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Sommaire
I. LA RÉVOLUTION, 1789-1799
A. L’AFFIRMATION DES GRANDS PRINCIPES DE LA MODERNITÉ POLITIQUE
1. La mise en mouvement : émeutes et prise de parole
2. De la Révolution des Communes à la Révolution française (6 mai-4 août 1789)
B. CONFLITS ET DÉBATS
1. L’affirmation de la souveraineté nationale
2. L’échec de la monarchie constitutionnelle (juillet 1790-janvier 1793)
3. Les paroxysmes révolutionnaires (janvier 1793-décembre 1794)
4. L’impossible république conservatrice (1795-1799)
II. LE CONSULAT ET L’EMPIRE (1799-1814)
A. UN NOUVEL ORDRE POLITIQUE
1. La France post-révolutionnaire
2. La réorganisation de la société
B. LA RÉVOLUTION, L’EMPIRE ET L’EUROPE
1. Le grand Empire
2. La chute
Manuel p.20-53
Introduction
Chronologie p.23- Ce chapitre vise à montrer l’ampleur de la rupture révolutionnaire avec « l’Ancien Régime » et les tentatives de reconstruction d’un ordre politique stable.
Quelles mutations politiques la France connaît-elle entre 1789 et 1814 ?
I. La Révolution, 1789-1799
Cours 1 p.24-25, 2 p.26-27
A. L’affirmation des grands principes de la modernité politique
Survenue à la fin de l’été 1789, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen formule les grands principes de la modernité politique ; s’ouvre alors une période marquée par la volonté d’unir la nation, désormais souveraine, autour de ces principes.
1. La mise en mouvement : émeutes et prise de parole
Début 1789, la protestation contre la cherté du pain et la préparation des États généraux élargissent l'entrée des Français sur la scène des affaires publiques, autant par les voies de la violence que par l'expression des doléances.
a. Crise et émeutes
En juillet 1788, de violents orages détruisent une partie des récoltes. Les rigueurs de l'hiver 1788-1789 nuisent au ravitaillement des villes. Le prix des subsistances augmente[1], dans un contexte économique déprimé marqué par l’accroissement du chômage, de la mendicité et de l’errance.
Partout on dénonce les accapareurs, on met en cause le commerce des grains, on exige que l'État et les autorités locales fixent des prix plafonds et approvisionnent les marchés. En mars 1789, la vague des émeutes, surtout frumentaires, déferle. À Paris, un placard est affiché : « On meurt de faim, le Roi le sait. Le pain à deux sols ou on met le feu aux quatre coins de son royaume. ». La mobilisation de la faim crée une dynamique politique importante, qui coïncide avec les assemblées préparatoires aux États généraux[2].
b. Les cahiers de doléances et l’ouverture des États généraux
La très grande majorité des sujets du roi, Louis XVI -Biographie p.24 étaient jusqu'alors voués à la passivité politique. En deux mois, les Français sont appelés à participer à une formidable série d'assemblées. Cette séquence donne un élan irrésistible au mouvement national.
En principe, les assemblées de bailliage réunissent députés du Tiers et privilégiés. En fait, dans la plupart des provinces, les opérations communes se limitent aux cérémonies d'ouverture et de clôture. Pour le Tiers-état, à l’échelle des communautés, une grande variété de situations est observée[3]. Mais in fine, à l’échelle des assemblées de bailliage, on assiste à une « nationalisation » des revendications du Tiers sous l’influence des députés des villes.
La préparation achevée, 1139 députés convergent sur Versailles. Leur composition suggère à elle seule que les États généraux ne pourront pas être uniquement des États généraux : en effet, la présence massive d’avocats et d’hommes de loi (plus de la moitié des députés du Tiers) et la très large imprégnation des Lumières favorisent chez la majorité des députés l'idée qu'il leur incombe de régénérer la nation -Vocabulaire p.25.
Pourtant, l'ouverture des États consacre les divisions traditionnelles :
- Le 2 mai, c’est séparément, ordre par ordre, que les députés sont présentés au roi.
- Le 4, la procession, où prélats et nobles en habits de parade précèdent le Tiers vêtu de noir, offre un reflet de la hiérarchie sociale.
- Le 5, lors de la séance inaugurale, le Tiers refuse de s'agenouiller à l'entrée du roi. Pire, les discours du roi et des ministres déçoivent, surtout la mise en garde contre « les innovations exagérées ».
2. De la Révolution des Communes à la Révolution française (6 mai-4 août 1789)
Le 6 mai, alors qu’il est prévu que chaque ordre se réunisse séparément pour vérifier les mandats des députés, les députés du Tiers s’y refusent et prennent le nom de Communes (par référence à la chambre basse anglaise). L'épreuve de force est ouverte.
a. Les députés en révolution et l’agitation sociale
En dépit de plusieurs tentatives de conciliation, les États généraux piétinent pendant un mois. À partir du 10 juin, les événements se précipitent quand les Communes décident de lancer un dernier appel aux deux ordres pour siéger en commun. La constitution en Assemblée nationale, le 17, est l’aboutissement de cette démarche. Tel est le titre que s'attribuent unilatéralement les députés du Tiers, rejoints par 19 curés. La démarche consacre une double rupture politique : le Tiers s'érige en représentant légitime de l'ensemble de la nation ; l'Assemblée s'arroge le droit de consentir l'impôt sans l'agrément du roi. L'autorité absolue est désormais antagoniste de la volonté nationale. Deux pouvoirs se défient.
Le 20 juin, le roi fait fermer les portes de la grande salle. Les députés du Tiers et ceux qui les ont rejoints osent la rébellion ouverte ; ils se réunissent au Jeu de Paume et prêtent, après le président Bailly, le serment de « ne jamais se séparer [...] jusqu'à ce que la constitution soit établie ». Le roi choisit la voie de l'intimidation. Tandis que les troupes approchent de Versailles, l’Assemblée continue ses travaux et proclame l'inviolabilité de ses membres. Non seulement elle ne se retire pas[4], mais au contraire, le 9 juillet, elle se proclame « Assemblée nationale constituante » -Vocabulaire p.25. Constitution. Louis XVI quant à lui joue un double jeu : s’il invite les députés du clergé et de la noblesse à rejoindre le Tiers, il ordonne en même temps la concentration de plusieurs régiments près de Paris.
En effet, la crise frumentaire s'aggrave et les émeutes se multiplient. De plus en plus, la violence prend une signification politique, tandis que le discours anti-nobiliaire se radicalise dans la presse, les caricatures et les pamphlets[5], qui attribuent aux aristocrates le double projet de vouloir affamer le peuple et de faire échouer les États généraux. L’idée que le complot s'enracine dans l'entourage royal fait son chemin. Paris occupe le premier rang dans cette dynamique qui donne lieu désormais à une intervention directe du peuple, constitué en véritable troisième pouvoir.
b. Paris en révolution
Dès le 28 juin, des soldats pactisent avec la foule. Ainsi les moyens de contrôle de la ville se dérobent-ils au moment où la faim, la peur, la rumeur politique exaspèrent la tension. Le 12 juillet, la nouvelle du renvoi de Necker, le ministre « conciliateur », est interprétée comme l'œuvre du complot aristocratique.
La charge de soldats du Royal-Allemand sur des manifestants dans les jardins des Tuileries déclenche deux journées révolutionnaires. Le mouvement commence comme une révolte de la misère et du refus fiscal, par des incendies et des pillages. Il s'accompagne d'une prise du pouvoir local, avec la formation d'un « Comité permanent » et d'une milice dont les membres porteront une cocarde aux couleurs de Paris (rouge, bleu). La révolte aboutit, le 14, à la prise de la Bastille.
En prenant d'assaut la prison d'État, symbole de l'arbitraire et réserve de munitions, 40 000 Parisiens, petits bourgeois et gens des métiers surtout, trouvent un exutoire à plusieurs semaines de montée des tensions et consolident ainsi la position de l'Assemblée face au roi. Ils accèdent en même temps à une participation politique directe. Le retentissement est immédiat. Le 15, le roi annonce à l'Assemblée le retrait des troupes de Paris[6]. En quelques jours, toute l'Europe éclairée vibre à la nouvelle de l'événement. La IIIe République, en 1880, fera de ce jour la Fête nationale -Passé/présent p.34-35. Comment la Bastille est-elle devenue un lieu symbolique et populaire ?
