4 p.87. Les ambitions spatiales de la Chine.

Le 3 janvier 2019, la Chine a annoncé être parvenue à faire germer des graines de coton sur la Lune, devenant la première puissance à mener une expérience biologique sur une autre planète que la Terre. Cette même année, le succès de son exploration de la face cachée de la Lune (Chang’e 4 « Lapin de Jade »[116]) est une première mondiale, qui a nécessité des investissements très importants, aussi bien financiers que techniques[117]. D’ici à 2030, Pékin souhaite construire une base lunaire, peuplée de robots dans un premier temps, puis d’êtres humains. Elle a construit à cet effet, avec l’université de Beihang (Pékin), un simulateur de base lunaire -doc.3 p.35. Chang’e[118] 4, un vaisseau chinois sur la face cachée de la Lune.

La Lune n’est toutefois qu’une étape avant Mars… Le 15 mai 2021, la mission Tianwen-1[119] est parvenue à placer une sonde en orbite et à poser avec succès un atterrisseur portant à son bord le

robot « Zhurong »[120], qui doit conduire des analyses du sol, de l’atmosphère, prendre des photos et cartographier la planète rouge. Il atteint Mars trois mois après Perseverance, le rover de la Nasa, qui s’y est posé le 18 février avec pour mission d’y chercher une preuve de vie passée -doc.1 p.88. La rivalité spatiale avec les États-Unis.

Toujours en 2021, année du centenaire du PCC, la Chine est parvenue à envoyer le premier module de sa future station. Le module central Tianhe (« Harmonie céleste ») a été propulsé par une fusée Longue-Marche 5B depuis le centre de lancement de Wenchang, sur l’île tropicale de Hainan (sud). La Chine est depuis fin 2022 en possession d'une station spatiale permanente en orbite basse. Elle est composée du module central Tianhe, et de deux modules d'expérimentation de part et d'autre. Il s’agit là d’une double revanche pour la Chine, qui après s’être éloignée de l’URSS a dû bâtir seule sa puissance spatiale et développer sa technologie à l’écart des autres pays après avoir été écartée de l’ISS. Or l'avenir de I'ISS demeurant incertain, la Chine pourrait devenir la seule puissance présente en permanence en orbite basse terrestre -Repère p.35. Les projets du futur.

Doc.5 p.89. De l’exploration à l’exploitation spatiale- L’accélération des investissements chinois débouche désormais sur des logiques d’appropriation. En 2016, la Chine évoque explicitement son intention d’exploiter le dioxyde de silicium, le titane, l’hélium-3 de la Lune ainsi que l’eau de ses régions polaires, et forme le projet de bâtir des centrales solaires orbitales[121] interceptant des rayons 35 à 70% plus puissants que sur terre. Concrètement, depuis la mission soviétique Luna 24 de 1976, Chang’e 5 est la première mission avec un retour d’échantillons de sol lunaire (2020), suivie par Chang’e 6, 7, 8.

Le rêve de Mao s’est réalisé : la Chine est devenue une grande puissance spatiale. Il est vrai que le pays s’en donne les moyens avec un budget en augmentation permanente[122] -doc.2b p.86. Les budgets spatiaux des principales agences. Est-elle devenue la deuxième puissance spatiale au monde ? À certains égards (taille de l'industrie, infrastructures, ambitions affirmées, nombre de lancements), oui. Elle est encore loin derrière les États-Unis, mais sa progression est rapide et ses ambitions sont immenses.

b.      Dans les espaces maritimes

Sur le théâtre océanique, la maîtrise des routes maritimes correspond à des « intérêts vitaux », et les ressources de la mer et des océans sont très convoitées par la Chine :

  • Premier consommateur, exportateur et producteur de poissons de la planète, elle rachète des droits de pêche (Madagascar, île Maurice) -doc.2 p.88. Bateaux de pêche dans le port de Qingdao.
  • Elle souhaite aussi exploiter les ressources. D’où la construction d’infrastructures importantes comme l’oléoduc de 300 km qui relie le gisement d’hydrocarbures de Pinghu à Shanghai.

Les logiques d’appropriation maritime, qui se sont dans un premier temps limitées essentiellement aux îles Paracels revendiquées par le seul Vietnam, prennent désormais dans la mer de Chine méridionale la forme d’une « grande muraille de sable »[123]. Poldérisant île après île, les Chinois font construire un phare, une piste d’atterrissage ou une casemate, installent des militaires, en espérant faire reconnaître un jour leur droit « historique » sur ces terres émergées[124] (Cf. la « ligne à neuf pointillés »). Déclarant construire des avant-postes civils pour permettre des opérations de sauvetage, la Chine pousse ses pions par la militarisation des îlots. Il s’agit également de sécuriser les routes, en particulier les passages obligés que sont les détroits de Malacca et de la Sonde. Mais les ambitions de la Chine dépassent son voisinage immédiat pour se déployer à l’échelle mondiale, jusque dans l’océan Indien -doc.3 p.88. L’océan Indien deviendra-t-il l’océan Chinois ? et même en Amérique latine par exemple[125].