La portée symbolique de la prise de la Bastille n'interdit pas à l'historien de relativiser le caractère exceptionnel de l'insurrection parisienne : dans le processus de maturation révolutionnaire, elle ne constitue qu'une phase aiguë de tension parmi beaucoup d'autres. Elle ressort de comportements collectifs qui se sont manifestés et se manifesteront en bien d'autres temps et autres lieux : des hommes que leur situation voue à la soumission expriment le besoin de poser leur existence par un acte fort ; en un moment d'effondrement du contrôle social, la protestation collective tend à déboucher sur une violence sanguinaire contre des boucs émissaires (ici par exemple le gouverneur de la Bastille, de Launay).
Dans les jours qui suivent, l'épisode insurrectionnel est prolongé par des actes politiques : Bailly est nommé maire de Paris et La Fayette, commandant de la milice. Le 17 juillet, Louis XVI vient à Paris et se présente, à côté de Bailly, sur le perron de l'Hôtel de Ville en arborant la cocarde[7]. La foule scande : « Vive la Nation ! ». Entre-temps, la fièvre a gagné la France entière.
c. Révolution municipale et Grande Peur
La « révolution municipale ». La nouvelle de la prise de la Bastille accentue le caractère politique des troubles urbains et débouche sur une révolution municipale. Ce mouvement est à la fois différent et indissociable de la Grande Peur qui bouleverse les campagnes à partir du 20 juillet.
Une rumeur se diffuse, prétendant que des bandes de brigands, payées par les aristocrates, pilleraient villages et récoltes, provoquant partout des scènes de panique et des prises d'armes, qui se transforment parfois en expéditions contre les châteaux ou les abbayes. La Grande Peur manifeste une puissante poussée politique paysanne en vue d'imposer un changement de l'ordre social.
Le choc est considérable. Pour l'Assemblée nationale constituante qui se veut fondatrice d'un nouvel État de droit, il y a urgence. La loi doit triompher du désordre.
d. Abolir et fonder
Les deux démarches qui consacrent la rupture révolutionnaire sont intimement liées.
Depuis le 9 juillet, les députés débattent de la Constitution. Doit-elle être précédée d'une déclaration des droits naturels ? faut-il l'assortir d'une déclaration des devoirs ? Les députés sont très partagés.
Pendant ce temps, les émeutes se transforment fréquemment en soulèvements des pauvres contre les possédants et donnent lieu à des atteintes contre les propriétés[8].
À Versailles, les députés se doivent d'agir. Deux nobles, Noailles et Aiguillon, proposent, pour rétablir le calme, l'abolition des privilèges : la rupture avec l'Ancien Régime est consommée, la révolution comme « processus dynamique de transformation profonde et irréversible dans la société » s’accomplit. Une étape majeure de l'histoire de notre société est franchie. Comment une telle accélération a-t-elle été possible ?
Abolir les privilèges, c’est sacrifier et sauver. Le but de l'opération est d’accorder la fin des privilèges contre la confirmation de la propriété, et d’obtenir du même coup la fin des désordres, en particulier dans les campagnes.
La fondation constitutionnelle peut reprendre sur un terrain dégagé : le principe de l'adoption d'une déclaration des droits a finalement été accepté par une majorité de députés et le 26 août 1789, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est adoptée -De la source à l’Histoire p.32-33. Pourquoi la DDHC marque-t-elle une rupture dans l’histoire de la Révolution ?
« L'alphabet politique d'un monde nouveau ». Rabaut Saint-Étienne, député nîmois, résume ainsi ce projet ambitieux : énoncer, en quelques articles (17), des principes clairs et suffisamment généraux, détachés des contingences du moment, pour qu'ils acquièrent valeur universelle.
Article 1 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité publique. » Tout le pari de 1789 est contenu dans ces mots : affirmation du principe d'égalité, formidable promotion de l'homme-citoyen libre (affirmation de la souveraineté nationale -Vocabulaire p.25, droit et loi érigés en pivot de la société et de l'État, articulation des principes avec l'énoncé de limites nécessaires (inégalités sociales considérées comme utiles, propriété, etc.).
En proclamant « les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme » la déclaration prétend à un statut universel que lui reconnaitront bien des peuples par la suite. Elle sera reprise comme préambule des constitutions de 1793, 1795, 1848, et complétée par celle de 1946 (et de 1958) par un certain nombre de principes nouveaux dans le domaine économique et social. Source du droit, la Déclaration des droits de l'homme finit par devenir mythe et emblème d'une certaine idée française de la démocratie, ainsi que la matrice de la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations unies qui déclare inaliénables les Droits de l'homme et les libertés fondamentales.
Mais comment la conciliation de tous ces éléments est-elle compatible avec les rapports de forces au sommet de l'État, et avec l'irruption massive des citoyens sur la scène politique ?
B. Conflits et débats
Les conflits et débats qui caractérisent la période ; l’affirmation de la souveraineté nationale, la mise en cause de la souveraineté royale, les journées révolutionnaires, la Révolution et l’Église, la France, la guerre et l’Europe, la Terreur, les représentants de la nation et les sans-culottes
1. L’affirmation de la souveraineté nationale
Les constituants doivent désormais gérer la rupture et par conséquent répondre clairement à une question : qui détient l'autorité ?
La Déclaration a fixé le principe de séparation des pouvoirs, reste à établir l'équilibre des responsabilités entre le roi (pouvoir exécutif) et l’Assemblée (pouvoir législatif). Une majorité se dégage en faveur d’une assemblée unique et de l’attribution au roi d’un droit de veto suspensif qui lui permet seulement de retarder l'application d'une loi pendant deux législatures (4 ans). À la réduction de ses pouvoirs, Louis XVI oppose l'inertie : il ne signe pas les textes adoptés.
Documents p.30. Le peuple en révolution : les journées d’octobre- À Paris, les femmes du petit peuple sont exaspérées par la pénurie : un cortège se forme le 6 octobre 1789, et 6 000 à 7 000 manifestants gagnent Versailles. Des émeutiers envahissent le château, menacent Marie-Antoinette et massacrent des gardes du corps. Pour arrêter l'effusion de sang, Louis XVI annonce leur retour à Paris. Un long cortège ramène « Le boulanger, la boulangère et le petit mitron [le dauphin] ». L'installation aux Tuileries ne signifie pas seulement l'inconfort d'une demeure depuis longtemps délaissée, elle implique aussi la tutelle de Paris sur le monarque. L'Assemblée ne peut évidemment que suivre... et se trouve dès lors moins menacée par le roi que par le mouvement révolutionnaire.
Fin 1789, les constituants mettent sur pied un édifice administratif et politique complètement renouvelé : changement de titre de Louis XVI désormais « roi des Français » (10 octobre), adoption du suffrage censitaire (20 octobre), création des départements (22 décembre).
2. L’échec de la monarchie constitutionnelle (juillet 1790-janvier 1793)
a. De l'unité célébrée à l'unité impossible (juillet 1790-septembre 1791)
Alors que les rois se faisaient sacrer dans la cathédrale de Reims, la monarchie constitutionnelle se met en scène le 14 juillet 1790, à Paris, dans un grand cérémonial de plein air, sur le Champ-de-Mars : la fête de la Fédération. Plusieurs dizaines de milliers de spectateurs sur des gradins entourent une vaste esplanade, au centre de laquelle est installé le trône royal. La Fayette[9] prononce un serment qui résume à lui seul le projet constituant : « Nous jurons de rester fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi, de maintenir [...] la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi, de protéger [...] la libre circulation des grains et des subsistances [...] et de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité. » La foule reprend : « Nous le jurons. » Louis XVI prête à son tour serment. Les cloches sonnent dans toute la France. Mais ce n'est là qu'un « moment de grâce précaire », car les divisions s’exacerbent.