Ainsi, la nouvelle ambition mondiale chinoise s’affirme aussi bien dans le champ scientifique avec l’exploration de la fosse des Mariannes que dans le champ militaire, où elle s’appuie sur de lourds investissements -doc.2a p.86. Les sous-marins nucléaires dans le monde de 2006 à 2018, annoncés en mai 2015 dans son Livre blanc sur sa stratégie militaire et mis en œuvre depuis. En effet, entre 2015 et 2018, la marine chinoise a été augmentée de l’équivalent du tonnage de la flotte française. La Chine a construit en moins de dix ans trois ou quatre SNLE, trois SNA et quinze sous-marins à propulsion conventionnelle, portant la flotte sous-marine chinoise à 63 unités en 2013. La discrétion accrue des sous-marins, leur dotation en missiles et tout simplement leur nombre constituent des atouts au profit de la stratégie navale chinoise, désormais capable de s’opposer efficacement à toute menace navale. Parallèlement, elle s’est dotée très rapidement de plusieurs dizaines de croiseurs et de destroyers, et surtout de deux porte-avions, le Liaoning, reconstruit à partir d’un navire soviétique, et le Shandong, à propulsion nucléaire et de conception entièrement chinoise. Un troisième, équipé de catapultes électromagnétiques et à propulsion nucléaire, est en cours de fabrication dans le chantier naval de Jiangnan, près de Shanghai, et devrait être mis à l’eau avant 2025[126].

B.    Des enjeux économiques et géopolitiques considérables pour la Chine et le reste du monde

Introduction

Alors que depuis Deng Xiaoping, la Chine veillait à s’insérer dans le monde tout en « fuyant la lumière et recherchant l’obscurité », la conquête des espaces maritimes et extra-atmosphériques ces dernières décennies éclaire les rapides et profondes transformations que la Chine induit dans l’économie et la géopolitique mondiales. Nouveau centre de gravité de la mondialisation, la Chine utilise les espaces maritime et extra-atmosphérique comme des vecteurs de puissance qui déstabilisent le système géopolitique mondial.

Comment la Chine bouleverse-t-elle par sa stratégie de conquêtes l’économie et la géopolitique mondiales ?

1.     Les enjeux de l’expansion spatiale chinoise

L’expansion spatiale chinoise vise avant tout à assurer le développement économique et la souveraineté nationale :

  • Développement économique : en 2019, la Chine a assuré 38 lancements, plus que tout autre pays. Économiquement, la réduction du coût de lancement opéré par le lanceur chinois Longue Marche permet à la Chine de rattraper les puissances traditionnelles et de s’imposer depuis 2018 comme le leader des lancements orbitaux : elle met des satellites en orbite pour elle mais aussi pour d’autres pays (Brésil, Algérie, Laos…).
  • Souveraineté nationale : elle développe son propre système opérationnel de navigation par satellites : Cf. lancement en juin 2020 de l'ultime satellite finalisant son système de navigation Beidu[127] qui lui assure une totale indépendance de communication.

Les réussites chinoises obligent les autres États à s’adapter : la puissance chinoise possède désormais, pour reprendre les termes de R. Aron, la « capacité à imposer et à ne pas se laisser imposer »[128] :

  • Elle contraint l’Agence spatiale européenne (ESA) à innover pour ne pas perdre trop de parts de marché en développant Ariane 6, dont le coût devrait être 40% plus faible qu’Ariane 5.
  • Au sein de la communauté stratégique américaine, on retrouve abondamment l'idée que la Chine cherche à tout prix à « menacer les moyens spatiaux de son adversaire, du sol jusqu'à l'orbite géostationnaire ». D’où le projet (Artémis) de construction d'une base habitée avec l’exploitation des ressources lunaires du pôle Sud (2024) et l'établissement d'une présence humaine durable, sur et autour de la Lune (2028). À plus long terme, leur objectif est d'établir une stratégie d'exploration à long terme baptisée Moon-to-Mars, en établissant une présence humaine permanente à la surface de la Lune afin d'y préparer les technologies associées aux futures missions habitées vers Mars et vers d'autres corps célestes.

D’un point de vue géopolitique, les conquêtes spatiales chinoises rompent les équilibres et notamment le statut d’hyperpuissance dont bénéficiaient jusqu’alors les États-Unis.

2.     Les enjeux des conquêtes maritimes chinoises

La Chine s’appuie encore davantage sur ses conquêtes maritimes comme vecteur de puissance et de déstabilisation des équilibres mondiaux.

Le volet maritime des nouvelles routes de la soie -Vocabulaire p.81 + doc.1 p.86. Un regard historique : les routes de la Soie constitue un autre marqueur de cet élargissement d’échelle des logiques d’appropriation chinoises, de régionale à mondiale. L’initiative Belt and Road (BRI), lancée par Xi Jinping -Biographie p.84 en 2013, a pour ambition de raccorder la Chine au reste du monde par un réseau de voies terrestres et maritimes. Elle est jugée essentielle pour la souveraineté nationale, notamment d’un point de vue économique. En effet, elle doit garantir l’approvisionnement chinois en matières premières en s’appuyant sur une diversité de partenaires, aussi bien les États du Moyen-Orient que ceux d’Afrique et d’Amérique latine. Ce souci d’approvisionnement explique également la convoitise sur les eaux arctiques et antarctiques -doc.2 p.81. La Chine à la conquête des pôles afin de profiter de la fonte de la banquise. En effet, le pays ne cache plus ses ambitions de mettre en œuvre de véritables « routes de la soie polaires », afin de diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz, en pétrole et en autres minerais (or, zinc, cuivre, graphite, nickel, platine, uranium). Cela passe aussi bien par des participations dans des projets énergétiques au Nunavut dans le grand Nord canadien, dont les exportations se feraient par les routes de la soie polaires, par la construction d’un second brise-glace pour assurer le passage des navires, que par la diplomatie financière. Ainsi, les prêts que Pékin a accordés à l’Islande après la crise financière de 2008 lui ont permis de bénéficier en retour d’un véritable point d’appui maritime sur l’île, d’un traité de libre-échange, mais surtout de son soutien pour obtenir un poste d’observateur en 2013 au Conseil de l’Arctique.

D’un point de vue maritime, la stratégie chinoise prend la forme d’investissements opérés par de grands conglomérats nationaux (notamment Cosco) dans des ports qui sont des points d’appui tant civils que militaires (Cf. stratégie du « collier de perles » -Vocabulaire p.85). La Chine finance une partie de la construction et de la gestion des infrastructures dans les ports du Pirée en Grèce, de Gwadar au Pakistan ou d’Hambantota au Sri Lanka.

Cette réticularisation du monde polarisé par l’empire du Milieu est présentée comme bénéfique aux différents partenaires, conformément aux cinq principes de coexistence pacifique élaborés dès 1954 par Zhou Enlai. Cependant, le système présenté comme gagnant-gagnant par la Chine éveille les inquiétudes jusque dans les pays relais de sa route maritime, qui évoquent la création d’un phénomène de trappe à endettement (Debt-trap Diplomacy) que ce soit à Djibouti -doc.4 p.89. L’implantation chinoise à Djibouti ou au Sri Lanka[129].

Conclusion

La Chine a parfaitement intégré dans sa stratégie de puissance les espaces encore à découvrir que sont les océans et l’espace. Mao rêvait d’espace mais tournait le dos à la mer, Deng Xiaoping fort de sa puissance politique s’ouvre au grand large, quant à Xi Jinping -doc.3 p.87. Xi Jinping, principal acteur de l’affirmation de la Chine il parachève le « rêve chinois » en faisant de son pays une grande puissance maritime et en le propulsant dans les étoiles.

Plus largement, l’affirmation de la puissance maritime et spatiale répond à trois besoins :

  • Montrer au reste du monde qu’elle figure parmi les États les plus avancés dans la conquête spatiale et les mieux armés sur les océans.
  • Sécuriser ses approvisionnements en énergie et matières premières ainsi que ses exportations.
  • Mettre cette conquête des océans et de l’espace au service de ses ambitions technologiques, économiques et militaires.

Conclusion de l’OTC

Révisions p.92-93

Sujets bac p.94-95

Exercice 6

Conclusion du thème

Révisions p.96-97

Sujet Grand oral p.98-99


[1] Ce néologisme est inventé par F.J. Turner dès 1893 dans un article remis à l’American Historical Association à Chicago. Il est le cœur de la thèse qui guide son ouvrage Frontier in American History, publié en 1920. Selon lui, les valeurs états-uniennes et notamment la liberté, la démocratie et l’importance du mérite personnel se sont enracinées par le repoussement perpétuel de la frontière. Cette prise de position peut néanmoins être analysée comme une légitimation a posteriori de l’expansion états-unienne des Appalaches jusqu’au Pacifique entre 1776 et 1867 (rachat de l’Alaska) au détriment des populations amérindiennes et d’autres pays, au premier rang desquels le Mexique.

[2] Il y a 3 océans (Pacifique, Atlantique, Indien) ou 5 selon que l’on individualise ou non l’océan Austral et l’océan Arctique.

[3] …et encore : avec une résolution de l’ordre du kilomètre.

[4] www.oceansatlas.org

[5] Cf. D. Gallois, P. Barthélémy, « L’espace, une gigantesque poubelle de débris spatiaux au-dessus de nos têtes », Le Monde, 16 décembre 2022

[6] Celui-ci a connu sa première application militaire lors de la guerre du Golfe (1990-1991) : il a permis aux forces terrestres américaines d'opérer rapidement dans le désert grâce aux informations cartographiques et a amélioré la précision de vol des avions B-52.

[7] La puissance de l'URSS est réelle néanmoins d’un point de vue géopolitique : victorieuse d'une guerre effroyable, elle a acquis sympathie et respectabilité dans les opinions publiques, et elle s'est bâti un glacis stratégique qui va bientôt se transformer en un « camp socialiste » mondial dans le cadre de la guerre froide.

[8] L’aviation soviétique, déficiente en 1941, reste faible en 1945 : c'est l'armée de terre qui a gagné la guerre. La guerre aérienne secrète qui s'est déroulée en Corée entre 1950 et 1953, pendant laquelle ont été abattus des milliers d'appareils, a de nouveau convaincu les dirigeants du Kremlin que leurs MIG 15 étaient encore bien rustiques face à leurs homologues américains.