- Clivages religieux : considérant que « l’Église est dans l'État » (Camus, député), les députés votent la Constitution civile du clergé -Vocabulaire p.25 le 12 juillet 1790 : désormais, le clergé est salarié par l’État, les curés et les évêques sont élus et contraints de prêter serment de fidélité « à la nation, à la loi et au roi ». Le pape, Pie VI, condamne officiellement la Constitution civile, et l’Église de France se divise entre jureurs et réfractaires, et ce clivage religieux implique la quasi-totalité du corps social -Documents p.38-39. L’Église catholique et la Révolution.
- Plus largement, d’autres clivages politiques et sociaux se font jour :
- Des mécontentements s’expriment de la part des perdants du nouveau régime (ex-privilégiés…), de ceux qui protestent contre la lenteur des nouvelles mesures (fiscalité…), et de ceux qui continuent de pâtir de la conjoncture économique déprimée (émeutes frumentaires, séditions ouvrières…).
- La Contre-Révolution déclarée est encore discrète, mais elle suscite un flux croissant d'émigrés autour des princes installés à Turin puis[10] à Coblence, où ils préparent une reconquête du pouvoir qui s'appuierait sur des soulèvements intérieurs et sur l'intervention d'une armée des émigrés.
- Dans les grandes villes, et à Paris plus qu'ailleurs, les Sociétés des amis de la Constitution se multiplient, en lien avec le club des Jacobins[11]. Plus modérée, la Société de 1789 dénonce les excès des Jacobins, tandis que des clubs nouveaux et plus radicaux, à l'exemple des Cordeliers[12], se répandent -Club : vocabulaire p.25.
Beaucoup de ceux qui furent aux avant-gardes en 1789 souhaitent désormais contenir la Révolution[13]. Le 14 juin 1791 est adopté le décret Le Chapelier qui interdit les coalitions ouvrières. Il s'inscrit dans une série de mesures qui restreignent le droit de constituer des associations politiques et de signer des pétitions collectives. Contre cette politique, l'opposition démocrate se renforce, autour de Robespierre -Biographie p.27 notamment. Mais c’est le roi qui va faire défaut aux modérés.
Le 20 juin 1791, à la tombée de la nuit, la famille royale quitte les Tuileries sans difficultés majeures et se retrouve aux portes de Paris dans la berline acquise par le comte de Fersen, agent du roi de Suède, ami de Marie-Antoinette et organisateur de l'évasion. À travers la Champagne, Louis XVI doit gagner Montmédy, à la frontière des Pays-Bas, où stationnent les troupes de nobles émigrés. Dans la nuit du 21 au 22, le roi est reconnu à Varennes. À Paris, le retour a été prévu par les Champs-Élysées pour éviter la traversée des quartiers populaires. Le 25 juin après-midi, il s'accompagne d'un silence hostile, entre des gardes nationaux qui tiennent leur fusil crosse en l'air en signe de deuil.
Dans la déclaration qu’il laisse à l'intention de l'Assemblée, le roi dénonce un régime qu’il juge impossible et lance un appel aux Français « loyaux ». La nouvelle de la fuite du roi suscite une très vive émotion, et les partisans de la monarchie constitutionnelle se trouvent dans un extrême embarras : sans roi, leur construction politique s'effondre[14]. Les défenseurs de la monarchie constitutionnelle devront « jouer serré » pour installer le régime en dépit de Varennes. Déjà, les Cordeliers dénoncent la trahison et demandent la proclamation de la République. Manifestations et pétitions se multiplient, comme cet appel à la signature d'une pétition collective le 17 juillet 1791 au Champ-de-Mars. 5 000 à 6 000 manifestants se rassemblent le 17 au matin, bravant l’interdiction des autorités. La garde nationale ouvre le feu, laissant sur le pavé une cinquantaine de victimes. Dans les jours qui suivent, les membres des Cordeliers sont arrêtés ou fuient. Les Jacobins se divisent, les plus modérés d’entre eux[15] fondant le club des Feuillants.
Ce sont les Feuillants qui font voter la Constitution le 3 septembre 1791, acceptée par le roi le 13. La collaboration du roi est indispensable au fonctionnement de ce système : même s'il n'est plus que dépositaire du pouvoir confié par la nation, il dispose de pouvoirs non négligeables (nomination aux emplois publics, conduite de la politique extérieure, veto). L'Assemblée détient seule l'initiative des lois et ne peut être dissoute, mais doit supporter que certaines de ses initiatives soient suspendues par le veto royal.
La composition de l'Assemblée législative a évolué :
- Les contre-révolutionnaires ont disparu. La droite est désormais représentée par environ 260 Feuillants qui misent sur l'accord avec le roi pour arrêter la Révolution, rétablir l'ordre et écarter le péril social que Barnave dénonçait sans ambages en juillet : « Un pas de plus dans la ligne de la liberté serait la destruction de la royauté, dans la ligne de l'égalité la destruction de la propriété ».
- À l'opposé des Feuillants, on compte 136 députés inscrits chez les Jacobins. Parmi eux, une « extrême gauche » qui fréquente les Cordeliers se distingue d'une majorité qui ne condamne pas à l'avance la monarchie constitutionnelle malgré une grande défiance à l'égard du roi. Très vite, de fortes personnalités politiques émergent parmi eux : Condorcet, Vergniaud, Brissot.
- Enfin environ 350 députés indépendants forment le centre de l'Assemblée.
Aux nombreux problèmes en suspens, à l'incertitude sur le fonctionnement du régime s'ajoute bientôt une question qui s'avérera décisive dans la relance des antagonismes, celle de la guerre.
b. La guerre et la chute du régime (octobre 1791-septembre 1792)
La Révolution française connaît un large retentissement international, fait naître des espoirs dans de nombreux pays, au grand dam des régimes conservateurs dominants en Europe. En France, la question de la politique extérieure interfère de plus en plus avec la politique intérieure : prêtres réfractaires et émigrés incarnent le danger d'une coalition des ennemis du dedans et du dehors. L'attitude du couple royal, convaincu que la guerre pourrait servir la reconquête intégrale du pouvoir[16], alimente la défiance[17].
Pendant ce temps, la Prusse et Autriche ont établi un plan de bataille et un commandement communs. Le 25 mars 1792, un ultimatum exigeant la dispersion des émigrés séjournant en Rhénanie est repoussé. Le 20 avril, l'Assemblée nationale vote la proposition royale de déclarer la guerre « au roi de Bohême et de Hongrie », François II[18].
Dès les premières déconvenues militaires, la hantise du complot étranger et contre-révolutionnaire relance la suspicion :
- On dénonce le « Comité autrichien »[19], qu’on accuse de livrer les plans français à l'ennemi (ce que fait effectivement la reine).
- On dénonce l’usage abusif du veto par le roi pour bloquer les décisions de l’Assemblée.
Le 11 juillet 1792, est adoptée la proclamation de « la patrie en danger », ce qui entraîne l'appel aux volontaires. Beaucoup de députés pensaient ainsi canaliser le mouvement populaire qui va en réalité les déborder en provoquant la convergence des élans démocratiques et patriotiques, car la défense de la patrie est de plus en plus associée à la déchéance du roi.
Depuis le début du conflit, les Autrichiens occupent certaines villes du Nord. Le 28 juillet les Parisiens prennent connaissance du manifeste signé par le commandant des troupes austro-prussiennes, Brunswick, qui promet à la capitale les pires supplices si les Parisiens ne se soumettent pas au roi. Ce texte étale au grand jour ce que les Français suspectent depuis longtemps : la connivence de Louis XVI et de son entourage avec l'étranger pour anéantir la Révolution.
Documents p.31. Le peuple en révolution : l’insurrection du 10 août 1792- Le 10 août 1792 au matin, une foule furieuse assiège les Tuileries. La famille royale se place sous la protection de l'Assemblée législative. Les gardes Suisses tirent, mais les assaillants, volontaires marseillais et brestois, sans-culottes du faubourg Saint-Antoine, etc. envahissent les Tuileries et massacrent les Suisses. Ce 10 août 1792, le peuple parisien, doublé d'appuis provinciaux, contraint l'Assemblée à un changement de régime. L’Assemblée suspend le roi, qui est emprisonné au Temple ; elle instaure un conseil exécutif provisoire et décide l'élection d'une Convention au suffrage universel -Vocabulaire p.27.