[9] Dans les dernières années de la Seconde Guerre mondiale, les Allemands ont utilisé le V2, une véritable fusée.

[10] ICBM : Intercontinental Ballistic Missile

[11] 7,9 km/s, c’est-à-dire la « première vitesse cosmique ». Celle-ci permet d'expédier le satellite sur orbite circulaire. Si l'on augmente cette vitesse, l'orbite devient elliptique. Lorsqu'on atteint la seconde vitesse cosmique, ou vitesse de libération (11 kilomètres-seconde), l'orbite devient parabolique, et l'engin s'éloigne de la Terre et échappe à son attraction. Au-delà de 11 kilomètres-seconde, ce n'est donc plus un satellite, mais une sonde qui quitte la Terre.

[12] La base militaire allemande où furent construites les fusées V1 et V2 pendant la Seconde Guerre mondiale.

[13] Approfondissez ces aspects passionnants de la guerre froide en lisant les articles Wikipédia sur Werner von Braun et sur l’« opération paperclip ».

[14] Le terme a deux sens en russe : « compagnon » et, par analogie, satellite naturel d'une planète.

[15] C’est ce vol qui embarque la chienne Laïka (« petit aboyeur »)

[16] On estime qu'il faut placer entre 4 et 5 tonnes en orbite basse pour faire voler un homme : le tiers de la capacité nécessaire est atteint ; et les Soviétiques ont, avec Spoutnik 2, envoyé dans l'Espace une chienne, Laïka, qui a démontré qu'un vertébré pouvait supporter un décollage et un séjour de plusieurs jours en orbite.

[17] Il s’agit : 1/ de satellites militaires. Spoutnik 1 ne comporte aucun instrument scientifique embarqué, mais la taille croissante des satellites va permettre de placer à bord des expériences de plus en plus complexes. Mais les militaires ont une idée fixe : le renseignement par satellite. À partir de 1960, la série des Discoverer commence à fournir des photographies du territoire soviétique, ouvrant une nouvelle ère du renseignement : on n'entre pas dans les eaux territoriales d'un État souverain ; on ne viole pas son espace aérien (Cf. le U2 américain abattu en juin 1960 sur la Volga par un missile SAM, déclenchant une grave crise internationale) ; mais on peut le survoler depuis l'Espace. 2/ De satellites « utiles » : Tiros 1, le premier satellite météorologique en 1960, Transit 1B, le premier satellite de navigation le même mois, Écho 1 et Courier B, les premiers satcoms.

[18] Vostok : « Orient ».

[19] La manœuvre est simple. Les trois éléments assemblés sont mis en orbite autour de la Terre. Puis de là, CM et LEM sont placés en orbite lunaire. Un astronaute reste dans le CM ; les deux autres alunissent avec le LEM, puis redécollent et viennent rejoindre le CM. Enfin retour vers la Terre où seul le CM sera récupéré en mer.

[20] Le programme Ranger doit procurer à la NASA des photos d'un éventuel site d'atterrissage. Après une série d'échecs, il est réalisé en 1964-1965. Les sondes Surveyor seront ensuite chargées d'alunir, puis de tester la résistance du sol lunaire (30 mai 1966-7 janvier 1968). Parallèlement, la série des cinq Lunar Orbiter cartographie et choisit le site d'atterrissage.

[21] « Eh bien, si les Américains veulent la Lune, qu'ils la prennent ! » : le programme Apollo va coûter au bas mot aux États-Unis 100 milliards de dollars. Or la déstalinisation voulue par N. Khrouchtchev comporte un volet social : il lui faut financer une amélioration significative du niveau de vie de la population.

[22] Valentina Terechkova.

[23] Alexis Leonov.

[24] Les chercheurs soviétiques ne disposent, pendant toute cette période, que du dixième de ce qui est dépensé par leurs homologues américains

[25] Serguei Korolev, le meilleur constructeur du pays, tombe en disgrâce entre 1959 et 1964 : un rival, Vladimir Tchelomei, a recruté comme adjoint le fils de Nikita Khrouchtchev : c'est donc lui qui a la faveur du régime. Les projets et contre-projets foisonnent, les usines changent de main... Néanmoins, pendant sa mise à l'écart, Serguei Korolev a continué à travailler. Il a tenté, sans argent, de mettre au point ses fusées N1 et N2 ; il a entrepris en 1962 la construction d'un vaisseau, le Soyouz. En octobre 1964, le renvoi de Nikita Khrouchtchev ramène Serguei Korolev aux affaires.

[26] Reste l’amarrage Apollo-Soyouz de juillet 1975, qui parut à l'époque un pur vol de propagande, une mise en scène de la détente internationale. Néanmoins cette expérience contraindra les deux pays à mettre au point un sas d'arrimage commun, qui sera fort utile par la suite, au moment des rendez-vous entre la navette et Mir (sept en tout) et pour l'utilisation conjointe de la Station spatiale internationale.

[27] Installation d'une base permanente sur la Lune, construction d'une « navette spatiale », d'une station orbitale, missions habitées vers Mars et vers Vénus...

[28] L'Ouest américain, et singulièrement la Californie, a vu se multiplier pendant les années 60 les usines spécialisées, et peut-être davantage encore, des milliers d'entreprises de sous-traitance petites et moyennes. L'arrêt du programme Apollo implique des centaines de fermetures d'établissements, des dizaines de milliers de licenciements. Or, le contrôle électoral de la Californie est une des clés de l'élection présidentielle américaine...

[29] Ils sont réutilisables en principe une vingtaine de fois, mais l'expérience prouvera que leur remise en œuvre est assez exigeante.

[30] Parallèlement, les États-Unis remportent de brillants succès dans l'exploration martienne, notamment grâce aux deux sondes Viking, qui atterrissent sur la planète rouge et y analysent de premiers échantillons rocheux.

[31] À lire : https://reves-d-espace.com/12-avril-1981-navette-spatiale-columbia-programme-sts/

[32] En chiffres actuels, le lancement d'un satellite par une fusée haut de gamme comme Ariane 5 représente une bonne centaine de millions de dollars. Or, un simple vol de la navette coûte dans les années 1980 au bas mot 500 millions de dollars. On peut certes faire appel à elle pour des missions exceptionnelles comme les réparations de l'observatoire Hubble, parce que ce bijou très médiatisé pèse, lui, dans les 8 milliards de dollars, mais pour les missions classiques, elle n’est pas compétitive.

[33] Qu'on pense qu'un ICBM « mirvé » (De MIRV, Multiple Independently Targeted Reentry Vehicle : missile à têtes multiples) peut lancer jusqu'à douze ogives nucléaires et une centaine de leurres. Que faire devant une attaque impliquant plusieurs centaines de missiles...

[34] Mission Mars Observer et sonde Galileo.

[35] Soyouz, qui a déjà coûté la vie à Komarov en 1965, tuera de nouveau trois cosmonautes en juin 1971.

[36] Progress (en russe : « Прогресс », « progrès ») est un vaisseau cargo développé pour ravitailler la station spatiale Saliout 6 dans le cadre du programme spatial soviétique et qui a été par la suite successivement utilisé pour ravitailler les équipages séjournant à bord des stations spatiales Saliout 7, Mir et de la Station spatiale internationale. Il effectue son premier vol en 1978 et c'est le premier vaisseau de ce type : il a permis le prolongement du séjour des équipages dans l'espace en apportant les consommables (vivres, eau, ergols, oxygène) et les pièces de rechange. Source : Wikipédia.

[37] Le plus long séjour, accompli en 1982, dure alors huit mois.

[38] Ce qui signifie « tempête de neige » en russe (Бура́н).

[39] Pour les amateurs d’urbex, l’exploration clandestine de Baïkonour par des courageux/inconscients youtubeurs, c’est par là.

[40] Du russe : Мир signifiant « Paix » et « Monde ».

[41] Le record a été établi par Valéry Poliakov avec 438 jours, soit les temps du vol martien.

[42] Plusieurs pays européens ont décidé en 1975 de coordonner leurs projets spatiaux dans une agence intergouvernementale, l’ESA (agence spatiale européenne). Bien que financée à 25% par l’Union européenne, il ne s’agit pas d’une agence communautaire. Ainsi, les 22 membres qui financent le reste de son budget ne sont pas tous inclus dans l’UE (Norvège, Suisse et désormais Royaume-Uni) et ne sont qu’une partie des pays européens.

[43] Cf. ci-après : « La Chine : à la conquête de l’espace, des mers et des océans (objet de travail conclusif) »

[44] Cf. ci-après : « Coopérer pour développer la recherche : la station spatiale internationale ».

[45] Le Congrès a néanmoins obtenu le maintien d’une partie du programme Constellation.

[46] Cf. la présentation des Accords Artemis sur le site de la NASA, et du programme réactualisé sur Wikipédia.

[47] NB. Les budgets des agences spatiales peuvent différer d’une source à l’autre (par exemple, les chiffres disponibles sur Wikipédia ne sont pas ceux du manuel), mais les classements restent généralement identiques.

[48] Cf. ci-après : « La Chine : à la conquête de l’espace, des mers et des océans (objet de travail conclusif) ».

[49] Centre d’innovation près de Moscou, projet lancé en 2009 et présenté comme la « Silicon Valley russe ».

[50] Cf. France 24.fr, « Pourquoi la Russie veut quitter l’ISS pour construire sa propre station spatiale », 23 avril 2021.

[51] 22 États membres dont certains ne font pas partie de l’UE comme le Royaume-Uni, la Norvège et la Suisse.

[52] « Nous voulons que l’Europe tire profit de l’espace autant que les Etats-Unis et la Chine. Nous avons déjà l’expertise, le savoir-faire et la capacité industrielle. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est une vision et une ambition spatiales européennes communes. »

[53] Selon les estimations de la banque américaine Morgan Stanley, les revenus engendrés par le spatial devraient passer de 350 milliards de dollars aujourd’hui à plus de 1 000 milliards en 2040…

[54] Environ 1 milliard d’euros en 2016 contre 8 à 10 pour la Chine et l’Europe et près de 40 pour les États-Unis. Cf. notion d’innovation frugale : « jugaad » -la mission indienne autour de Mars, Mangalyaan, n’a coûté que 74 millions de dollars, soit moins que la réalisation du film Gravity en 2013 (100 millions)

[55] Le 1er avril 2019, l’organisation indienne de recherche spatiale (ISRO) a procédé au tir réussi de son lanceur PSLV, lequel transportait une trentaine de satellites, occidentaux (24 américains, quatre européens), et un satellite indien de dernière génération. Ce lancer constitua une première, l’ISRO plaçant notamment à cette occasion des satellites sur trois orbites au cours d’un même lancement, tout en transformant le 4e étage du PSLV en une plate-forme de recherche orbitale.