De la fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, au 10 août 1792, se défait le rêve d’une régénération de la France dans le respect de la loi et d’une unité sous la direction conjointe du roi des Français et des représentants de la nation issus des classes propriétaires. La thèse traditionnelle parlant d'un 10 août soigneusement préparé par des Jacobins maîtres de la situation, ne résiste guère à l'examen. Ce sont les dysfonctionnements de la monarchie constitutionnelle, la radicalisation des antagonismes, la guerre enfin, qui conduisent à la chute de la royauté.
Les armées austroprussiennes passent à l'offensive. Longwy capitule, Verdun est assiégée. La crainte de l'invasion attise la peur du complot mené par des contre-révolutionnaires étrangers et intérieurs et la recherche de boucs émissaires[20]. Le 20 septembre, sur la route stratégique qui mène de la frontière d'Empire vers Paris, près du moulin de Valmy en Argonne, l'armée commandée par Dumouriez et Kellerman arrête les troupes austro-prussiennes. Celles-ci avaient préparé l'attaque par une importante canonnade ; les Français, inférieurs en nombre, résistèrent à la canonnade et Brunswick commanda la retraite. La portée militaire et nationale de Valmy est parfois contestée, mais il est indiscutable que Valmy, en stoppant l'invasion, a largement contribué à consolider la France révolutionnaire dont elle est indéniablement la victoire[21].
Les assemblées primaires ouvertes à tous les hommes de plus de 21 ans ont siégé fin août ou début septembre. Les députés fraîchement élus se réunissent une première fois le 20 ; le 21, ils officialisent l'abolition de la royauté. Le 22 septembre 1792 sera le premier jour de l'an 1 de la République -Vocabulaire p.26.
c. La République et le sort du roi (septembre 1792-21 janvier 1793)
Cette nouvelle Assemblée, la Convention, incarne d'abord une conception élargie de la souveraineté nationale : les représentants, réunis dans une assemblée unique sont dépositaires à la fois des puissances exécutive et législative. En second lieu, elle est aussi une assemblée constituante qui a pour tâche prioritaire l'établissement d'une constitution.
Dans sa composition, la Convention reflète les clivages apparus progressivement au sein des Jacobins, fixés par l’historiographie les a fixés de manière certainement trop tranchée :
- un « parti » assimilé à la droite, dit des Girondins -Vocabulaire p.26 (environ 20% des députés[22]) ;
- un groupe de gauche, dit des Montagnards -Vocabulaire p.26 puisqu'ils siègent en haut des gradins (environ 35% des députés) ;
- un centre appelé « Marais » ou « Plaine ».
Deux questions urgentes se posent à la Convention :
- Quelle guerre mener ? De la guerre défensive (défense de Lille assiégée fin septembre 1792), la France passe à la guerre d’expansion révolutionnaire[23]: occupation de Nice, de Mayence, de la Belgique, soutien aux Jacobins napolitains…
- Point de passage p.40-41. Le procès de Louis XVI- Que faire du roi ? Le scénario se précise au fil des jours :
- 7 nov. : adoption d'un rapport habilitant la Convention à juger Louis XVI.
- 20 nov. : découverte de l'armoire de fer où le roi cachait sa correspondance secrète.
- 11 déc. - 15 janv. : procès de Louis XVI, déclaré coupable le 15 janvier 1793
- 16 janv. - 20 janv. : votes sur la peine infligée. Le vote est mouvementé[24].
- Le 21 janv., vers 10 heures, le roi est guillotiné.
3. Les paroxysmes révolutionnaires (janvier 1793-décembre 1794)
a. La guerre et les divisions intérieures (février-juin 1793)
Pour tous les gouvernements européens, l'exécution de Louis XVI concrétise la menace subversive de l'exemple français. Quelques gestes provocateurs[25] poussent la Convention à déclarer la guerre à l'Angleterre, pour libérer son peuple « d'un gouvernement tyrannique et fourbe ». La coalition européenne contre la France s'élargit alors rapidement.
Les résistances à la Révolution prennent une nouvelle dimension. Le terme de « Vendée » désigne en fait le vaste soulèvement d’une partie des campagnes de l'Ouest contre le gouvernement républicain en 1793, qui lève une « Armée catholique et royale ». La majorité de ces contre-révolutionnaires se recrute chez les paysans ; en revanche, la plupart des villes de l’Ouest se mobilisent pour défendre la République.
À Paris, où les sans-culottes dénoncent les « affameurs » et les « ennemis de la Révolution », la vie politique se radicalise. Sous les pressions, la Convention vote les premières mesures « de salut public » :
- instauration de cours de justice spéciales jugeant sans appel les « entreprises contre-révolutionnaires, les attentats contre la liberté, l'égalité, l'unité de la République ».
- mise en place dans les villes de comités de surveillance élus et chargés du contrôle des suspects.
- Création du Comité de Salut public : composé de 9 membres élus pour un mois par les députés, il se substitue aux ministres dans l'application des lois.
La rivalité entre Girondins et Montagnards se transforme en affrontement sans merci. Les Girondins sont peu à peu assimilés aux ennemis de la Révolution., et sont écartés du pouvoir le 2 juin 1793, où 29 d’entre eux sont arrêtés en pleine séance à la Convention.
b. Nouvelle constitution et régime d’exception (été 1793)
La Constitution de 1793 (ou de l'an 1) est adoptée le 24 juin 1793. Elle a pour préambule la Déclaration des droits et se caractérise par une orientation très démocratique :
- La souveraineté repose tout entière sur un corps législatif élu pour un an au suffrage universel masculin.
- L'exécutif émane de cette assemblée qui nomme, sur proposition des départements, un collège de 24 membres.
- Les assemblées primaires de citoyens se voient octroyer le droit de s'opposer à l'adoption d'une loi et peuvent être consultées par référendum.
Le texte ne sera jamais appliqué, car la situation débouchera sur un gouvernement d'exception. En effet plusieurs fronts sont ouverts, qui mettent en péril la République :
- L'offensive des coalisés fait peser une lourde menace. La Savoie est envahie ; Valenciennes tombe le 27 juillet, et les Autrichiens y rétablissent partiellement l'Ancien Régime ; Toulon est livrée aux Anglais (27 août).
- À l'Ouest, l'armée vendéenne tient toujours le Sud de la Loire. D’autres foyers de révolte apparaissent dans diverses régions du territoire national.
c. De la Convention montagnarde à la Convention thermidorienne (septembre-décembre 1793)
Les Girondins éliminés, ce sont les Montagnards qui dominent l'Assemblée et occupent les postes du principal organe de gouvernement, le Comité de salut public. Le 5 septembre 1793, sous la pression des sans-culottes, la Convention inscrit la Terreur à l'ordre du jour -Terreur : histoire de mots p.26 :
- Formation d'une armée révolutionnaire de l'intérieur, pour assurer les réquisitions de grain et mater les révoltes.
- Arrestation des suspects.
Le 10 octobre, la Convention décrète que le gouvernement sera révolutionnaire jusqu'à la paix. La loi des suspects est adoptée le 17 septembre. Tous les suspects sont passibles du Tribunal révolutionnaire. Dès octobre, les grands procès se succèdent. Le Tribunal révolutionnaire condamne à mort et fait exécuter Marie-Antoinette (16 octobre), 21 députés girondins (31 octobre), Manon Roland -Point de passage p.36-37. Manon Roland, une femme en révolution, Bailly (novembre). Sous l'impulsion des représentants en mission, la répression se développe dans les villes et les provinces soulevées et progressivement reconquises. En même temps, une économie de guerre s'instaure, pour éviter que les pénuries n'entraînent la famine, et pour équiper une armée que la levée en masse permet de porter à plus de 700 000 hommes.
La régénération de la nation est l’objectif d’innombrables initiatives, comme l’adoption du calendrier révolutionnaire[26], dans lequel chacun des 12 mois de 30 jours est découpé en 3 décades. Leurs noms évoquent les rythmes saisonniers[27].
En septembre et octobre 1793, les Anglais (Hondschoote) et les Autrichiens (Wattignies) sont battus, tandis que la Savoie est libérée. En décembre, l'armée austro-prussienne est repoussée au-delà du Rhin, et Toulon est reprise et rebaptisée Port-la-Montagne. Dans le même temps, les insurrections intérieures sont écrasées, notamment celle des Vendéens, contre lesquels une véritable guerre est conduite. La Terreur s’amplifie :
- De novembre 1793 à janvier 1794 à Nantes, aux condamnations prononcées par les commissions militaires s’ajoutent les noyades collectives qui ont fait entre 2 000 et 4 000 victimes sur les 10 000 prisonniers entassés dans les prisons de la ville.
- De janvier à mai 1794, la Vendée subit la répression meurtrière des « colonnes infernales » du général Turreau.
- À Paris près de 1 400 personnes sont exécutées en six semaines (mai-juin 1794 : la « grande terreur »).
Au total, on estime à 40 000 le nombre des victimes de la Terreur. Les Montagnards ne sont pas d'accord sur les suites à donner au mouvement révolutionnaire. Certains dénoncent les excès des comités[28], tandis que les sans-culottes et les Cordeliers continuent de réclamer que la Révolution aille plus loin. Robespierre -Biographie p.27, Saint-Just et quelques autres membres du Comité de Salut public s’efforcent de rester au-dessus des « factions »[29], mais n’échappent pas à la chute, le 9 thermidor an II (26 juillet 1794).
Mis en accusation à la Convention, Robespierre est arrêté ainsi que Saint-Just aux cris de « À bas le tyran ». L'appel à l’insurrection lancé par la Commune de Paris conduit à la libération des Montagnards prisonniers, qui se réfugient à l'Hôtel de Ville. Mais dès le lendemain, les gardes aux ordres de la Convention investissent l'Hôtel de Ville, s’emparent de Robespierre et de ses partisans. Ils sont présentés devant le tribunal et guillotinés le jour même.
Dès lors, commence la Convention dite thermidorienne, et la répression s’abat sur les Jacobins, par la violence de groupes criant vengeance[30], et par l’action de la Convention, quand elle ferme le club des Jacobins de Paris le 12 novembre 1794[31]. La majorité thermidorienne va désormais entreprendre de terminer la Révolution.
4. L’impossible république conservatrice (1795-1799)
a. L'installation de la « République des meilleurs » (décembre 1794-0ctobre 1795)
Le 5 messidor an III (23 juin 1795), Boissy d'Anglas, rapporteur du projet de nouvelle Constitution, définit dans son discours préliminaire le sens du régime voulu par les Thermidoriens[32].
La République agrandit son territoire et inaugure la politique des États satellites. Mais en France, l’éclatement du corps social se manifeste de diverses manières :
tandis que des profiteurs s'enrichissent, la mortalité dans les quartiers populaires des villes s'accroît ; des bandes de brigands écument les campagnes[33]. À Paris, les sursauts révolutionnaires sont brisés par la répression, par exemple en avril et en mai 1795[34].
La nouvelle Constitution est adoptée le 5 fructidor an III (22 août 1795). Elle rétablit le suffrage censitaire, confie le pouvoir législatif à deux assemblées (Anciens et Cinq-cents) et l’exécutif à cinq directeurs.
b. Le Directoire à l'épreuve (octobre 1795-septembre 1797)
Mais la France s'enfonce dans la crise. En 1795 et 1796, la Convention réprime tour à tour une insurrection monarchiste (5 octobre 1795) et une agitation révolutionnaire, la Conjuration des Égaux[35] : leur leader, Gracchus Babeuf, est arrêté le 10 mai 1796 et condamné à mort. Après les succès électoraux des monarchistes en 1797, pour empêcher le retour de la monarchie les Thermidoriens commettent, avec l’appui de l’armée, le coup d'État du 4 septembre 1797[36] : les élections sont partiellement annulées, et une cinquantaine de députés sont arrêtés et déportés en Guyane.
La guerre se poursuit. C’est en Italie qu’un général de 26 ans, Napoléon Bonaparte, remporte des succès spectaculaires, militaires et diplomatiques. Les Autrichiens provisoirement hors de combat[37], reste l'Angleterre. Bonaparte, après avoir exclu un débarquement outre-manche, propose de frapper les Anglais en Égypte, un point névralgique de leurs liaisons avec les Indes. Le corps expéditionnaire français, qui comprend de nombreux savants[38], débarque le 1er juillet 1798, triomphe des troupes ottomanes et installe un protectorat[39]. Une seconde coalition se forme contre la France : Angleterre, Russie, Empire ottoman, Autriche… Les troupes françaises accumulent les revers sur tous les fronts et reculent dangereusement. Durant l'été 1799, tandis que l’ennemi menace les frontières, la France connaît une nouvelle crise politique.
c. Les 18 et 19 brumaire : de la révision au Consulat
Parmi les directeurs, Sieyès envisage un nouveau coup d'État, non plus pour sauver le régime, mais pour le transformer en le dotant d’un exécutif fort. Pour appuyer ce coup d’État, il se tourne vers le général Bonaparte, qui vient de faire un retour triomphal de l'expédition d'Égypte.
Le coup d’État du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) entraine la chute du Directoire et l’instauration du Consulat.
Le projet de Bonaparte ne diffère pas de celui du Directoire : clore la Révolution. Il s’impose Premier consul et fait adopter la Constitution de l’an VIII le 25 décembre 1799, qu’il fait ratifier par un plébiscite… largement truqué.
Au cours de la campagne du printemps 1800, Bonaparte et son armée repoussent les Autrichiens (bataille de Marengo, 14 juin 1800). Il reste l'Angleterre mais le péril le plus immédiat est écarté, et l'œuvre intérieure d'autant mieux entreprise que les « ennemis » sont éliminés sans scrupules[40].
II. Le Consulat et l’Empire (1799-1814)
Cours 3 p.28-29. Du Consulat à l’Empire (1799-1814)
A. Un nouvel ordre politique
« Le siècle avait deux ans, déjà Napoléon perçait sous Bonaparte. » Victor Hugo évoque ainsi l'année de sa naissance à l'aube du XIXe siècle, mais aussi cette sorte de palier qu’elle représente dans le long achèvement de la Révolution. L'ordre voulu par le Premier consul -Histoire de mots p.28 s'impose peu à peu et la dynamique révolutionnaire, faite de ruptures et de relances, se fige avec l’établissement par Napoléon Bonaparte d’un ordre politique autoritaire.
1. La France post-révolutionnaire
a. La personnalisation et la concentration des pouvoirs
La Constitution de l'an VIII assurait la primauté du Premier consul : « sa décision seule suffit » (art. 42). Les ministres ne sont que ses agents d'exécution et il a la haute main sur les fonctionnaires qu'il nomme et révoque à sa guise. La révision constitutionnelle de l'an X accorde dans un premier temps le Consulat pour 10 ans, puis le Consulat à vie[41]. Cette disposition rompt avec un principe que la Révolution avait pratiqué souvent jusqu'à l'excès : la soumission périodique à l'élection des dépositaires de la souveraineté. Cette transformation majeure s'accompagne d'une introduction du culte du Premier consul qui contraste avec la simplicité affichée jusqu'au début du Consulat. Cette évolution monarchique du Consulat va de pair avec l'affaiblissement du pouvoir législatif.
Le pouvoir législatif est éclaté. Le Conseil d'État prépare les lois, le Tribunat discute, le Corps législatif vote, le Sénat vérifie la constitutionnalité. Le lieu essentiel d'élaboration de la loi s'est en fait déplacé. Le régime consulaire fonde son efficacité sur des experts, nommés par l'exécutif sans être pourvus du moindre mandat électif. Cette évolution, qui marquera pour longtemps la tradition étatique française, se traduit par le rôle important que joue le Conseil d'État : organisé dès 1802 en 7 sections spécialisées[42]. L'efficacité, incontestable, est payée du prix d'un véritable détournement de la souveraineté nationale.
Tous les citoyens de plus de 21 ans peuvent voter. Selon la Constitution de l'an VIII, ils élisent environ 600 000 notabilités communales qui élisent à leur tour 60 000 notabilités départementales lesquelles votent enfin pour 6 000 notabilités nationales. Cette « liste de confiance » nationale ne constitue qu'un réservoir dans lequel le Premier consul choisit les sénateurs qui y puiseront à leur tour pour former les autres assemblées. Dans les faits, la représentation nationale est considérablement filtrée et le pouvoir exécutif est largement maître du jeu.