[56] 2008 : réussite de la mise en orbite autour de la Lune de la sonde Chandrayaan-1 ; 2019 : Chandrayaan-2 est bien mise sur orbite, mais l’alunissage du véhicule lunaire échoue ; 23 août 2023 : alunissage réussi de Chandrayaan-3.

[57] Mission « Gaganyaan », reportée à 2024.

[58] Le tir anti-satellite du 27 mars 2019 a été réalisé par le Defense Research and Development Organisation (l’ISRO n’étant pas concernée) en parvenant à détruire par missile un satellite à une orbite assez basse de 300 km. Jusqu’à ce jour, seuls les États-Unis, la Chine et la Russie s’en étaient montrés capables…

[59] À ce jour, seuls les États-Unis avec GPS, la Russie avec Glonass, la Chine avec Beidou-2 et l’Europe avec Galileo bénéficient de telles capacités.

[60] …largement popularisé le retour d’échantillons d’astéroïdes en 2010 et 2020 dans le cadre des missions Hayabusa.

[61] Le 1er février 2003, la navette Columbia explose au-dessus du Texas, tuant les 7 membres de l'équipage.

[62] Cela se traduit par une perte de revenus pour le spatial russe, le prix du siège étant facturé environ 8o millions de dollars.

[63] Elon Musk, fondateur de SpaceX, assume ainsi ouvertement vouloir coloniser la planète Mars et y poser lui-même le pied dans un horizon assez proche, quand Richard Branson entend permettre à son entreprise Virgin Galactic d’envoyer des touristes dans l’espace, c’est-à-dire de vendre des vols suborbitaux au public.

[64] Les cinq points de Lagrange sont des positions où les forces de gravitation de la Terre et de la lune s'équilibrent. Un engin spatial peut s'y maintenir sans grande dépense d'énergie. Le point l1 est sur l'axe Terre-lune, entre nous et notre satellite, l2 au-delà de la lune, l3 derrière la Terre, l4 et l5 sont positionnés sur l'orbite lunaire, à 60 degrés de part et d'autre de l'astre.

[65] Découvrez le fameux « cylindre d’O’Neill » sur Wikipédia.

[66] Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, Londres/Moscou/Washington, le 27 janvier 1967. Il garantit le libre accès de tous les États à l’espace extra-atmosphérique, qui n’appartient donc à personne, mais leur interdit de revendiquer la souveraineté sur tout ou partie des astres, considérés comme des biens communs de l’humanité. Ce traité prohibe également la mise en place d’armes de destruction massive, notamment nucléaires, dans l’espace. Un devoir d’assistance envers les astronautes, quelle que soit leur nationalité, est imposé aux États. Ces principes sont confirmés par le traité sur la Lune de 1979 -Vocabulaire p.64 qui définit cet astre comme un « patrimoine commun de l’humanité ».

[67] Ainsi, à l’été 2016, Virgin Galactic (détenu par Richard Branson) obtient une licence d’exploitation pour proposer des vols touristiques dans l’espace de la part de la FAA (Federal Aviation Administration), qui a pour mission de contrôler et d’édicter les règles de l’aviation civile aux États-Unis.

[68] Par exemple, c’est parce que la société SpaceX profite d’un contrat de transport de fret vers la Station spatiale internationale (ISS) qu’elle a pu dégager des marges pour innover par la mise au point d’une fusée Falcon 9 réutilisable.

[69] À lire pour approfondir, ce billet sur le blog de Lionel Maurel.

[70] Cf. http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/oceans-et-mondialisation/articles-scientifiques/puissance-sous-marins-nucleaires.

[71] La dissuasion est la stratégie qui consiste par la seule crainte des représailles, à décourager l’ennemi de toute agression. La dissuasion nucléaire est la dissuasion exercée par la menace de provoquer, par l’emploi d’armes nucléaires, des dommages hors de proportion avec l’enjeu des intérêts mis en cause et, de ce fait, inacceptables pour tout adversaire qui voudrait leur porter atteinte. Fonction stratégique, la dissuasion nucléaire est considérée comme la garantie ultime de la sécurité et de l’indépendance vis-à-vis de toute agression.

[72] Vocabulaire p.41- La capacité de projection d’une puissance est l’ensemble des moyens qui permettent d’acheminer une force militaire loin de son lieu habituel de stationnement, pour exécuter, aussi longtemps que nécessaire, une mission. La marine participe à la capacité de projection. Ici il s’agit de la projection sur les mers et océans de la puissance nucléaire.

[73] T. Lecoq, « France : de la défense des frontières à la défense sans frontières » in Questions internationales 79-80, 2016

[74] Cf. listes sur Wikipédia.