Le gros œuvre de l’édifice étatique est déjà achevé au moment de la proclamation de l’Empire et du sacre en 1804. Devenu Napoléon Ier Empereur des Français, il consolide encore son pouvoir personnel autoritaire.
b. Les pouvoirs locaux sous tutelle
Le 13 février 1800, une loi nouvelle sur l'administration de la République, est adoptée. Les cadres établis en 1790 sont peu modifiés, en revanche, leur fonctionnement et leur mission politique sont radicalement transformés.
L'esprit de la loi de l'an VIII est donné par l'instauration des préfets -Documents p.28. L’institution des préfets. Nommés par le Premier consul pour le temps qu'il juge utile, les préfets sont affectés à un département avec compétence pour intervenir dans tous les domaines de la puissance publique. La nomination des maires et de leurs adjoints - par le Premier consul dans les villes de plus de 5 000 habitants, par le préfet dans les autres - constitue l'une des régressions les plus nettes pour les pouvoirs locaux.
c. Le contrôle de l'opinion publique
Après l'éclosion des formes d'expression politique de 1789-1790, la tension entre le principe de liberté et les exigences de soumission aux lois édictées par les gouvernants n'a cessé de se manifester à partir des décrets Le Chapelier de 1791 restreignant le droit aux pétitions collectives. Le Consulat réprime sans ménagement toute forme de critique publique du gouvernement. Bonaparte affirme face à ses détracteurs : « Je suis national », et prétend être en harmonie fondamentale avec les Français.
Selon cette logique dictatoriale, toute contestation est considérée comme contraire à l’intérêt collectif. La presse n'est donc utile qu'en tant que moyen de propagande. Dès 1800, tous les journaux parisiens, sauf 13, ont été supprimés. En 1802, il n'en reste que 9. Ainsi fait-on taire les « tocsins de la Révolution », selon le qualificatif dénonciateur appliqué aux journaux par Fouché, ministre de la Police. L'importance prise par ce ministère et son rôle politique sont un autre trait caractéristique du régime.
2. La réorganisation de la société
a. La volonté de codifier
Il n'est pas de meilleur exemple que le Code civil pour illustrer la manière dont l'œuvre consulaire prend en compte et module les acquis révolutionnaires en installant la France dans une modernité fort conservatrice.
L’unification du droit civil avait été amorcée sous l'Ancien Régime. Des juristes continuèrent d'y travailler sous la Convention, puis sous le Directoire. Bonaparte a pour principal mérite d'accélérer l'achèvement. Le Code sera finalement publié en 1804 -Point de passage p.44.
Les grandes conquêtes révolutionnaires sont acquises : les privilèges juridiques restent abolis, la société française est constituée d'individus égaux devant la loi, la liberté de conscience et des contrats est réaffirmée, la propriété pleine et entière se trouve confirmée. La propriété foncière est pour Bonaparte le fondement de la France post-révolutionnaire. Mais le Code civil est en même temps caractéristique de la démarche bonapartiste, synthèse modérant la Révolution française et incarnation d'une conception autoritaire et hiérarchique des rapports humains[43].
La propagande consulaire donne le Code civil comme exemple des « masses de granit » -Citation p.29, socles sur lesquels se bâtit une société stabilisée ; il régira les relations entre Français jusqu'au XXe siècle.
b. Le projet de société
Le projet social du Consulat se met progressivement en place. Il vise à consolider un ordre qui garantisse la domination des notables, minorité se définissant par trois critères principaux :
- elle est pourvue d'un capital conséquent, essentiellement foncier ;
- elle diffère des privilégiés d'Ancien Régime dans la mesure où la naissance n'est plus discriminatoire en droit (ce qui n'exclut pas, loin s'en faut, les héritiers de l'ancienne noblesse) ;
- elle cumule des pouvoirs économiques ou sociaux (prestige...) et des fonctions politiques.
L'État constitue le pivot de cet ordre. Il organise la hiérarchie, dominée par le Premier consul, et la soumission politique est une condition sine qua non d'intégration à cette hiérarchie.
La pacification religieuse est nécessaire à la réalisation de ce projet de société. Pour Bonaparte, l'objectif est clair : il convient de consacrer la réconciliation nationale en mettant un terme aux divisions religieuses. À titre personnel, il considère la foi comme une superstition, et il entretient une vision utilitariste de la religion[44].
Après de longues négociations, la rédaction de plusieurs textes et diverses menaces de rupture, le Concordat -Vocabulaire p.29 est signé le 15 juillet 1801. Cet accord est une synthèse entre la sauvegarde et l'abandon des acquis révolutionnaires :
- Le catholicisme ne redevient pas religion d'État comme sous l'Ancien Régime[45].
- L'État abandonne la Constitution civile du clergé.
- L'Église renonce aux biens nationaux.
- La réouverture des séminaires est autorisée.
- Il n'est plus question d'élection des clercs : le Premier consul nomme les évêques auxquels le pape confère l'investiture. Les curés sont désignés par les évêques avec l'agrément du gouvernement.
- Le clergé est rétribué par l'État qui fixera le salaire du curé à 1 000 ou à 1 500 francs.
En ce qui concerne l’éducation, la Révolution avait posé sans le résoudre le problème de la mission de l'État[46]. Pour le directeur de l'Instruction publique en 1802, la fonction que celle-ci doit occuper est stratégique : « L'Instruction publique [...]est une direction des esprits par l'esprit ». Adoptée en 1802, la loi Fourcroy privilégie la formation d'une élite et ne se préoccupe de l'instruction de la masse des Français que pour veiller à sa conformité avec les volontés du pouvoir. Ainsi, l’effort de l'État se concentre, sur la création des lycées[47] : un lycée doit être créé dans chaque ressort de cour d'appel afin d'accueillir, après examen, les fils de bonne famille et les élèves méritants encouragés par des bourses[48]. Des programmes stricts sont rétablis ; les professeurs et les élèves sont soumis à une discipline d'inspiration militaire, au port d'un costume. Il s'agit d'incarner dans le domaine éducatif l'ordre voulu pour l'ensemble du corps social.
B. La Révolution, l’Empire et l’Europe
1. Le grand Empire
a. La reprise de la guerre et la construction d’un « système continental »
Documents p.46-47. L’Europe bouleversée par la France- Nous avons vu que les valeurs de liberté et d'égalité de la Révolution ont suscité, en même temps que l’inquiétude des monarques, l'enthousiasme des peuples dans une large partie de l'Europe. La guerre, présentée par la République comme une lutte contre les rois, bâtit une France de 108 départements[49], entourée d'un glacis de « Républiques-sœurs »[50]. La France révolutionnaire a repoussé ses frontières au-delà des limites dont rêvaient ses rois. Cependant, cette fraternité révolutionnaire est éphémère car les réquisitions et les pillages rendent la présence française très impopulaire dès le Directoire. À partir du Consulat, alors que lorsque Bonaparte poursuit et amplifie cette politique, cette oppression entraine des résistances croissantes -doc.2 p.46. Espoirs et désillusions des peuples européens.
La « Grande Nation » se voulait libératrice et protectrice[51], mais elle devint également dominatrice et suscita les premiers mouvements patriotes, antifrançais et souvent antirévolutionnaires en Italie ou en Belgique. Dans cette fuite en avant, on peut considérer que l'apogée de l'Empire se situe en 1807, où la domination française ne souffre guère de contestation face à une Angleterre presque isolée.
Mais dès 1808, l'enlisement dans le bourbier espagnol apporte les premiers déboires. Tant et si bien que la phase d'expansion maximale (1811) coïncide avec l'accumulation des signes de fragilité. Pourtant l'édifice bâti en une décennie couvre la quasi-totalité de l'Europe à l'exception de l'Angleterre. L'agrégat d'États aux statuts différents mérite le nom de système continental :
- Au cœur du dispositif, le Grand Empire regroupe 130 départements et près de 50 millions d'habitants.
- Autour de lui gravitent des États satellites qui sont soit dirigés par des membres de la famille Bonaparte ou par des proches, soit laissés à leurs souverains lorsqu'ils ont fait allégeance à l'empereur (Bavière, Wurtemberg par exemple).
- Enfin les victoires militaires, les intérêts ou les menaces ont obligé l'Autriche, la Russie et d’autres à conclure des accords plus ou moins consentis et plus ou moins solides avec la France.
b. Les moyens de la domination
- La Grande Armée (officiellement 1805-1808) constitue une pièce maîtresse pour étendre et défendre l’Empire. De 1804 à 1814, plus de 2 200 000 Français sont appelés sous les drapeaux selon les règles de la loi Jourdan. Au fil de l'aventure napoléonienne, il est davantage fait appel aux soldats recrutés dans les territoires annexés ou les États satellites[52], et l’armée est divisée en corps spécialisés. Le plus célèbre des corps d’armée spécialisés est la Garde impériale, « élite de l'élite ».
- L'art de la guerre : Napoléon fonde sa stratégie sur quatre concepts principaux[53]:
- la rapidité de mouvement lui permet d'attaquer l'adversaire avant qu'il ne regroupe ses troupes ou de le couper de ses arrières ;
- la mobilité manœuvrière trompe le camp opposé sur le rapport de forces[54];
- l'initiative dans le choix du théâtre des opérations assure une exploitation de la topographie aussi bien que des faiblesses de ses vis-à-vis ;
- enfin, le coup éliminatoire anéantit l'armée adverse.
- Le blocus continental -Vocabulaire p.29: il s'agit d'asphyxier l'économie anglaise en la privant de ses débouchés européens par un verrouillage systématique des côtes, ainsi interdites aux navires anglais ou assimilés.
c. Les acquis révolutionnaires sont partiellement exportés
- Doc.4 p.47. L’influence française en Pologne- Sur le plan politique, Napoléon introduit dans les États satellites l'égalité devant la loi, une Constitution, le renforcement de l'administration et la laïcisation de l'État. En suscitant, selon des modalités diverses, la rupture avec les formes de pouvoirs traditionnels et la modernisation de gouvernements caractérisés par la primauté de l'exécutif, l'empereur espère asseoir son autorité.
- Sur le plan social, l’application du Code civil et l'abolition de la féodalité sont appliqués, mais pas partout[55].
2. La chute
Quand Napoléon installe son frère Joseph sur le trône espagnol (6 mai 1808), il a complètement sous-estimé la force du patriotisme espagnol dans le rejet d'un envahisseur assimilé aux Infidèles et considéré comme un exploiteur. Les horreurs de la guerre dont Goya rendra compte dans ses œuvres picturales, achèvent d'ancrer les Espagnols dans une résistance acharnée, sous la forme d’une guérilla que la venue de Napoléon ne permet même pas de vaincre.
La guerre d'Espagne a constitué le premier révélateur de la fragilité napoléonienne. La campagne de 1809 contre l'Autriche révèle l'ampleur de l'éveil national en Europe et l'écho du soulèvement espagnol. Le Tyrol cédé arbitrairement à la Bavière se révolte ; les instructions envoyées au maréchal Lefebvre sont sans pitié : « Mon intention est que vous exigiez qu'on vous livre 150 otages, que vous fassiez piller et brûler au moins six gros villages et les maisons des chefs [...]. Soyez terrible. » Par un singulier retournement de situation, l'archiduc Charles de Habsbourg, héritier d'un des adversaires les plus intransigeants de la France révolutionnaire, pouvait se présenter en défenseur de la liberté : « La liberté de l'Europe s'est réfugiée sous nos drapeaux. Vos frères allemands encore dans les rangs de l'ennemi attendent de vous leur délivrance. » En 1809, l'Autriche est battue et la révolte du Tyrol est écrasée, ce qui n'empêche pas la fièvre nationale de monter en Europe centrale.
Napoléon choisit d'anticiper sur une guerre qui semble inévitable contre la Russie. Dès la fin de 1811, il prépare ainsi l'offensive avec une armée de 400 000 hommes[56]. Le début des opérations est fixé au mois de juin 1812. Rien ne se déroulera comme Napoléon l'avait prévu.
Les adversaires de Napoléon entreprennent l’invasion de la France par le Nord et par l’Est. Malgré quelques succès, l’empereur est contraint à l’abdication. Le 20, il quitte Fontainebleau après la célèbre cérémonie des Adieux à la Garde. La voie de la restauration monarchique est alors ouverte.
Conclusion
Révisions p.48-49
[1] Le prix du blé double en quelques mois dans la France du Sud ; il triple au nord.
[2] Sous l’Ancien Régime, les États généraux sont des assemblées extraordinaires qui réunissent des représentants de toutes les provinces appartenant aux trois ordres de la société : clergé, noblesse et tiers état. Ils sont convoqués par le roi pour traiter d’une crise politique, d’une guerre, d’une question militaire ou fiscale. Face à une situation politique et financière catastrophique, Louis XVI convoque les États généraux, qui n’avaient pas été réunis depuis 1614. Eux seuls peuvent décider la levée de nouveaux impôts et engager la réforme du pays. Leur ouverture à Versailles, le 5 mai 1789, marque le début de la Révolution française.
[3] Ici, on a une poussée du petit peuple des campagnes qui impose des revendications radicales, y compris contre les gros exploitants ; là, l'assemblée est mise sous l'éteignoir par le contrôle des officiers seigneuriaux ; ailleurs, les débats sont dirigés par un homme de la ville qui met l'accent sur le programme politique national.
[4] Mirabeau, grand ciseleur de formules (en partie apocryphes) : « Nous ne quitterons nos places que par la force des baïonnettes. »
[5] L'un de ceux-ci proclame : « Nobles ! Vous êtes les fléaux de la société, comme vous êtes les ennemis de la Patrie ».
[6] Mirabeau tire la leçon : « Tout l'antique édifice, usé, vermoulu dans tous ses appuis, pourri dans tous ses liens, est tombé dès le premier choc pour ne se relever jamais ».
[7] Entre-temps elle est devenue tricolore, le blanc du roi intercalé entre le bleu et le rouge -Info p.24.
[8] Le lieutenant criminel du bailliage de Chalon écrit à propos des émeutiers : « ils étaient excités par la haine qu'ont toujours eue les pauvres contre les riches, même considérablement augmentée par la fermentation générale des esprits »
[9] Noble d’orientation libérale, commandant de la Garde nationale.
[10] …le roi de Piémont finissant par s'inquiéter du rassemblement
[11] La Société des amis de la Constitution (initialement « club breton »), installée au couvent des Jacobins (rue Saint-Honoré), sera surtout connue comme « club des Jacobins ».
[12] Danton en sera l’un des membres influents.
[13] Barnave, Lameth, Duport, qui déclare le 15 juillet 1791 : « La Révolution est finie. Il faut la fixer et la préserver en combattant les excès. Il faut restreindre l’égalité, réduire la liberté et fixer l'opinion. Le gouvernement doit être fort, solide, stable ».
[14] Pour éviter le discrédit définitif du monarque, ils tentent même de faire admettre la thèse de son enlèvement.
[15] La Fayette, Barnave, Duport, etc.
[16] Le 14 décembre, Louis XVI écrit à Breteuil, émigré : « Au lieu d'une guerre civile, ce sera une guerre politique [...]. Il faut que ma conduite soit telle que, dans le malheur, la France ne voie d'autres ressources que de se jeter dans mes bras. »
[17] Une des plus célèbres caricatures du temps représente Louis XVI en « Janus bifrons », monstre à deux têtes déclarant à un citoyen : « Je soutiendrai la Constitution », et promettant en même temps à un ecclésiastique : « Je détruirai la Constitution ».