[75] Si celui-ci a connu quelques échecs (Inde, Pakistan, Corée du Nord), il a aussi rencontré des succès (l’Afrique du Sud qui a mis fin à son programme nucléaire en 1990).

[76] Cela constitue la Triade nucléaire.

[77] « Un porte-avions, c'est 100 000 tonnes de diplomatie » (Henry Kissinger, secrétaire d’État des États-Unis de 1973 à 1977.

[78] Un deuxième porte-avion à propulsion nucléaire est en projet : le coût envisagé est d’au moins cinq milliards d’euros, et les premiers essais en mer sont prévus en 2036.

[79] NB : les 6 SNA français sont basés à Toulon.

[80] En mai 2018, le nouveau SNLE Boreï Iouri Dolgorouki immergé en mer Blanche a tiré une salve de quatre missiles balistique mer-sol RSM-56 sur une cible située à des milliers de km dans le polygone de tir de Koura au Kamtchatka, dans l’Extrême-Orient russe.

[81] Cf. ci-après : « La Chine : à la conquête de l’espace, des mers et des océans (objet de travail conclusif) ».

[82] États-Unis, Russie, Canada, Brésil, Japon et 11 des 22 membres de l’ESA.

[83] Robotique avec la construction de bras articulés par les Canadiens avec Canadarm 2, vaisseau cargo automatique ATV européen pour ravitailler la Station, formation des astronautes...

[84] Ce n’est que grâce à des financements étatsuniens qu’elle a pu effectuer les lancers des deux derniers modules de Mir (Spektr en 1995, Piroda en 1997), qui avaient été annulés précédemment par Roskosmos, faute de capitaux.

[85] « Certes, c’est disproportionné par rapport aux expériences menées, concède Didier Schmitt, responsable de la stratégie et de la coordination de l’exploration habitée et robotique à l’ESA. Mais la construction de l’ISS était une décision politique et pas scientifique. Après la chute du mur de Berlin, les Américains ont tendu la main aux Russes pour que leurs ingénieurs ne se tournent pas vers des pays comme l’Iran. L’intérêt de l’ISS dépasse la science. Cela a un coût, mais pas de prix. »

[86] La France débourse 30 millions d’euros par an. « L’équivalent d’une rame de TGV », relativise Didier Schmitt (ESA).

[87] …ce qu’elle fait effectivement en procédant à son désorbitage en mars 2001

[88] …qui a emmené le spationaute français Thomas Pesquet sur l’ISS en 2021, alors qu’il avait utilisé un Soyouz en 2016…

[89] Cf. « Pour l’ISS, un avenir sous mauvaise étoile ? », Libération, 22 avril 2021.

[90] André Louchet, Atlas des mers et des océans : conquêtes, tensions, explorations, Autrement 2015

[91] De dominio maris dissertatio (1702) : « Le pouvoir de l’État [sur la mer] finit là où finit la force de ses armes. »

[92] 5.5 km, ce qui est beaucoup plus dans les faits que la portée d’un canon

[93] Jean-Paul Pancracio, 2019 https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271409-les-oceans-ont-ils-des-frontieres

[94] Sur la mer territoriale, le plateau continental, les activités de pêche et la conservation des ressources biologiques en haute mer.

[95] NB : la CNUDM n’est pas le seul traité maritime, des accords spécifiques sont également conclus dans le cadre de l’Organisation maritime internationale (OMI). Cette institution spécialisée des Nations Unies, chargée d’assurer la sécurité et la sûreté de la navigation maritime et de prévenir la pollution des mers, regroupe, elle, la totalité des États côtiers du monde.

[96] Un mille marin (ou nautique) mesure 1852 m (NB : ne pas confondre avec un mile, unité de mesure anglo-saxonne mesurant 1609 m). De la convention de Genève (1958) à celle de Montego Bay (1982), la mer territoriale s’est étendue de 3 à 6 puis 12 milles marins. Le passage de 6 à 12 a été obtenu après une lutte entre les grandes puissances maritimes et un groupe d’États d’Amérique latine et d’Afrique en développement. Ces États revendiquaient une extension à 200 milles marins (370 km) du littoral, là où se trouve 90% de la ressource halieutique mondiale.

[97] Les rades, les baies, les ports qui sont en-deçà du trait de côte forment les eaux intérieures, qui ont un régime juridique identique au territoire terrestre, avec une pleine souveraineté pour l’État. Il s’agit du seul espace maritime où l’État dispose de la pleine souveraineté politique.

[98] La plate-forme continentale ou plateau continental est un replat marin à pente faible, compris entre le littoral et le talus continental qui plonge vers des profondeurs voisines de 200 m. Sa largeur peut osciller de quelques kilomètres à plus de 1 000 km. Son modelé hérité de formes terrestres immergées est soumis à l’accumulation sédimentaire (source : Géoconfluences).

[99] Or, même les États-Unis ont défendu ab initio la convention et agissent actuellement, par exemple en mer de Chine, pour favoriser la libre-circulation de leurs navires.

[100] Le territoire maritime de la France, avec 11 millions de km², est au deuxième rang mondial derrière celui des États-Unis. Elle est par exemple particulièrement attachée à la ZEE offerte par l’île de Clipperton, une zone particulièrement riche en ressources thonidées et en nodules polymétalliques.

[101] http://ceriscope.sciences-po.fr/content/part2/les-enjeux-politiques-autour-des-frontieres-maritimes

[102] Cf. Ci-après.

[103] « L’océan, avenir de l’humanité ? ». Entretien avec Françoise Gaill, Les grands Dossiers de Diplomatie, février-mars 2020, Géopolitique des mers et océans.

[104] Dès 1967, le premier représentant permanent de Malte Arvid Pardo à l’ONU propose de déclarer le fond des mers et océans, au-delà de la mer territoriale, « patrimoine commun de l’humanité

[105] Cf. https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/

[106] A. Michelot. L’Océan au-delà des juridictions nationales : la dernière frontière ? Un enjeu de solidarité écologique. Revue Juridique de l'Environnement, Société française pour le droit de l'environnement, 2019, 44, pp.231-242. ⟨hal-02394261⟩

[107] Par exemple, les eaux profondes sont renouvelées lors de périodes de refroidissement et le changement climatique peut altérer les processus qui les ventilent.

[108]L’autorité internationale des fonds marins (International Seabed Authority ISA) a été fondée en 1994 à Kingston. Elle dépend de l’ONU et permet aux États parties de la Convention de Montego Bay de contrôler les activités en haute mer.

[109] https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271409-les-oceans-ont-ils-des-frontieres

[110] Les premiers lanceurs sont expérimentés dans un cadre militaire (le premier essai nucléaire est réussi en 1964).

[111] Le nom de la famille de fusées fait référence à la Longue Marche chinoise (1934-1935), qui est un des épisodes les plus importants et symboliques de la guerre civile chinoise, ayant abouti à l'avènement de la République populaire de Chine

[112] Le satellite diffuse le chant « L’Orient est rouge », un des vecteurs du culte de la personnalité de Mao Zedong.

[113] Cela concerne aussi les îles Penghu, Dongsha, Xisha ou Nansha. NB. en 1958, les îles Diaoyu-Senkaku qui sont aujourd’hui l’objet de litige avec le Japon ne sont pas revendiquées.

[114] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_Shenzhou

[115] Deux équipages se sont rendus à bord de la station pour quelques jours en 2012 et 2013, avant sa mise en sommeil et sa rentrée dans l'atmosphère en mars 2018.

[116] En 2013, on avait assisté à l'alunissage du petit robot « Lapin de jade », chargé notamment de prendre des photos. D'abord en panne, il a finalement été réactivé et a évolué sur la surface lunaire durant 31 mois -bien plus que sa durée de vie supposée. En janvier 2019, la Chine réalisait une première mondiale : l'alunissage de « Lapin de Jade 2 », sur la face cachée de la Lune.

[117] Cf. création du quatrième site de lancement chinois à Wenchang en 2016, pour plus de 800 millions de dollars.

[118] Chang’e : nom d’une déesse exilée sur la Lune.

[119] Tianwen : « question au ciel »

[120] La télévision publique CCTV a diffusé pour l’occasion une édition spéciale intitulée « Nihao Huoxing » (« Bonjour Mars »). NB. Le nom « Zhurong » a été choisi après un sondage en ligne et fait référence au dieu du feu dans la mythologie chinoise. Une symbolique justifiée par l’appellation en chinois de Mars : « huoxing », littéralement « la planète de feu ».

[121] Construites avec des matériaux lunaires moins chers que de la transporter depuis la terre.

[122] Rappel. Les budgets des agences spatiales peuvent différer d’une source à l’autre (par exemple, les chiffres disponibles sur Wikipédia ne sont pas ceux du manuel), mais les classements restent généralement identiques.

[123] Expression du commandant américain de la flotte du Pacifique, Harry Harris. Harris H., « Speech delivered to the Australian Strategic Policy Institute », 31 mars 2015.

[124] Selon la Conférence de Montego Bay qui détermine les limites des ZEE, une île ne peut posséder une ZEE et se prévaloir de droits sur les ressources marines alentour que si elle n’est pas recouverte à marée haute. De plus, elle doit être habitée.

[125] Le canal transocéanique en cours de développement au Nicaragua diffère notoirement des autres investissements, car l’intérêt que la Chine y porte ne concerne pas tant ses ressources que sa localisation géographique. Ce sont cinquante milliards de dollars d’investissement, 278 km de long (le triple de celui de Panama) et 30 m de profondeur (le double de Panama), ce qui doit permettre le passage de navires jusqu’à 400 000 t.

[126] H. Kissinger illustrait la dimension politico-diplomatique du porte-avions en martelant qu’il équivalait à « 100 000 tonnes de diplomatie ». La possession sur les espaces maritimes de bientôt trois porte-avions devrait permettre à la Chine d’asseoir sa stratégie d’affirmation à l’échelle mondiale.

[127] Équivalent du GPS étatsunien ou de Galileo pour l’ESA.

[128] Aron R., 1962, Paix et guerres entre les nations. Cf. également les quatre capacités « de faire, de faire faire, d’empêcher de faire et de refuser de faire » qui sont selon Serge Sur les attributs essentiels de la puissance.

[129] Cf. cession par le Sri Lanka à la Chine du port de Hambantota en juin 2017.

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