[18] Cinq jours après la déclaration de guerre, Rouget de Lisle, officier du génie, chante devant le maire de Strasbourg, Dietrich, un chant qu'il a composé pour l'armée du Rhin. Ce chant martial deviendra La Marseillaise. Le texte est nourri de prose ancienne ; il est inspiré d'une affiche diffusée par la société locale des amis de la Constitution, la mélodie doit sans doute beaucoup à un concerto de Mozart. Ces ingrédients en feront l'hymne qui entraînera des millions de Français dans la défense du drapeau tricolore. Les volontaires venus de Marseille -et d'ailleurs- reprendront ce chant dont les paroles sollicitent à la fois les attachements individuels (la terre, la famille) et les valeurs universelles (la lutte contre la tyrannie).
[19] Le comité autrichien est une police secrète créée sous l’égide de Louis XVI en 1791.
[20] À Paris, du 2 au 5 septembre, le déchaînement de la violence punitive aboutit à un massacre terrible. Le bruit s'est répandu que le complot s'accompagnerait du soulèvement des prisonniers, dont les suspects arrêtés après le 10 août. Des prisonniers sont sortis de leurs geôles dans la plupart des prisons, et condamnés avec ou sans simulacre de jugement. Le chiffre de 1 250 à 1 400 victimes est plausible, c’est-à-dire entre 45 et 50% des prisonniers parisiens.
[21] Les adversaires eux-mêmes, déjà harcelés par des paysans hostiles aux envahisseurs, ont été impressionnés par l'énergie que le cri de « Vive la Nation », lancé par Kellerman, et le chant de La Marseillaise ont impulsée aux troupes.
[22] En fait, l'impossibilité d'une estimation plus exacte est en elle-même révélatrice : non seulement ces tendances politiques ne sont en rien des partis organisés, mais, surtout, les prises de position demeurent très fluctuantes selon les moments et les problèmes posés.
[23] 28 sept., Danton à la Convention : « La nation française a créé un grand courant d'insurrection des peuples contre les rois ».
[24] Du 16 à 20 heures jusqu'au 17 à 8 heures, chaque député passe à la tribune, annonce la sanction qu'il choisit et explique son choix. 387 députés sont pour la peine de mort immédiate, 288 (dont la plupart des Girondins) pour l'emprisonnement suivi éventuellement d'un bannissement, 46 pour la mort avec sursis, 28 députés sont absents ou s'abstiennent. Le résultat est contesté ; un nouveau vote confirme la peine de mort à une voix de majorité (361 contre 360).
[25] …comme la prise de deuil de la cour anglaise le 21 janvier 1793, l’accueil des émigrés...
[26] Le 24 octobre 1793, un nouveau calendrier est officiellement adopté : le début de l'an 1 est fixé au 22 septembre 1792 (proclamation de la République et équinoxe d'automne). « Le Temps ouvre un nouveau livre d'Histoire, et dans sa marche majestueuse et simple comme l'Égalité, il doit graver d'un burin neuf les annales de la France régénérée. » (Gilbert Romme)
[27] , vendémiaire, brumaire, frimaire pour les trois premiers mois par exemple
[28] Cf. Danton, qui réclame « l'économie du sang des hommes ».
[29] Cf. « indulgents » contre « exagérés »
[30] Les plus actifs sont les Muscadins ou membres de la jeunesse dorée : « jeunes gens de la chicane ou du petit négoce », repérables à une tenue excentrique (habit étriqué, énorme monocle, perruque enfarinée, bicorne et bâton ferré ; ils s'affirment comme « l'antithèse politique et sociale de la sans-culotterie » et pratiquent l'intimidation violente contre les acteurs politiques de l'an II.
[31] …à l'occasion de troubles entre Muscadins et Jacobins.
[32] « Nous devons être gouvernés par les meilleurs : les meilleurs sont les plus instruits et les plus intéressés au maintien des lois ; or, à bien peu d'exceptions près, vous ne trouverez de pareils hommes que parmi ceux qui, possédant une propriété, sont attachés au pays qui la contient, aux lois qui la protègent, à la tranquillité qui la conserve [...]. Un pays gouverné par les propriétaires est dans l'ordre social ; celui où les non-propriétaires gouvernent est dans l'état de nature »
[33] La pratique de la torture par le feu de la plante des pieds des cultivateurs à leur livrer leurs réserves et économies explique que ces bandes soient souvent désignées sous le nom de « chauffeurs »
[34] Le 20 mai, des manifestants envahissent la Convention. Un député est tué, et les émeutiers brandissent sa tête au bout d'une pique devant Boissy d'Anglas, président de séance. Un slogan, repris d'un pamphlet diffusé la veille résume souffrances et espoirs : « Du pain et la Constitution de l'an I. »
[35] Les survivants, en particulier Buonarotti, transmettront jusqu'au second quart du XIXe siècle le souvenir d'un projet qui marquera fortement le mouvement socialiste.
[36] 18 fructidor an V.
[37] Cf. Traité de Campoformio, 17 octobre 1797.
[38] Cf. la découverte de la pierre de Rosette qui permettra de déchiffrer les hiéroglyphes.
[39] Sur le plan stratégique, l'opération est en fait un fiasco dans la mesure où, dès le 1er août 1798, l'amiral Nelson a détruit la flotte française à Aboukir. L'armée de Bonaparte est prisonnière de sa conquête.
[40] Les Chouans ont obtenu la garantie des libertés civile et religieuse contre leur soumission. En revanche, comme Bonaparte écarte l'hypothèse de la restauration de Louis XVIII, des royalistes déçus placent une bombe sur le passage de sa voiture de Bonaparte à Paris le 25 décembre 1800. Immédiatement, la responsabilité de l'attentat est attribuée aux républicains qui dénonçaient la dictature. Plus de 700 d'entre eux sont arrêtés, une dizaine sont exécutés et une centaine sont déportés.
[41] Cf. senatus-consulte du 4 août 1802
[42] Guerre, marine, finances, législation, intérieur, instruction publique, administration des communes.
[43] Les articles régissant les relations familiales sont à cet égard significatifs. La société a beau être composée d'individus, la famille est cependant considérée comme une assise fondamentale qu'il convient de consolider. Le divorce est donc maintenu, mais rendu plus difficile. Les enfants naturels perdent la qualité d'héritiers à part entière. Le père, surtout, dispose d'une tutelle absolue qui relègue la femme dans une complète subordination (incapacité à gérer les biens, culpabilité plus grande en cas d'adultère, etc.).
[44] Par ailleurs, Bonaparte espère que cet accord avec le pape rompra la convergence de fait entre royalisme et Église. Enfin, le chef autoritaire voit dans la soumission aux dogmes et à l'institution ecclésiale, un moyen sans équivalent pour entretenir l'obéissance des fidèles.
[45] …même s’il est reconnu en tant que « religion pratiquée par le Premier consul ».
[46] En 1793, était adopté le principe d'une instruction primaire gratuite et obligatoire. La décision ne put être appliquée et, dès octobre 1795, la loi Daunou renonçait à la gratuité.
[47] Cf. création du baccalauréat en 1808 -Le saviez-vous ? p.28.
[48] Surtout attribuées aux enfants des serviteurs du régime.
[49] 88 dans le cadre des frontières actuelles, plus 9 départements belges, 4 rhénans, 1 genevois et 6 piémontais.
[50] Républiques batave, cisalpine, ligurienne et helvétique.
[51] Elle anéantit en effet les contraintes féodales dans les territoires contrôlés.
[52] Sur l'ensemble de la période, l'Italie fournit plus de 200 000 hommes ; en 1811-1812, les Polonais forment à eux seuls un contingent de 92 000 soldats.
[53] NB : Cette stratégie est servie par l'organisation en corps d'armée : ils se déplacent séparément, donc plus rapidement, en se ravitaillant plus facilement, puis ils se concentrent pour la bataille décisive.
[54] Ce dernier sous-estime l'ennemi et opère des mouvements qui l'affaiblissent ou, au contraire, a l'illusion d'affronter une armée plus puissante qu'elle ne l'est effectivement
[55] Les privilèges seigneuriaux sont maintenus dans la confédération du Rhin ; dans le royaume de Naples, les redevances et les corvées seigneuriales ne peuvent être supprimées qu'au prix d'un rachat coûteux, etc. Au total, seul le servage fut aboli à peu près complètement, résultat limité mais non négligeable d'une Révolution exportée.
[56] L’effectif total des armées impériales atteint alors 600 000 soldats, mais une partie combat en Espagne.